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Pays-BasCAPGEMINI TAILLE DANS LES SALAIRES DES SENIORS

Pratiques | International | publié le : 05.02.2013 | DIDIER BURG

La filiale néerlandaise de la SSII envisage une réduction allant jusqu’à 10 % des revenus de ses salariés âgés, en vertu d’un accord et en substitution à un plan de licenciement général. Ces mesures hors norme font polémique dans le pays.

Brisant un tabou dans le monde des ressources humaines, le spécialiste des technologies de l’information, la SSII Capgemini, s’apprête à amputer le salaire de ses salariés les plus âgés – qui sont aussi les mieux rémunérés – au sein de sa filiale néerlandaise (6 000 salariés au total). Faisant figure de remède à la crise économique ambiante, la mesure pourrait faire tache d’huile dans le royaume. « Il n’existe pas de corrélation entre ce que les gens gagnent et ce qu’ils peuvent faire ; la valeur des salariés sur le marché du travail et leur salaire ne sont pas en adéquation », a justifié Jeroen Versteeg, directeur général de Capgemini, en présentant cette cure d’austérité dont vont faire les frais les travailleurs en fin de carrière.

Accord du salarié exigé

Dans le détail, Capgemini envisage de revoir à la baisse les revenus de 400 seniors, soit 7 % de ses effectifs aux Pays-Bas. Leurs émoluments seront amputés jusqu’à 10 %, selon les cas. Mais ces mesures sortant des sentiers battus et en décalage avec la culture néerlandaise sont encadrées par des usages. Avant toute chose, le salarié doit expressément donner son accord à la baisse de ses revenus. Le salaire est en effet considéré comme un élément substantiel du contrat de travail, au même titre que les horaires (à l’opposé d’autres éléments secondaires comme certains avantages sociaux). « Cette règle exigeant l’accord explicite individuel s’impose même pour des baisses de salaires négociées dans le cadre d’un accord social entre la direction et les syndicats, indique Harry Lindelauf en charge de ces questions auprès de la confédération syndicale FNV. Capgemini devra donc s’y soumettre en dépit de l’accord du comité d’entreprise obtenu par la direction sur ces mesures. »

En cas de conflit, par exemple le refus du salarié, l’employeur doit saisir le juge pour faire valoir sa cause. Il lui appartient de démontrer que sa prise de décision présente un intérêt supérieur pour l’entreprise par rapport à celui du salarié. À l’instar de la SSII, les entreprises mettent généralement en avant l’idée que ces baisses de revenus sont un pis-aller à un plan de licenciements en bonne et due forme, risquant de toucher l’ensemble du personnel. Au-delà, ces mesures doivent obéir au principe d’égalité. « Il n’est pas question d’agir comme pour les augmentations de salaire individuelles », souligne le responsable syndical. Au niveau de la forme, le personnel doit être averti suffisamment à l’avance. La jurisprudence établit en outre que la réduction des revenus ne peut survenir en une seule fois. Celle-ci doit être programmée et s’opérer en plusieurs phases.

Dans le sillage de l’annonce de Capgemini, Ordina et Atos, deux de ses concurrents dans le secteur des technologies d’information aux entreprises, ont aussi admis vouloir sabrer les revenus des salariés les mieux payés ; de fait, les seniors.

Vague d’indignation

Stigmatisant une catégorie de personnel spécifique, ces annonces à répétition ont provoqué une vague d’indignation dans un pays dont le premier article de la constitution bannit toute discrimination. Parmi les arguments plus ciblés, le professeur en relations du travail à l’université d’Amsterdam, Paul de Beer, estime que « les postulats selon lesquels le salaire augmente automatiquement avec l’âge, et la productivité diminue systématiquement avec les années, sont encore à prouver ».

Au-delà, en se percutant avec l’allongement de l’âge de la retraite à 67 ans en 2023, ces ponctions dans le salaire des plus âgés laissent supposer que les Néerlandais vont devoir travailler plus longtemps tout en étant moins rémunérés. Sans compter que les lendemains vont déchanter pour les milliers d’actifs seniors à l’aube de cesser leur activité professionnelle. Le risque d’une baisse généralisée des prestations de retraite, de plus en plus évoqué aux Pays-Bas après huit années de crise boursière, ayant éreinté les résultats des fonds de pension.

Auteur

  • DIDIER BURG