La mesure individualisée des performances a gagné toutes les sphères de l’économie. Ce mouvement accompagne, d’une part, l’individualisation des conditions de travail et, de l’autre, un discours gestionnaire omniprésent : il s’agit à la fois de mieux reconnaître la contribution de chacun et de la rétribuer en conséquence, de mieux satisfaire les attentes du client, de fixer des objectifs aux salariés pour optimiser l’efficacité de la performance collective et de motiver individuellement les collaborateurs.

Pourtant, derrière cette rationalité de façade, l’évaluation, selon la psychanalyste Bénédicte Vidaillet, renforce le contrôle et institue une pression au travail continuelle, facteur de stress. Loin d’être toujours synonyme d’une performance accrue, elle est aussi le plus sûr moyen de plomber les dynamiques d’action collective en instituant une rivalité malsaine entre collaborateurs.

Les salariés, qui ne sont pas dupes des effets pervers de l’évaluation et qui la dénoncent quelquefois dans ses modalités ne sont cependant pas opposés à son principe, car elle participe à leur besoin de reconnaissance non seulement financière mais aussi identitaire. Perçue comme une solution qui permettrait à chacun, en prenant acte de ses services passés, de s’extraire un tant soit peu de la logique de la performance qui exige toujours davantage, l’évaluation se révèle un piège pour les salariés, qu’elle confronte en fait à un idéal du moi impossible à atteindre.

Évaluez-moi !

Bénédicte Vidaillet, Seuil, 224 pages, 18,50 euros.