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Des engagements difficiles à respecter

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 30.10.2012 | M. S.

Modération salariale et paix sociale d’un côté, garanties en matière d’investissement et d’emploi de l’autre, tel était l’équilibre de l’accord signé en 2011 par les syndicats du sous-traitant automobile et leur nouveau propriétaire. Mais l’application de cette convention ne se déroule pas comme prévu.

Mi-2011, le sous-traitant automobile Sofedit est racheté à l’allemand ThyssenKrupp par le groupe espagnol Gestamp. Pour les 1 500 salariés, c’est le soulagement : après de longs mois de tractations – un repreneur chinois s’est un temps lancé dans la bataille –, ils peuvent à nouveau respirer. Mais pour obtenir cette reprise, « nous avons négocié pendant plusieurs mois un accord de type compétitivité-emploi », rappelle Johnny Favre, délégué syndical CFDT à l’usine du Theil-sur-Huisne (Orne).

Dans l’accord signé le 14 avril 2011, les organisations syndicales s’obligent à ne pas déclencher de mouvements sociaux durs, avec blocage de l’outil de production et arrêt de travail discontinus. Elles s’engagent à privilégier des solutions négociées en toutes circonstances. Sur le front des salaires, les employés revoient leurs prétentions financières à la baisse : pendant trois ans, les enveloppes d’augmentation seront limitées à la stricte inflation.

De son côté, la nouvelle direction promet un volume global d’investissement – 60 millions d’euros – pour les quatre sites du groupe. Le groupe espagnol prévoit également de ne pas supprimer plus de 190 emplois sur une période de trois ans. Dans le cadre de cette baisse d’effectif, Gestamp devra négocier un dispositif de départs volontaires. Enfin, la CFDT insiste pour que l’entreprise entame des négociations sur deux sujets lourds : la pénibilité et la GPEC.

Une situation contrastée

Les organisations syndicales ont accepté de parapher ce copieux document. La CDFT apparaissant plutôt volontaire, la CGT beaucoup plus réticente. « On ne l’a pas signé de gaieté de cœur », se souvient Bruno Prevost, délégué central CGT. « Et la suite nous a plutôt donné raison », s’empresse-t-il d’ajouter. À mi-chemin, en effet, le bilan apparaît plus que mitigé.

Sur la revalorisation salariale, de prime abord, les engagements semblent avoir été tenus. « Nous avons obtenu une enveloppe globale fondée sur l’inflation », observe Johnny Favre. Pourtant, dans le détail, la situation est plus contrastée : « Il y a eu une forte proportion d’augmentations individuelles au détriment des revalorisations collectives », témoigne-t-on côté syndicats.

Plus grave, à Gouzeaucourt (Nord), la direction a imposé un avenant qui prévoit de corréler cette augmentation aux résultats du site. Une modification que les syndicats contestent vigoureusement. « Sur ce site, les salariés étaient moins payés par rapport aux autres unités de production du groupe », explique le responsable CFDT. La direction n’a pas voulu négocier pour opérer un rattrapage. Les 80 agents ont cessé le travail pendant deux heures. Heurté, Gestamp n’a pas hésité à procéder « à un chantage à l’activité. Ils ont suspendu leur investissement de 20 millions d’euros », rapporte le syndicaliste. « Et pour le reprendre, ils ont imposé la signature de cet avenant », s’insurge le délégué CGT.

Désormais, l’éventuelle revalorisation salariale dépend de l’activité du site. Et les syndicats sont plus qu’amers. D’autant que la direction vient de soumettre un avenant du même type pour le site du Theil-sur-Huisne. Il s’appliquera à partir de 2014. Tous les syndicats, excepté la CFDT, l’ont signé.

Il semble, en revanche, que la question du niveau de l’investissement fasse moins polémique. « Nous en sommes à 20 millions d’euros sur le site de Gouzeaucourt, rappelle Johnny Favre. Il faudra faire le bilan au bout des trois ans. » Ce qui inquiète le plus les syndicats, ce sont les – mauvais – résultats du groupe, et leurs éventuelles conséquences. « Avec un chiffre d’affaires de 325 millions d’euros par an, Gestamp s’engageait sur 190 suppressions de postes au maximum. Aujourd’hui, nous en sommes à 270 millions d’euros… », s’inquiète Bruno Prevost. Selon lui, pas de doute, la direction prépare de nouvelles mesures douloureuses pour l’emploi. À l’intérieur des usines, la rumeur d’un possible PSE ne faiblit pas.

Jusqu’ici, près de 100 salariés ont quitté l’entreprise, selon le décompte de la CFDT. L’objectif de 190 départs maximum semble donc encore respecté. En revanche, là non plus, la méthode ne satisfait pas les syndicats. « Ce devait être un plan de départs volontaires, mais tous ceux qui ont quitté l’entreprise l’ont fait dans le cadre d’une démarche individuelle. »

Peu d’avancées des négociations

Quant aux négociations sur la GPEC, elles ont à peine débuté. Un avant-projet d’accord a été remis aux syndicats par la direction le 17 octobre. Beaucoup trop tard, regrette Johnny Favre, « alors que le but était d’anticiper au maximum les départs »…

Sur l’autre sujet, au cœur de l’accord de 2011, rien n’a bougé non plus : la pénibilité reste absente des négociations collectives. « Nous demandons toujours une amélioration des conditions de travail ainsi que des compensations pécuniaires pour les postes particulièrement exposés », rappelle Bruno Prevost.

Contactée à plusieurs reprises, la direction de Gestamp n’a pas souhaité s’exprimer sur ces différents sujets. Sans doute occupée sur d’autres fronts, notamment la crise du secteur automobile. Sofedit cumule en effet un double handicap : l’entreprise a pour principal client le groupe PSA, qui est en même temps l’un de ses actionnaires à travers le fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA).

Auteur

  • M. S.