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Enquête

LE PERSONNEL SOIGNANT DE PLUS EN PLUS MOLESTÉ

Enquête | publié le : 20.03.2012 | V. L.

Un observatoire recueille chaque année les faits signalés par les établissements hospitaliers. Le personnel soignant est particulièrement touché par les phénomènes de violence externe. Si les campagnes d’information sont bien présentes, la formation peine à s’installer à l’AP-HP.

Ces jours-ci, des fiches “réflexes” ont été mises à disposition des personnels des hôpitaux par la Fédération hospitalière de France (FHF). Un kit pratique destiné tant aux personnels qu’aux patients victimes, avec des explications et des documents sur la définition de la violence, la prise en charge, les procédures à mettre en œuvre, les suites de la démarche et son cadre juridique. Cet outil a été réalisé avec la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la mutuelle MACSF.

Pas surprenant que cette initiative soit prise dans un secteur où la hausse de la violence se poursuit d’année en année, depuis que l’Observatoire national des violences en milieu hospitalier (ONVH) a été créé, en 2005. En 2011, il note 13 % de signalements supplémentaires et une hausse de 11 % du nombre d’établissements déclarants. Parmi les violences rapportées, 87 % sont des atteintes aux personnes, dont 26 % concernent des insultes et injures (+ 5 %) ; 18 % des menaces (+ 3 %) ; 55 % des coups (+ 9 %) ; 1 % des faits qualifiés de crimes. 82 % des victimes sont des personnels, particulièrement exposés au sein des services de psychiatrie et aux urgences.

« Chaque année, il y a de plus en plus d’injures et d’insultes, mais la tendance récente montre que le passage aux coups s’opère de plus en plus rapidement », constate Fabienne Guerrieri, commissaire divisionnaire, chargée de mission auprès de l’ONVH, et à la disposition des établissements pour faire des audits de sécurité.

Charte de laïcité

« Au sein des services d’obstétrique et gynécologie, on observe une augmentation significative des violences depuis trois ans, dont certaines semblent être liées à des problèmes religieux, selon les professionnels de santé : des maris qui n’acceptent pas que leur femme se fasse examiner par des médecins hommes ou le refus de retirer le voile islamique, rapporte Fabienne Guerrieri. Certains établissements affichent une charte pour rappeler la laïcité de l’hôpital, en raison de réalités vécues en leur sein, et ce afin d’essayer de désamorcer ce type de difficultés. »

D’une façon générale, « aux urgences, les causes sont toujours similaires : une attente longue et l’absence de compréhension face à cette attente, malgré la présence d’infirmières d’accueil et d’orientation. En effet, c’est l’urgence de la pathologie qui détermine la prise en charge, et non pas l’heure d’arrivée. De plus, le manque d’informations fournies aux familles sur les malades fait parfois monter le ton », explique la chargée de mission.

Les données que recense l’AP-HP (3 000 faits signalés par an, pour 90 000 personnes et 37 établissements) reflètent les chiffres nationaux répertoriés par l’ONVH. « Les atteintes aux personnes progressent plus que les vols et dégradations », déclare Gérard Browne, délégué défense et sécurité à l’AP-HP. On dénombrait 940 atteintes aux personnes en 2011 pour 705 en 2010, et 1975 atteintes aux biens en 2011 pour 2186 en 2010. Les menaces et injures représentent 70 % des faits, et les incapacités temporaires de travail (ITT) inférieures à 8 jours s’élèvent à 237, celles de plus de 8 jours à 11 en 2011.

« Nous avons du mal à l’expliquer, mais cela nous semble indissociable des évolutions de la société et des délinquances qui se produisent sur la voie publique », commente le délégué. En outre, « les services d’urgence ont une vocation qui a été détournée depuis longtemps. L’attente y est longue, les gens s’énervent, sans compter les visites tardives dans les services et des visiteurs qui ne veulent pas quitter l’hôpital… » énonce Gérard Browne.

Violence institutionnelle

Franck Coenne, responsable du syndicat Sud et aide-soignant, considère que « la violence institutionnelle est également difficile à supporter et, en phase de restructuration, des effectifs manquent pour répondre aux patients, ce qui peut créer des tensions entre nous. »

« Le premier message que nous faisons passer à nos personnels est : ne gardez pas cela pour vous, parlez-en à l’encadrement, donnez une suite, un accompagnement médico-psychologique existe et vous pouvez déposer plainte. Il ne faut pas que l’hôpital soit considéré comme un lieu d’impunité. Or, seulement 30 % des agressions font l’objet d’un dépôt de plainte, c’est peu », indique Gérard Browne.

Pourtant, cette démarche est facilitée depuis la signature d’un protocole national avec la police en 2005 : moins d’attente pour la police quand elle vient à l’hôpital aux urgences avec des individus en état d’ivresse, par exemple, et, de son côté, l’hôpital obtient plus rapidement des rendez-vous pour les dépôts de plainte.

« Nous investissons aussi dans la vidéoprotection, les contrôles d’accès, et nous fermons certaines zones », ajoute Gérard Browne. Sur l’ensemble des hôpitaux, 250 agents privés de sécurité par 24 heures sont en poste.

« Nous avons encore un axe d’effort à développer : celui de la formation des personnels dans les secteurs les plus à risque comme les urgences, les consultations et les services d’accueil, mais nous nous heurtons au problème du temps à dégager », reconnaît le délégué. En attendant, la campagne d’affichage créée par la FHF en 2004 a toujours autant de succès dans les services : elle confronte la perception qu’ont les patients à la réalité de ce que vit le personnel hospitalier et rappelle les poursuites encourues.

Auteur

  • V. L.