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LuxembourgLE GRAND-DUCHÉ ROMPT AVEC LA CULTURE DU COMPROMIS

Pratiques | International | publié le : 17.07.2012 | CHRISTIAN ROBISCHON

Depuis trente ans, le pays a fondé sur le consensus patronat-syndicats la construction de son droit social et de ses pratiques RH. Ce modèle éclate sous la pression de la crise économique.

Lorsque la “tripartite” se réunit au Luxembourg, c’est que la situation économique est préoccupante. Mais c’est aussi l’assurance de trouver une issue. Ou plutôt, c’était. Le modèle de dialogue patronat-syndicats sous l’arbitrage bienveillant du gouvernement, qui fonctionnait sans anicroche majeure depuis trente ans, est aujourd’hui grippé.

Dans le secteur de la sidérurgie, qui domine l’industrie nationale, l’instance est suspendue depuis l’automne 2011. Les syndicats jugent inutile d’y siéger, n’ayant pas obtenu d’engagements fermes d’ArcelorMittal sur le maintien de plusieurs sites qui subissent un arrêt prolongé, à l’instar des hauts-fourneaux de Lorraine. Leur appel à convoquer une nouvelle réunion à la rentrée prochaine est de pure forme.

Un comité inactif

La sidérurgie a été à l’origine du “comité de coordination tripartite”, créé par la loi à la fin des années 1970 pour amortir le choc d’une première grosse crise de l’acier. Ce qu’il est parvenu à faire sans discontinuer depuis, par des mécanismes de préretraite et d’aide au reclassement ou à la reconversion. Cette pertinence démontrée, le principe de ce comité s’est étendu aux questions économiques générales. Il inspire les lois et fixe une grande partie des règles de la relation employeur-employé. Du coup, il concerne l’ensemble des salariés, ceux de nationalité luxembourgeoise mais aussi les 40 % d’étrangers qui totalisent 157 000 personnes, dont 80 000 Français.

Or cette tripartite interprofessionnelle est également inactive depuis fin 2011. Les syndicats en ont claqué la porte, mécontents des propositions du patronat de réviser de nombreux piliers nationaux : la revalorisation du salaire social minimum (actuellement 1 800 euros brut, soit 1 580 net), qui détermine l’échelle des rémunérations, l’indexation des salaires sur la hausse du coût de la vie – dont le Luxembourg reste le dernier adepte en Europe avec la Belgique –, le recours très encadré aux CDD. Cette suite d’échecs sonne comme le crépuscule d’un modèle inspiré de l’Allemagne, consistant à mettre tout le monde autour de la table pour trouver le meilleur compromis.

Les syndicats y voient les conséquences de la crise économique, certes relative (le taux de chômage a grimpé à… 6 %), et surtout de la lecture qu’en fait le ? patronat. « Il pose des revendications exagérées puis se montre inflexible, on ne peut plus discuter », critique Vincent Jacquet, secrétaire général adjoint de la LCGB, l’une des deux centrales syndicales majeures avec l’OGBL.

Pour l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL, fédération nationale des employeurs), l’assouplissement du droit du travail s’impose pour enrayer la « perte de vitesse en compétitivité de l’économie luxembourgeoise », attribuée notamment à une inflation générée en partie par le système de l’indexation. « En dérapage incontrôlé, les coûts salariaux unitaires ont augmenté de 31 % en dix ans, le double de la moyenne de nos trois voisins France-Belgique-Allemagne », indique l’UEL.

Voies de sortie bouchées

Deux voies sont possibles pour sortir de l’impasse : laisser l’État légiférer seul ou se rabattre sur les accords de branche. L’une comme l’autre apparaissent toutefois largement bouchées. Le gouvernement refuse de se substituer aux partenaires sociaux, qu’il a régulièrement appelés à reprendre le dialogue. En attendant, il légifère a minima, par exemple en ajustant légèrement le calcul de l’indexation des salaires. Quant aux conventions collectives, « elles ne couvrent que 50 % des actifs et celles qui existent connaissent aussi beaucoup de tensions », commente Vincent Jacquet. C’est le cas dans le BTP en particulier : les employeurs souhaitent augmenter la flexibilisation du temps de travail en portant de 48 à 52 heures la durée maximale hebdomadaire, pour une durée moyenne légale maintenue à 40 heures.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON