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Un accord au goût des DRH

Actualités | publié le : 22.01.2013 | ÉLODIE SARFATI

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Un accord au goût des DRH

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Procédures de PSE, mobilité, taxation des contrats courts… En matière de gestion de l’emploi, l’ANI du 11 janvier change singulièrement la donne et reçoit un satisfecit de la part des praticiens RH, qui soulignent la place donnée au dialogue social.

Un accord « historique » pour Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH, le « début d’une nouvelle ère vers un dialogue social à l’allemande, constructif et équilibré », selon Stéphane Wilmotte, DRH d’Electro Dépôt… C’est peu dire que l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier “pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés” rencontre l’assentiment des entreprises. Commentaires des principaux points de l’accord.

LES ACCORDS DE MAINTIEN DANS L’EMPLOI

L’ANI acte la possibilité de conclure des accords (majoritaires) de compétitivité emploi – rebaptisés accords de maintien dans l’emploi. Ces accords devront être limités à deux ans et comporter des garanties d’emploi. Les salariés qui refusent la modification de leur salaire ou de leur temps de travail sont licenciés pour motif économique. Surtout, l’entreprise n’a plus à faire de PSE, quel que soit le nombre de refus.

Pour Olivier Ruthardt, DRH de la Maif, cela permet de « remettre les choses à l’endroit : en cas de difficultés majeures, les partenaires sociaux pourront désormais étudier les pistes alternatives (RTT, salaires, formations…) avant d’envisager des impacts directs sur les emplois ». Le DRH de Poclain Hydraulics, Alain Everbecq, qui a conclu un accord de compétitivité en 2009, se réjouit de cet article : « En inscrivant dans l’ANI la possibilité de conclure ces accords, les partenaires sociaux reconnaissent qu’ils constituent un mode de gestion de l’emploi. Cela leur donne une base juridique qui était nécessaire. »

LES PROCÉDURES DE LICENCIEMENT

En cas de PSE, l’ANI ouvre deux possibilités : conclure un accord de méthode majoritaire ou faire homologuer par la Direccte un document précisant le calendrier des réunions des IRP, le projet de PSE, etc. Dans ce cas, la procédure est limitée dans le temps (de 2 à 4 mois selon le nombre de licenciements).

Les DRH apprécient largement cet assouplissement. « Cela va même au-delà de ce que j’imaginais, se félicite Alain Everbecq. La garantie de boucler un PSE en quatre mois est fondamentale. Actuellement, les délais de mise en œuvre des PSE aboutissent parfois à démarrer les licenciements au moment ou l’activité redémarre. Je regrette juste qu’on établisse un système unique, sans faire de distinction entre les petites, moyennes et grandes entreprises. » « La procédure d’homologation est sécurisante », complète Jean-Christophe Sciberras. Mais il prévient : « Le plus difficile sera de négocier des accords de méthode sur les PSE. Or, l’ANI ne dit pas clairement si l’entreprise peut passer directement par l’homologation. Je pense que la circulaire prévoira que l’administration, pour donner sa validation, vérifie que les entreprises ont d’abord tenté de négocier et qu’elles l’ont fait loyalement. » Il n’empêche : pour lui, « l’ANI fait passer le message que le licenciement est facilité. Cela permettra de lever le blocage psychologique collectif qu’ont les entreprises pour recruter en CDI ».

LES CONTRATS COURTS

L’ANI instaure une majoration des cotisations chômage pour les CDD inférieurs à trois mois, sauf pour les contrats saisonniers, CDD de remplacement et contrats intérimaires. En contrepartie, les embauches en CDI de jeunes de moins de 26 ans sont exonérées de cotisations chômage pendant trois ou quatre mois.

Alain Everbecq ne décolère pas contre cette surtaxation, « qui ne vise qu’à augmenter les charges. Ce n’est pas ce qui incitera à recruter en CDI ». Mais cela poussera à « faire des CDD plus longs, pronostique Jean-Christophe Sciberras. Toutefois l’ANI franchit un pas dans le principe d’un bonus/malus appliqué aux contrats. Il faudra que les entreprises changent leur pratique, et que cette inflexion se voie sur le marché du travail. Sinon, on peut craindre que cette taxation ne soit alourdie à l’avenir ».

À Norsys, « la taxation des contrats courts n’aura pas d’impact, car nous recrutons à 98 % en CDI, indique Sylvain Breuzard, le Pdg de la SSII. En revanche, nous bénéficierons de l’exonération prévue pour les moins de 26 ans, mais ce sera clairement un effet d’aubaine. Il est dommage que cette exonération soit appliquée pour tous les jeunes, y compris les plus diplômés ».

LA MOBILITÉ

Les entreprises devront négocier tous les trois ans sur la mobilité interne, géographique ou fonctionnelle, pour définir les mesures d’accompagnement et les limites de ce que peut imposer l’employeur au salarié. Si un salarié refuse une mobilité, il est licencié pour motif personnel. L’ANI crée également un droit à une « période de mobilité » externe, pour permettre aux salariés de travailler chez un autre employeur, tout en lui conservant un droit au retour.

Olivier Ruthardt juge que « la négociation sur la mobilité interne est une excellente initiative, qu’il faut relier à l’objectif de préservation de l’emploi. Il y a des enjeux économiques et sociaux pour tous : pour les entreprises, cela permet notamment de préserver les compétences ; pour les salariés, de bénéficier d’accompagnement. Leur employabilité dépend aussi de leur capacité à être mobiles. Les accords permettront de fixer clairement les règles du jeu ». L’analyse de Stéphane Wilmotte va dans le même sens, tout en admettant qu’il faudra « poser des jalons et veiller à ne pas détourner la règle. La mobilité ne doit pas être un moyen de faire pression pour faire partir des salariés. Mais le fait de devoir passer par un accord donnera aux représentants du personnel des moyens de contrôle. Quoi qu’il en soit, c’est une bonne chose d’ouvrir ce débat en interne ».

Le DRH d’Electro Dépôt est beaucoup plus « sceptique » sur la période de mobilité : « L’idée est intéressante, mais sa mise en œuvre paraît complexe. Comment le salarié s’investira-t-il dans sa nouvelle entreprise ? Comment intégrer, construire un parcours pour un nouveau collaborateur qui peut repartir chez son ancien employeur ? »

LE TEMPS PARTIEL

L’ANI instaure une durée minimale des contrats de 24 heures hebdomadaires. Des accords de branches et d’entreprises fixeront les conditions de dérogation à ce socle minimal, la rémunération des heures supplémentaires, etc. Un accord de branche étendu peut autoriser des avenants au contrat de travail pour augmenter temporairement le temps de travail.

Cette partie « intrigue beaucoup les DRH, remarque Jean-Christophe Sciberras. Le minimum de 24 heures par semaine paraît élevé ». Chez Electro Dépôt, où plus de 15 % de l’effectif est à temps partiel, Stéphane Wilmotte reconnaît qu’il faudra « avoir une réflexion sur la façon d’augmenter les volumes horaires, les aménagements à mettre en place… C’est une disposition qui va nous obliger à aborder le sujet avec les partenaires sociaux ».

Au final, c’est la place accordée au dialogue social que remarquent le plus les DRH. « L’ANI accorde plus d’espace à la négociation d’entreprise sur des sujets centraux, insiste le président de l’ANDRH. Le signal donné aux entreprises, c’est : si vous voulez avoir davantage de flexibilité, il faut négocier. Mais ce ne sera pas si facile. »

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI