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Enquête

LES DÉMÉNAGEURS MISENT SUR LA PRÉVENTION

Enquête | publié le : 14.02.2012 | LAURENT POILLOT

Un accord de branche vient d’être rendu applicable pour 16 000 salariés. Il renforce la vigilance des employeurs en matière de formation, de répartition des tâches et d’équipement adapté.

Quatre années de discussions pour aboutir à un accord le 3 novembre 2010, tout juste étendu le 20 janvier 2012. Le débat sur la pénibilité dans le secteur du déménagement a évolué dans le temps long. À la Chambre syndicale du déménagement (CSD, 16 000 salariés parmi 650 000 professionnels des transports), on retient surtout le consensus obtenu. « Cet accord sur la pénibilité traduit notre volonté commune de tirer la profession vers le haut et de faire tomber le stéréotype du manœuvre sous-qualifié à la santé précaire », déclare Yannick Collen, président de la commission sociale. « Si l’on s’en était tenu à la loi, on aurait quasiment pu s’exonérer d’une réflexion sur ce sujet, étant donné que moins de 2 % des entreprises ont plus de 50 salariés parmi les 1 400 relevant de ce code NAF. Notre dispositif couvre toutes les TPE-PME. »

Obligation de formation des nouveaux engagés

La cible : « Les personnels ouvriers dont l’emploi comporte une fonction de manutention, de port de charges lourdes et/ou de gestes répétitifs […] associée ou non à la conduite », précise l’accord. D’importants efforts sont engagés, à commencer par la prise en compte des nouveaux entrants. Toute personne engagée en CDI et CDD de plus de six mois, sans être titulaire d’une qualification adaptée (CAP déménageur, notamment), a l’obligation de suivre une formation de sept heures. Elle peut être réalisée en interne, sous la responsabilité du chef d’entreprise, ou auprès d’un formateur habilité, tel que l’AFT-Iftim.

Deux modules sont prévus. L’un porte sur les risques professionnels : statistiques d’AT-MP, connaissances en anatomie, effets des mauvaises postures, principes de sécurité physique et d’économie d’efforts… L’autre module traite de l’hygiène de vie, en particulier de l’équilibre alimentaire et de l’importance du sommeil. Les apports théoriques sont complétés par des séquences pratiques, par exemple sur le port d’EPI (équipement de protection individuelle), les positions de sécurité et l’utilisation des matériels de levage.

Vigilance renforcée sur l’organisation du travail

Pour les autres salariés en activité, plusieurs dispositions renforcent la vigilance sur l’organisation du travail. L’accord rappelle l’importance du document unique de sécurité et l’obligation d’utiliser des engins adaptés au déménagement. Il pose l’obligation de recourir à des ouvriers formés, devant systématiquement effectuer en binôme les manutentions les plus lourdes. Il demande aussi de prendre en considération l’âge des intéressés (dès 45 ans) et leur ancienneté (dès vingt-cinq ans de carrière). Comment ? En veillant à adapter le nombre d’étages gravis, ainsi que les distances de portage et la répartition des tâches, tout en constituant des binômes seniors-juniors.

Autre nouveauté, l’articulation de la prévention et du développement des compétences. Le DIF est bonifié de 10 % passé 50 ans (soit 22 jours par an), pour promouvoir les formations au tutorat et à l’accompagnement… notamment sur les risques professionnels. Le tutorat est encouragé par une prime de 5 % du salaire réel.

Institution d’une commission de suivi

Seule une disposition a été retoquée par l’arrêté d’extension : la visite médicale du travail. Les signataires voulaient que les visites soient annuelles. Le ministère du Travail l’a refusé, jugeant que « la multiplication des examens médicaux » pèserait sur la « consommation du temps de travail du médecin du travail ».

Thierry Cordier, le négociateur CFDT, ne comprend pas cette logique : « Dès 45 ans, un déménageur est presque à la fin de sa carrière ! » Il estime néanmoins que l’accord ouvre la voie à d’autres aménagements : « Nous n’en sommes qu’au début », affirme-t-il, en espérant la création d’un système de compensation de l’inaptitude au déménagement. « Le seul congé de fin d’activité existant ne concerne que les conducteurs d’engins de plus de 3,5 tonnes. »

Stéphane Lagedamon (FO) attend beaucoup, quant à lui, de la commission de suivi qui vient d’être instituée : « Son rôle va au-delà de l’interprétation de l’accord. On pourra lancer des études avec l’Anact et des pistes d’action à partir des statistiques des maladies professionnelles. »

Cette commission travaillera sans la CGT, exclue de cette instance car non-signataire de l’accord. Le syndicat attendait mieux en matière de réparation.

Auteur

  • LAURENT POILLOT