logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LES INFIRMIÈRES EN PREMIÈRE LIGNE

Enquête | publié le : 02.10.2012 | LAURENT POILLOT

Depuis deux ans, le CHU a mis en place sa démarche de lean. Le directeur qualité, qui en a la charge, cherche à stabiliser l’organisation reposant sur les infirmières, plutôt que de lancer de grands projets.

Le CHU de Grenoble n’a pas échappé à la chasse au gaspillage déclenchée par la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 22 juillet 2009. Comme la plupart des grands centres hospitaliers, il a ses consultants extérieurs, engagés aux frais de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) que finance l’Assurance maladie. Pour Grenoble, rien qu’en 2011, l’Anap a acheté pour près de 1,4 million d’euros de prestations à trois cabinets. Au total, selon la CGT, sept cabinets sont au chevet de l’institution grenobloise.

Recours interne

Mais la direction a jugé bon d’avoir aussi un recours interne pour redresser son déficit (14 millions d’euros en 2011), sans sacrifier la sécurité et la qualité des soins. En 2010, elle a recruté un jeune ingénieur, Benjamin Garel, pour en faire son directeur de la qualité et des usagers. Il est l’animateur de la démarche de lean management, qu’il a commencé de mener avec le pôle urgences et le Samu, dont il est directeur référent.

Plutôt que de se concerter avec les médecins, ce que font les cabinets, il a misé son travail sur la population des paramédicaux qui forment le gros des troupes (5 000 personnes sur les 8 000 travaillant au CHU), en particulier les infirmières. « On s’attaque d’habitude au déroulement de l’opération, car c’est le principal centre de coûts. Je me suis d’abord penché sur le support technique et la préparation du soin : ce premier cercle appartient aux infirmières. S’il génère de l’instabilité, le déroulement des opérations et des prescriptions des médecins sera perturbé. »

Vérifier qu’on traite les bons problèmes

Son mode opératoire a l’air simple. « Je passe beaucoup de temps à vérifier, sur le terrain, qu’on traite les bons problèmes. Puis, en cas de besoin, je conduis des formations courtes plutôt que d’imposer des plans d’actions. C’est la meilleure façon de faire monter tout le monde en compétences, dans le respect des équipes. »

Il évite de quantifier ses premiers résultats, évoquant plutôt les gains en qualité et en sécurité pour le patient, « les deux seuls critères essentiels ». Ainsi, l’itinéraire d’un patient n’implique plus de passer par trois guichets successifs.

Dans le pôle des urgences, les réserves de matériels (seringues, compresses…) ont été repensées. Les infirmières piochent dans un stock limité à trois jours. La réserve générale est organisée en système “plein-vide” : tel nouveau lot de compresses est disposé dans deux compartiments. Quand le premier est vide, le gestionnaire le remplit avec le contenu du second compartiment et déclenche une procédure d’achat. Résultat : plus de produits neufs reversés sur des produits déjà en stock, suppression des périmés et des ruptures de stock, fin des réserves d’écureuil.

Autre exemple : l’organisation du pôle de stérilisation a été revue pour que les “mallettes” fournies aux chirurgiens dans les blocs opératoires contiennent bien la centaine de pièces nécessaires au moment d’inciser le patient. C’est moins de stress et de temps perdu. Benjamin Garel prévient : « Les améliorations disparaissent souvent au bout de trois mois, à moins d’être portées par les équipes. La solution doit venir d’elles. »

Ce parti pris a convaincu Dominique Ferley, cadre de santé des urgences et du Samu (270 personnes), pourtant sceptique au départ : « J’ai beaucoup appris. Cette approche ne nous entraîne pas dans le gros projet, mais sur ce qui fait notre cœur de métier. Nous évitons d’épuiser le personnel pour ne retenir que des solutions respectant les conditions de travail. » Et de citer la mise en place de formations en communication, pour l’accueil, et à l’analyse des pratiques face aux situations de violence, de même que l’installation de comités de retours d’expérience.

Marc Eybert-Guyon, kinésithérapeute, délégué syndical CGT, est plus réservé et soutient que « le lean s’accompagne toujours de réductions d’effectifs – 100 postes en 2011 – au détriment des conditions de travail des agents ».

« On peut toujours améliorer la planification de l’activité, commente de son côté Raphaël Briot, médecin urgentiste et délégué du syndicat Avenir hospitalier. Mais les équipes n’adhèrent au lean que lorsque ses méthodes ne mettent pas en jeu la part relationnelle de leur activité, qui ne se chronomètre pas. Dès que vous assignez des objectifs hyper-fixes, les personnes se sentent dépossédées de leur travail et se désengagent. »

CENTRE HOSPITALIER DE GRENOBLE

• Activité : hôpital public.

• Effectif : 7361 salariés ETP.

• Budget d’exploitation 2011 : 610 millions d’euros.

Auteur

  • LAURENT POILLOT