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Chantiers sociaux du gouvernement : le point de vue des DRH

Actualités | publié le : 17.07.2012 | EMMANUEL FRANCK

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Chantiers sociaux du gouvernement : le point de vue des DRH

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

La conférence sociale organisée par le gouvernement les 9 et 10 juillet a abouti à une feuille de route chargée pour les partenaires sociaux.Les professionnels des ressources humaines seront concernés au premier chef par les réformes qui en découleront. Premières réactions.

Les praticiens des RH saluent la méthode de la conférence sociale adoptée par le gouvernement. « Les intentions sont bonnes, le lieu [le CESE] est bien choisi ; il faut inscrire cela dans la durée », déclarait Thierry Smagghe, DRH de Spie, au cours d’une journée-débat organisée par Congrès HR’ quelques jours avant la conférence.

Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Rhodia, a renchéri, lors d’une conférence de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) : « Se réunir deux jours mais sans aller dans le fond des sujets, recourir à des experts, c’est une méthode dont les entreprises ont des choses à tirer. » Philippe Vivien, DRH d’Areva et président de l’Agirc-Arrco, apporte cependant un bémol : « Réunir tout le monde autour d’une table, c’est bien, mais sur quelques sujets clés, il faut avoir le courage d’aller vite : les finances publiques et celles de la Sécurité sociale ne sont pas bonnes, il faut également que les efforts portent sur la compétitivité. On n’a pas trois ans devant nous », déclarait-il au Congrès HR’.

Les DRH rêvent des accords de compétitivité, ou d’un équivalent

L’emploi était le gros dossier de la conférence sociale. Le gouvernement invite les partenaires sociaux notamment à ouvrir une négociation sur les « conditions d’une meilleure sécurisation de l’emploi ». La question que se posent les professionnels des RH est de savoir si cette négociation se fera dans le même esprit que celle entamée au cours de la précédente mandature sur les accords de compétitivité. L’idée était alors d’autoriser temporairement une baisse de salaire par accord collectif, en échange de garanties sur l’emploi.

« Nous appelons de nos vœux les accords de compétitivité », déclare François Béharel, président de Randstad, au cours de la même rencontre de l’Ajis. « Je n’ai pas entendu que la négociation sur les accords de compétitivité était terminée », affirme de son côté Jean-Christophe Sciberras. Formellement, elle « n’est plus à l’ordre du jour », a déclaré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Sauf que le principe, auquel plusieurs syndicats adhéraient moyennant des garanties, n’est pas non plus formellement exclu de la feuille de route.

« Nous avons réussi à faire légaliser nos propres accords compétitivité-emploi, espérons que la loi ne va pas tout changer », déclarait Alain Everbecq, DRH de Poclain Hydraulics au Congrès HR’. Il avait en effet obtenu en 2009 de ses syndicats une baisse momentanée des salaires de 20 %. À noter que les adhérents de l’ANDRH, interrogés avant l’élection présidentielle dans le cadre de notre baromètre Défis RH, étaient majoritairement contre les accords de compétitivité.

Pour une sécurisation de la rupture du contrat de travail

La rupture du contrat de travail sera à l’ordre du jour de la négociation sur la sécurisation de l’emploi. « Il sera complexe de qualifier un licenciement dont l’objectif est d’augmenter la rentabilité », remarque Thierry Smagghe. Pour François Béharel, le renchérissement des contrats précaires a pour objectif de faire embaucher en CDI, mais, remarque-t-il, « si les entreprises ne savent pas comment réduire leurs effectifs en cas de coup dur, elles paieront pour de l’intérim ». Aussi, dans l’optique de favoriser le CDI, « la hausse des coûts [des contrats d’intérim] est indissociable d’une facilitation des sorties [de CDI] ». Or, note Jean-Christophe Sciberras, « la flexibilité et la précarité sont pour la première fois traitées dans le même temps, c’est une bonne chose ».

Le président de l’ANDRH remarque en outre que, désormais, c’est le juge des référés qui décide de la légalité d’un licenciement économique ; « or il ne connaît pas l’entreprise. Si on veut avancer, il faut que cette tâche échoie à un tiers qui la connaît », par exemple un médiateur.

Les contrats de génération ne suscitent guère d’enthousiasme

Cette mesure phare de François Hollande est jugée « intéressante » par François Béharel : « Cela va permettre de faire un focus temporaire sur des populations cibles, mais le vrai problème est la flexibilité. » Jean-Christophe Sciberras est pour sa part opposé au binôme un jeune-un senior et préférerait une parité globale. Enfin, un DRH, qui emploie déjà 6 % d’apprentis, estime n’avoir pas besoin des contrats de génération, « mais s’il y a une exonération à prendre, on la prendra »!

La hausse du forfait social pèsera sur les rémunérations

Les professionnels des RH ne regrettent manifestement pas la fin de la prime pour dividendes annoncée lors de la conférence sociale. En revanche, ils sont critiques sur la hausse du forfait social prévue par le projet de loi de finance rectificative (lire l’encadré p. 6). D’une part en raison des risques que cela fait peser sur la compétitivité de leurs entreprises, ainsi que le soulignent Alain Everbecq, Philippe Vivien et Thierry Smagghe. Mais aussi parce qu’en ne faisant porter l’effort que sur l’employeur, cela accrédite auprès des salariés l’idée que « l’argent tombe du ciel », note Jean-Christophe Sciberras.

Thierry Smagghe souligne par ailleurs une conséquence prévisible de cette hausse : « Les entreprises risquent de resserrer les critères de l’intéressement afin de réduire la distribution d’épargne salariale. » Il craint de ce fait que les négociations salariales pour 2012-2013 ne soient difficiles.

Dialogue social : des ajustements s’imposent

Jean-Christophe Sciberras soutient à titre personnel la représentation des salariés dans les conseils d’administration. « Ils sont perçus comme des boîtes noires, ce qui développe des fantasmes », justifie-t-il. Toutefois, il conviendrait de préserver la confidentialité des débats, « ce qui suppose un accord avec les syndicats sur les règles du jeu ».

Le gouvernement a en outre prévu de faire un bilan de la réforme de la représentativité syndicale et de procéder à des ajustements. Le DRH de Rhodia se dit préoccupé par le décalage de représentativité, dans les entreprises multi-établissements, entre les syndicats représentatifs au niveau national et ceux qui ne le sont que dans les établissements. Cela crée, selon lui, des « opposants structurels ».

Égalité professionnelle : plutôt l’exemple que la sanction

Pour réaliser l’égalité professionnelle, les intervenants à la conférence sociale se sont accordés sur le fait que de nouvelles lois ne sont pas nécessaires, mais que celles qui existent doivent s’appliquer. « J’ai beaucoup entendu parler de sanctions, s’inquiète Jean-Christophe Sciberras. Alors que la meilleure méthode pour faire avancer les entreprises est la pédagogie par l’exemple. » Et de citer celui des entreprises qui prévoient une enveloppe pour résorber les écarts de salaires injustifiés. La modification du décret instaurant les pénalités financières viserait, quant à elle, à donner la priorité à la négociation par rapport au plan unilatéral, et à prévoir la transmission des plans unilatéraux à l’inspection du travail.

Des mesures déjà actées dans le projet de loi de finances

Le projet de loi de finances rectificative présenté en conseil des ministres le 4 juillet devrait être adopté définitivement fin juillet. Il prévoit plusieurs augmentations des cotisations sociales.

→ Suppression des exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et les heures complémentaires pour les entreprises de 20 salariés et plus, à compter du 1er septembre 2012.

→ Hausse de 12 points du forfait social sur l’épargne salariale : le taux du forfait social à la charge des employeurs pour les revenus réalisés au titre de l’épargne salariale serait relevé de 8 % à 20 %. La mesure doit entrer en vigueur le 1er septembre 2012.

→ Taxation accrue des stock-options et des attributions gratuites d’actions : la contribution patronale devrait passer de 14 % à 30 %, et la contribution salariale de 8 % à 10 %.

→ Suppression de la TVA sociale.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK