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Une difficile refonte des accords sociaux

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 25.09.2012 | EMMANUEL FRANCK

Dans une situation financière très délicate, le bailleur social Adoma a dénoncé les accords sociaux passés au cours des décennies précédentes. Leur renégociation est ardue.

Gratter le superflu, lâcher sur l’essentiel : c’est la méthode de la direction d’Adoma pour refondre des accords sociaux devenus trop onéreux en cette période de disette et rapprocher le bailleur social public des plus démunis (ex-Sonacotra) des standards de gestion du privé. Après une cure d’amaigrissement qui lui a fait perdre 10 % de ses effectifs l’année dernière (lire l’encadré), la vente de son parc locatif et la réduction de ses dépenses de fonctionnement, Adoma s’attaque dé ? sormais aux avantages sociaux des salariés. L’objectif est de redresser une situation financière dégradée par des années de mauvaise gestion (déficit de 26 millions d’euros du résultat net en 2010) sans tuer la motivation des salariés.

Réforme en profondeur

La cure commence fin 2010 lorsqu’Adoma est repris en gestion par la Société nationale immobilière (SNI). Cette filiale de la Caisse des dépôts et Action logement (ex-1 % logement) apportent les 50 millions d’euros de cash dont Adoma a besoin pour boucler son budget, à condition que le bailleur se réforme en profondeur. « Adoma est toilettée avant son intégration dans la SNI vers 2014 », avance Saïd Akil, représentant de la section Unsa. La direction dénonce alors la plupart des accords sociaux. Logement des salariés, rémunérations, temps de travail, droit syndical : tous les acquis des décennies précédentes, lorsque l’État avait encore un peu d’argent, sont remis à plat. Pour l’heure, seul le système de rémunération est de nouveau couvert par un accord, signé fin 2011. Il faut dire que la direction y a mis les moyens. Le nouveau texte crée un 13e mois en remplacement d’une prime, et double les primes par objectif, qui sont désormais couplées à l’entretien annuel. En contrepartie, la direction obtient la suppression de la commission paritaire que les salariés pouvaient saisir s’ils n’étaient pas satisfaits de leurs rémunérations.

Réinvestissement dans la masse salariale

« Nous avons investi dans le nouveau système de rémunération un tiers des économies réalisées grâce au PSE ; on ne peut pas réduire les effectifs de 10 % sans réinvestir dans la masse salariale », déclare Hugues Ducol, secrétaire général d’Adoma. « C’est la contrepartie des efforts consentis par les salariés », estime de son côté Maamar Chabi, délégué CFE-CGC. Reste que le nouveau système coûte plus cher que l’ancien et qu’il est renchéri par un accord NAO favorable aux salariés (60 euros par mois pour tous) et d’ailleurs signé par quatre syndicats. « Nous aurions dû coupler les deux négociations », avoue Hugues Ducol.

Avec la renégociation des accords sur le logement, sur le temps de travail et sur le droit syndical, la direction s’attaque maintenant au cœur de la vie des salariés et des syndicats. De fait, elle n’a pas réussi à convaincre ces derniers que les 300 salariés logés gratuitement par Adoma, dont des cadres et des retraités, paient désormais un loyer. Une situation générée par une « dérive » dans les attributions de logements, selon Hugues Ducol ?; 200 salariés sont encore sous le régime précédent ; ils seront régularisés « au fil de l’eau ».

Temps de travail

Il sera également compliqué de revenir sur le temps de travail, même si un accord a été trouvé mi-juillet sur les astreintes. Hugues Ducol rappelle que plus de 60 % des salariés travaillent 32 heures payées 35 sur quatre jours, et que les cadres travaillent 35 heures mais que seuls ceux au plus haut échelon sont au forfait. « Nous ne voulons pas que tous les salariés passent à 35 heures, précise-t-il, mais uniquement ceux qui le veulent là où nous avons besoin de renforcer notre présence auprès des publics les plus défavorisés. »

Le problème est que l’immense majorité (89 %) des salariés est satisfaite de ses horaires de travail actuels, selon un baromètre social réalisé au mois de mai. Mais cette même enquête fait également apparaître des fenêtres d’opportunité. Les deux populations dont la direction souhaite qu’elles augmentent leur temps de travail (les responsables de résidence et les ouvriers de maintenance) sont un peu moins attachées que la moyenne à leurs horaires de travail, un peu moins satisfaites de leurs rémunérations et davantage prêtes à travailler plus. Ce qui ramènerait la négociation sur le temps de travail, d’ailleurs retardée pour cause d’élections professionnelles à l’automne, sur le terrain de la rémunération. « On part sur une augmentation de 20 % », fait savoir Maamar Chabi. Il se réfère au précédent des responsables d’entretien, qui ont bénéficié d’une telle hausse lorsqu’ils sont passés de 32 à 35 heures, il y a quelques années.

Dérives syndicales

Il restera ensuite à traiter du droit syndical et notamment des dérives, reconnues par les syndicats, dans les heures de délégations (temps de transport non compté) et dans le remplacement des salariés mandatés (50 à 70 salariés auraient été embauchés en CDI à ce titre, selon la direction).

La négociation promet d’être ardue, car avec un résultat net positif de 18 millions d’euros en 2011, les syndicats peuvent désormais faire valoir qu’il reste encore du grain à moudre.

UN PDV TRÈS ATTRACTIF

Réduire la masse salariale d’Adoma n’est pas ce qui a posé le plus de difficultés. Le plan social, démarré mi-2011, prévoyant la suppression de 260 postes (15 millions d’euros d’économies sur la masse salariale prévues en 2014) grâce à 46 congés de fin de carrière et 214 départs volontaires, a en effet suscité davantage de demandes de départs (372) qu’il n’y avait de places. « Le plus difficile était d’annoncer aux salariés qu’ils n’étaient pas retenus pour partir », se souvient Hugues Ducol, secrétaire général d’Adoma.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK