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Écouter les calmes

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET, CONSEIL EN ENTREPRISES À PARIS. < | publié le : 05.03.2013 |

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Écouter les calmes

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Spontanément ouvert aux autres, l’extraverti aime échanger et interagir. En réunion, il parle facilement, donne son avis, participe. À côté de lui, l’introverti semble pâle, réservé, effacé… sauf bien sûr lorsqu’il est reconnu comme un expert incontournable. C’est comme cela, la vie moderne préfère l’extériorisation, l’expression directe, les personnes à l’aise en groupe.

De ce fait, les introvertis, plus discrets, qui représentent tout de même plus du tiers des salariés, passent au second plan. Mais il se pourrait que la donne change, car les études scientifiques progressent, à la fois sur la dynamique des groupes et sur les mécanismes de l’innovation. Bien sûr, cela intéresse l’entreprise, car il y a de la performance à la clé.

On se rend compte que les équipes ont davantage de chance d’être créatives si elles réunissent un certain degré de diversité. Dans un groupe qui ne compte que des personnes du même type, l’homogénéité est trop forte pour qu’émergent des réflexions variées et que l’on “pense différemment”. L’apport des introvertis enrichit l’équipe. Plus réservés, ils ont développé depuis leur enfance une grande capacité d’observation et une certaine sensibilité. Puisqu’ils parlent moins que les autres, ils ont le temps de ressentir, d’écouter, de regarder faire… Ils ont souvent des avis très intéressants sur les situations, pourvu que l’on prenne la peine de leur demander leur avis.

On les croit timides, peu à l’aise en public, rechignant à prendre la parole ? En fait, ils n’aiment pas parler pour ne rien dire et préfèrent approfondir afin d’être sûrs d’apporter quelque chose d’utile. L’introverti aime s’intérioriser, travailler seul pour se concentrer sur un sujet. À l’opposé de l’extraverti qui enrichit sa réflexion en échangeant avec les autres. Ce sont deux formes différentes d’accès à l’intuition. Des livres valorisant les calmes commencent à sortir, dont Quiet, de l’Américaine Susan Cain, provoquant une vive prise de conscience. Malgré la frénésie du monde actuel et la valorisation de l’extraversion, chacun a sa place, chacun est utile.

On découvre également que les grands savants, penseurs ou inventeurs, sont souvent des personnages introvertis aimant réfléchir seuls. Faire le pari du tout-collectif ou du tout-collaboratif pour accélérer l’innovation ne serait donc pas la meilleure approche ? Les sciences sociales nous expliquent pourquoi. En groupe, l’émulation collective crée un phénomène de “contagion des affects” à travers lequel les participants ont tendance à s’aligner sur les deux ou trois personnes qui ont parlé en premier. Celui qui pense différemment, s’il arrive à résister, devra ensuite surmonter le “syndrome de solitude”, car il se sentira bien seul face aux autres pour défendre ses idées. Donc la collaboration, oui, mais jalonnée de temps de travail et de réflexion individuels.

Enfin, les neurobiologistes mettent en lumière que, pour être créatif, la stimulation permanente n’est pas la solution idéale. Le cerveau a besoin de laisser décanter son expérience et de se mettre en mode “vacant”, non pollué par une profusion d’interactions. À la source de la performance en entreprise, on ne trouve donc pas seulement la diversité des cultures et des types de personnalités, mais aussi la variété des façons de réfléchir et le respect des différents rythmes de travail. Notre époque survoltée, qui ne connaît que l’accélération, a encore des progrès à faire !