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CES ENTREPRISES QUI PRIMENT LA RSE

Enquête | publié le : 20.12.2011 | CAROLINE FORNIELES

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CES ENTREPRISES QUI PRIMENT LA RSE

Crédit photo CAROLINE FORNIELES

Et si la rémunération variable tenait compte, demain, des efforts pour créer une entreprise plus sûre, moins stressante, moins discriminante ou moins polluante. Une utopie ? Pas tout à fait. De plus en plus d’entreprises parient sur cette démarche, persuadées que leurs résultats économiques dépendent aussi de leur perfomance sociale et environnementale.

La rémunération variable sur des critères extra-financiers n’est plus seulement un concept. Plusieurs dizaines de grands groupes et de PME intéressent désormais dirigeants, managers, cadres commerciaux, voire tous leurs salariés, à la réalisation d’objectifs de responsabilité sociale et environne­mentale (RSE). Selon le dernier baromètre Capitalcom 2012, cette nouvelle politique de rémunération concernait déjà, fin 2010, la moitié des entreprises du CAC 40. Pour mémoire, elles n’étaient que 5 en 2008. Si certaines réservent encore ce mode de rémunération aux dirigeants ou mandataires sociaux de l’entreprise, une dizaine de groupes du CAC 40 l’ont d’ores et déjà ouvert à tous leurs managers et à une partie de leurs cadreset commerciaux : une part du variable est désormais liée à des objectifs de RSE, l’autre part restant conditionnée aux résultats économiques et au développement personnel.

Pour une performance économique durable

Première entreprise française à s’être lancée dans cette politique dès 2008, Danone consacre un tiers de la rémunération variable de ses 1 500 managers à des objectifs « environnementaux, de sécurité de travail et de développement en interne ». Les autres grands groupes qui ont suivi, dont Lafarge, Air Liquide, EDF, Rhodia, La Poste, Suez Environnement ou France Télécom, consacrent entre 10 % et 30 % de la rémunération variable à la RSE. « Ces expériences vont au-delà de l’affichage et sont désormais tangibles, estime Florence Fouquier, directrice de mission chez Vigeo Enterprise. Elles sont en train de s’étendre à d’autres groupes et cherchent à toucher un plus grand nombre de salariés. »

De nouveaux groupes travaillent effectivement à construire une démarche similaire, notamment Veolia ou Sodexo. « Cette évolution n’est pas étonnante, estime Christophe Laval, président fondateur du cabinet VPHR, spécialisé dans la reconnaissance au travail, car les entreprises comprennent deux choses : la performance économique ne peut pas être durable sans performance sociale et environnementale, et le management ne change que s’il est incité. »

Les entreprises souhaitent aussi s’épargner le coût exorbitant que représentent les mauvaises pratiques sociales et environnementales : procédures judiciaires, condamnations pénales, dommages et intérêts, coûts de dépollution, suicides de salariés, équipes démotivées et moins performantes, atteintes à l’image, etc.

La pression des investisseurs et des agences de notation n’est pas étrangère à cette prise de conscience. « Le fait qu’une entreprise intègre des critères de performance sociale et environnementale dans la rémunération variable est valorisée dans la note qu’attribuera Vigeo à l’entreprise, précise Florence Fouquier. Et c’est logique, car c’est un accélérateur pour le développement de la RSE dans une entreprise. » Cette démarche a été d’ailleurs retenue parmi les dix recommandations du rapport conjoint d’Henri Lachmann, Christian Larose et Muriel Pénicaud sur “Le bien-être et l’efficacité au travail”, remis en février 2010 : « La performance économique ne peut être le seul critère d’attribution de la rémunération variable. La performance sociale doit aussi être prise en compte, incluant notamment des indicateurs de santé, de sécurité et de conditions de travail », précise le document.

Les accords d’intéressement peuvent être aussi utilisés pour étendre la démarche à un plus grand nombre de salariés. C’est le cas chez Rhodia, où 10 % de la prime d’intéressement de tous les salariés français sera désormais correlée à la réalisation d’objectifs de RSE. Cette innovation proposée par les syndicats a été actée dans le nouvel accord de juin 2011.

Démarches éthiques

C’est aussi par le biais de primes d’intéressement que certaines PME se sont lancées dans la démarche. Mais elles utilisent plutôt des critères environnementaux, à l’image de Sojinal (lire p. 26). Et un nombre croissant de PME intéressent également leurs cadres et leurs commerciaux à des démarches éthiques en mesurant par exemple la satisfaction des clients, les taux d’élucidation des plaintes, la fidélisation des clients ou la fiabilité et l’accessibilité à tous des produits et services vendus. « Les commerciaux mercenaires qui accumulent les ventes avec des pratiques contestables ne font plus recette dans les TPE-PME, constate Thierry Mouton, du cabinet Actioncoach. La satisfaction durable des clients apparaît plus intéressante financièrement. » Des objectifs de qualité de service que Florence Fouquier intègre bien volontiers « dans la RSE ».

Encore expérimentaux dans les entreprises, ces dispositifs de rémunération sont bien accueillis dès lors qu’ils sont bien expliqués et sincères, remarque Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH : « Ils sont plus porteurs de sens que des objectifs de résultats à court terme. Ce sont aussi souvent des challenges collectifs. Ce n’est pas seul mais à plusieurs qu’on pourra inventer des produits durables, améliorer la performance sociale ou protéger l’environnement. »

Ce type de rémunération pourrait même ajouter du bien-être au travail, car « il récompense aussi les efforts et les idées, ajoute Christophe Laval. Cela donne une utilité sociale plus forte au travail des managers que des objectifs de court terme ».

Principes vertueux

La CFDT attend de ces objectifs RSE une meilleure application des accords signés : « Ils s’appliquent rarement dans leur intégralité, rappelle Marie-Hélène Gourdin, secrétaire fédérale de la CFDT Chimie Énergie. Rémunérer la performance sociale incitera des managers, qui n’ont parfois qu’une connaissance limitée du droit du travail, à se poser les bonnes questions. Les principes vertueux sur lesquels les directions communiquent doivent être rendus opérationnels sur le terrain. » Cette démarche pourrait aussi modifier les rapports entre managers et salariés, estime Christophe Laval, si les entreprises réussissent parallèlement à instaurer des relations de confiance entre les niveaux hiérarchiques : « La performance sociale est difficile à évaluer, parce qu’elle n’est ni blanche ni noire. Faire confiance à son n + 1 ou son n + 2 est essentiel. Il est également important de ne pas trop pénaliser l’échec. Il faut aussi reconnaître les efforts parce qu’ils généreront la performance sociale dans la durée. »

Sylvain Niel, avocat au cabinet Fidal et président du Cercle des DRH, va plus loin, considérant cette politique de rémunération comme un moyen de propulser nos entreprises dans l’innovation : « Face à la compétition internationale, il nous faudra innover. Cela nécessite d’encourager les initiatives, la créativité, et le travail d’équipe. Cela implique également un nouveau type d’organisation, plus transversal et plus centré sur des projets. Ce type de rémunération est de nature à faciliter ces transformations. »

L’ESSENTIEL

1 L’intéressement du personnel accélère la mise en œuvre d’engagements de performance sociale et environnementale.

2 À l’extérieur, cette politique convainc investisseurs et consommateurs. En interne, elle améliore la cohésion et motive les équipes.

3 Pour réussir, la direction doit mettre en place des engagements sincères, des objectifs et des indicateurs pertinents, mais aussi un dialogue social de qualité.

LES CADRES « EN QUÊTE DE SENS » SUR LA RÉMUNÉRATION VARIABLE

L’enquête sur “La politique de rémunération des cadres” de l’observatoire Cegos, publiée le 8 décembre, montre qu’il y a une demande pour l’intégration de critères RSE dans la rémunération variable.

La part du variable est en hausse dans la rémunération globale des cadres : 52 % en bénéficient en 2011 et elle s’applique désormais à toutes les fonctions et même aux fonctions support (achat, logistique). Reste qu’elle n’est pourtant pas considérée comme motivante : seuls 5 % des cadres l’estiment intéressante. Mais, surtout, 87 % la critiquent pour son manque de transparence. « Ils expriment clairement un besoin d’équité et de critères incontestables, pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres, commente Michel Fourmy, en charge des enquêtes rémunérations de Cegos. En effet, l’égalité salariale et l’égalité hommes-femmes sont des objectifs qui devraient, pour 87 % d’entre eux, être mis en avant dans la politique de rémunération. »

« Enfin, 51 % des cadres estiment qu’il faudrait attribuer du variable pour permettre la diminution des risques psychosociaux. » Michel Fourmy y voit « clairement un appel à l’inclusion de critères de performance sociale dans la rémunération variable ».

Auteur

  • CAROLINE FORNIELES