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Enquête

LES ASSOCIATIONS INTERMÉDIAIRES DÉCOUVRENT LA FONCTION D’EMPLOYEUR

Enquête | publié le : 28.08.2012 | V. Q.

La fédération Coorace mène depuis cinq ans un travail de professionnalisation des RH de ses adhérents. Objectif : mieux équilibrer la fonction d’insertion et la fonction d’employeur dans les associations intermédiaires. Un travail de longue haleine.

Parmi les différents acteurs de l’insertion par l’activité économique (IAE) figurent les associations intermédiaires. Leur mission est d’offrir un parcours d’insertion à des personnes très éloignées de l’emploi en les mettant à disposition de particuliers, de collectivités ou d’entreprises contre rémunération. Les salariés exercent principalement des activités de ménage, jardinage, bricolage, manutention… Ils ont vocation à quitter l’association intermédiaire (AI) au terme de leur parcours d’insertion pour occuper un emploi dans le milieu ordinaire.

Près de la moitié des associations intermédiaires (400 sur 900 en France) adhèrent à la fédération Coorace, qui leur apporte conseil, formation, appui technique. Elle a aussi un rôle de tête chercheuse qui lance des idées qu’expérimentent les délégations régionales avant leur généralisation. La professionnalisation des RH est au programme depuis 2007, avec deux axes : améliorer la participation des salariés à la vie de l’entreprise et élargir la gamme de contrats proposés aux salariés en insertion.

Le Coorace a ainsi planché sur l’amélioration du CDD d’usage, largement utilisé par les AI pour sa souplesse. Ponctuel, court, sans engagement de durée et adaptable à la demande du client, il a l’inconvénient de maintenir le salarié dans la précarité. Celui-ci est payé sur la base du nombre d’heures travaillées chez le client et n’a donc aucune visibilité sur sa rémunération. Les réflexions du Coorace ont abouti à un CDD d’usage “amélioré” : le salarié signe un seul contrat de travail pour une durée et un volume d’heures garantis. Il a été expérimenté avec succès en 2010 dans trois régions, et le Coorace pousse à élargir son utilisation. « Notre objectif est de faire en sorte que, pendant la phase d’insertion, le statut du salarié soit plus satisfaisant. Nous souhaitons changer de cadre de référence : en droit français, le droit du travail applicable aux périodes d’insertion est souvent minoré par rapport au droit du travail des salariés ordinaires. On donne moins de droits à des personnes qui, a priori, en ont le plus besoin », explique Barbara Tiriou, directrice juridique du Coorace.

Dans le sillage de cette expérimentation, la délégation régionale de Basse-Normandie a monté un groupe de travail qualité pour réfléchir à d’autres types de contrats à proposer aux salariés en insertion. « Il s’agit de partir de leurs besoins réels et d’y répondre par les outils contractuels appropriés. Le CDD d’usage amélioré en est un. Mais on peut mobiliser aussi des contrats aidés – CUI-CAE –, qui permettent d’avoir des moyens plus importants en formation, ou des contrats de professionnalisation », indique Laurent Bouvet, délégué du Coorace Basse-Normandie. La réflexion sur le sujet débute et devrait aboutir, courant 2013, à élaborer une boîte à outils contractuelle à disposition des associations intermédiaires. Le délégué de Basse-Normandie compte sur le rôle moteur des 150 AI certifiées Cèdre (un label qualité interne garantissant de bonnes pratiques, dont celle de « rendre la personne en insertion actrice de son parcours »). Mais c’est un travail de longue haleine. Le réflexe est encore bien ancré de recourir systématiquement au CDD d’usage. « Cela nécessitera presque une révolution copernicienne au niveau du pilotage des AI », évoque Laurent Bouvet.

CDI d’insertion

Le groupe de travail planche également sur un CDI d’insertion pour les personnes, souvent des seniors, qui restent salariées de l’association faute de perspective d’emploi ailleurs ou de formation (c’est le cas d’un cinquième des salariés en insertion des AI, selon la Dares).

Sur l’axe de l’amélioration de la participation des salariés à la vie de l’entreprise, le Coorace pousse à la mise en place d’institutions représentatives du personnel. Ce n’est pas du luxe : un grand nombre de salariés d’AI – permanents comme en insertion – n’est couvert par aucune convention collective. Majoritairement composées de moins de onze permanents, elles échappent à l’obligation d’organiser des élections professionnelles… à moins d’intégrer les salariés en insertion dans leurs effectifs, ce dont le Code du travail les dispense. Il faut donc que le conseil d’administration soit particulièrement volontaire pour le faire, comme cela a été le cas à Starter, une des plus importantes AI du réseau Coorace en Bretagne.

Grâce à l’expertise de Jean Castel, membre du conseil d’administration et ancien permanent CFDT, un accord dérogatoire a permis de faire passer l’effectif de 9 permanents à 35 ETP, en tenant compte des heures effectuées par les salariés en insertion. Deux salariés en insertion se sont présentés et ont été élus en novembre 2011. « Ils n’ont pas encore défini de politique revendicative, mais il faut laisser le temps au temps, constate Jean Castel. Ce qui est important, c’est le changement de point de vue : en tant que délégués du personnel, les salariés en insertion se sentent plus impliqués dans la vie de l’entreprise. Et le directeur les voit sous un autre angle que celui de l’insertion. »

Président du Coorace Bretagne et administrateur de Starter, Alain Van den Bulcke confirme : « On passe d’un modèle fondé sur l’assistanat social à un système basé sur la GRH. Cela modifie les rapports entre salariés permanents et salariés en insertion. »

Le travail sur les RH correspond à une volonté de « rééquilibrer la fonction insertion, qui ne comprend pas la dimension du droit du travail et la fonction d’employeur. Les deux fonctions doivent être portées au sein de chaque structure », insiste Barbara Tiriou. Un rééquilibrage d’autant plus nécessaire que les salariés en insertion contribuent largement à faire tourner l’association. En moyenne, le résultat d’une AI est constitué à 97 % de chiffre d’affaires, c’est-à-dire de la facturation des services produits par les salariés en insertion chez les donneurs d’ordre, et de 3 % d’aides publiques.

COORACE

• Activité : fédération d’entreprises et associations d’insertion.

• Effectifs : 512 adhérents (associations intermédiaires, entreprises, ETT et chantiers d’insertion) ; 2 634 salariés permanents ; 15 687 ETP.

• Chiffre d’affaires : 373 millions d’euros en 2010.

Auteur

  • V. Q.