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Quand le BTP consolide sa politique d’insertion

Pratiques | publié le : 23.10.2012 | CATHERINE DE COPPET

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Quand le BTP consolide sa politique d’insertion

Crédit photo CATHERINE DE COPPET

Contraints de répondre aux besoins croissants des marchés publics en termes d’insertion, les poids lourds du BTP cherchent à professionnaliser le recours à cette main-d’œuvre particulière. Objectif : sortir du tout quantitatif. Focus sur le groupe Vinci et sur Bouygues Construction.

Insérer, oui, mais pas n’importe comment. Tel pourrait être le nouveau credo des grandes entreprises du secteur du BTP, à observer leur mobilisation de ces derniers mois. Chez Vinci, celle-ci s’est traduite, en mai 2011, par la création de la société ViE (Vinci Insertion Emploi), chargée de faire l’interface entre les patrons de chantier Vinci et des structures d’insertion. De son côté, Bouygues Construction a signé en juillet dernier un partenariat important avec Face (Fondation agir contre l’exclusion).

Ces initiatives s’inscrivent dans un contexte d’évolution des marchés publics. « On assiste depuis plusieurs années à une volonté forte de la part du gouvernement de systématiser les clauses d’insertion dans les commandes publiques », souligne Arnaud Habert, directeur général délégué de ViE. En outre, le secteur du BTP est de plus en plus sollicité par les opérateurs privés, qui souhaitent intégrer dans leurs chantiers des heures d’insertion. « Il s’agit souvent d’entreprises qui veulent valoriser leur implication dans la RSE », souligne Arnaud Habert. « L’insertion renvoie également pour nous à un enjeu commercial, car les clients privés sont attirés par cet aspect social qui leur permettra d’afficher leur action sur un territoire donné », renchérit Didier Rabiti, responsable diversité et égalité des chances à Bouygues Construction. Autant de perspectives pour le secteur de l’insertion.

C’est par rapport à cette volumétrie que Bouygues Construction et Vinci ont souhaité réagir. « Nous souhaitons aborder les clauses d’insertion avec des objectifs davantage qualitatifs que quantitatifs », annonce Didier Rabiti. « Auparavant, les opérationnels sur les chantiers étaient dans une logique de décompte des heures d’insertion, souligne Arnaud Habert. Une fois le quota atteint, on ne s’en souciait plus. » Le groupe Vinci a ainsi décidé de créer son propre intermédiaire de l’emploi. ViE ne recrute pas les salariés en insertion, mais est chargé de mettre en rapport les chefs de chantier des différentes entités du groupe et les acteurs de l’insertion : entreprises de travail temporaire d’insertion, Pôle emploi, Geiq (lire l’encadré p. 14), missions locales, régies de quartier. La forme choisie a été celle d’une société anonyme, qui vend une prestation de service aux chantiers des entités Vinci et de leurs sous-traitants. « Le modèle de ViE est l’hybrid company ou l’entreprenariat social, souligne Franck Mougin, DRH du groupe Vinci. Pas de pertes, pas de profits, le but est de tenir économiquement et de reverser les profits éventuels à une cause sociale. »

Évaluer précisément les besoins

Dans les faits, ViE travaille en amont, mais aussi en accompagnement des chantiers. Outre l’évaluation des besoins précis d’un chantier afin d’assurer la pertinence des recrutements, les équipes de ViE travaillent en collaboration avec les structures d’insertion pour assurer un accompagnement social. « Il nous arrive d’intervenir pour nous assurer que le salarié en insertion est correctement logé », explique Christelle Seignard, coordinatrice ViE chargée du chantier des Halles à Paris. Pas d’exception cependant concernant le recrutement, le processus est le même que pour tout candidat à un poste chez Vinci. Le choix a été fait par ailleurs de garder une approche territoriale, par la création successive de trois implantations ViE, en Ile-de-France, dans le nord (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) puis dans le sud-ouest.

Pour Vinci, l’objectif est double : repérer les salariés les plus adaptés aux besoins du groupe (sur les métiers de la construction, des routes, de l’énergie), à court et long termes, et ainsi se constituer un vivier tout en travaillant à l’employabilité de la personne. « Nous avons mis en place un livret de compétences qui permet au salarié, à l’issue de sa période d’insertion, de mieux cerner les savoir-faire acquis ou développés, et de pouvoir les valoriser par la suite », souligne Arnaud Habert. Une démarche applicable quel que soit le métier. « Nous nous sommes rendu compte que l’insertion sur les chantiers pouvait concerner d’autres domaines que le bâtiment, par exemple la sécurité ou le nettoyage », indique Christelle Seignard. Les coordinateurs ViE veillent par ailleurs à proposer aux salariés intéressés une montée en compétences vers des métiers plus qualifiés : « Cela signifie solliciter la structure d’insertion pour qu’elle propose des formations le cas échéant, mais aussi embaucher le salarié à l’issue de sa période d’insertion à un niveau de poste supérieur », explique Arnaud Habert.

Une logique de parcours professionnel

Prônant également un retour des personnes éloignées de l’emploi à une logique de parcours professionnel, Bouygues Construction a fait le choix de s’appuyer sur un partenaire spécialisé, Face : « Nous souhaitions travailler avec un expert d’envergure nationale capable d’être l’interlocuteur de toutes nos entités, avec l’idée d’améliorer le suivi et la mise en œuvre des clauses d’insertion », commente Didier Rabiti.

Signé en juillet dernier, le partenariat est en cours de mise en œuvre. Il prévoit concrètement une intervention globale et locale de Face. D’une part, un groupe de salariés de Bouygues Construction sera formé par Face afin de constituer un pôle d’experts sur le monde de l’insertion. Face aidera également l’entreprise à informer les acteurs de l’emploi sur ses métiers et à formaliser son action en termes d’insertion. « Nous avons beaucoup de mal à savoir de manière fiable combien de personnes précisément passent par ces dispositifs sur nos chantiers, nous devons améliorer la consolidation des informations », souligne Didier Rabiti.

Prestation sur mesure

Le partenariat avec Face consiste par ailleurs à proposer aux entités de l’entreprise une prestation sur mesure : cartographie des acteurs de l’insertion sur un bassin d’emploi local, accompagnement de l’entreprise en amont d’un plan d’insertion, appui, médiation, etc. Chaque prestation fera l’objet d’un avenant à la convention de partenariat, afin de préciser son coût.

Que ce soit chez Vinci ou chez Bouygues Construction, le type de contrat privilégié reste le contrat de professionnalisation, même si, sur le terrain, tout dépend du territoire. « Il arrive que certains départements ne valident pas les heures de formation alors que, du côté des structures d’insertion et des entreprises, le contrat de professionnalisation est perçu comme un plus », explique Arnaud Habert. Quant aux structures les plus sollicitées par les entreprises pour trouver les salariés en insertion, il s’agit majoritairement des entreprises de travail temporaire en insertion (ETTI).

ViE est en train de lancer un référencement des Etti afin d’avoir une meilleure visibilité sur ces partenaires.

L’ESSENTIEL

1 Les clauses d’insertion se développent, tant dans les marchés publics que dans les contrats privés auxquels répondent les entreprises du BTP.

2 Pour mieux organiser sa politique d’insertion, Vinci a créé une structure chargée de faire l’intermédiaire entre les chantiers et les acteurs de l’emploi.

3 De son côté, Bouygues Construction a signé un partenariat avec Face, qui accompagnera les entités locales du groupe dans leurs démarches d’insertion.

EN CHIFFRES

Groupe Vinci

4 millions d’heures d’insertion annuelles, soit 2 200 ETP, entre 6 000 et 9 000 personnes

ViE : 1,2 million d’heures d’insertion, environ 2 000 personnes.

100 chantiers confiés à ViE sur trois régions.

Plus de 45 % des personnes embauchées en insertion ont moins de 26 ans, Plus de 25 % ont dépassé 45 ans.

Bouygues Construction

409 opérations incluant des heures d’insertion (2011).

LES GEIQ
L’autre vecteur d’insertion

Gros consommateur de main-d’œuvre peu ou pas qualifiée, le secteur du BTP s’est impliqué de longue date dans le champ de l’insertion, par la voie notamment des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq). Existant depuis une vingtaine d’années, mais en fort développement depuis sept ou huit ans, ces groupements d’entreprises, qui se chargent de l’insertion professionnelle, mais aussi de la formation de publics éloignés de l’emploi, relèvent pour moitié du secteur du BTP.

« Plus de 2 000 personnes sont formées chaque année grâce aux Geiq du bâtiment, souligne Jacques Vinet, président du Comité national de coordination et d’évaluation des Geiq. 70 % des personnes passées par ces groupements trouvent un emploi à la fin de leur période d’insertion. »

Si ces structures sont souvent pilotées par un grand groupe, nombre de PME du secteur optent pour cette forme de regroupement ou font appel aux Geiq. « Les PME ont recours beaucoup plus qu’on ne le croit à l’insertion », souligne Jacques Vinet. Reste que la gestion d’importants volumes de salariés en insertion ne concerne que les grandes entreprises, maîtres d’œuvre des chantiers les plus lourds, et souvent au-dessus des clauses d’insertion en nombres d’heures effectuées.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET