logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LES DRH JONGLENT AVEC DES BUDGETS RESTREINTS

Enquête | publié le : 12.03.2013 | HÉLÈNE TRUFFAUT

Image

LES DRH JONGLENT AVEC DES BUDGETS RESTREINTS

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Ce sont des négociations de crise. Il y est question de prudence, de modération et d’individualisation croissante avec, tout de même, le souci de maintenir le pouvoir d’achat, au moins pour les non-cadres. Dans ce contexte, les DRH concentrent les augmentations individuelles sur les « performeurs » et s’efforcent de valoriser tous les avantages annexes auprès des salariés.

« Le sacro-saint 3 % a vécu !, affirme Mathieu Girard-Reydet, consultant en rémunération chez Mercer. Ce n’est plus la norme des NAO en France, mais le haut de la fourchette. » Le ton est donné. Et c’est certainement le message que la plupart des DRH s’efforcent de faire passer, cette année, auprès de leurs partenaires sociaux durant la négociation annuelle obligatoire.

La hausse de 8 % à 20 % du forfait social appliquée l’été dernier a renchéri le coût du travail.Dassault Aviation, pour n’en citer qu’un, en a d’ailleurs pris prétexte pour limiter ses budgets et réviser tous ses dispositifs périphériques (lire p. 25). Par ailleurs, « l’environnement économique s’est dégradé et va le rester, ajoute le consultant. Les perspectives de croissance vont être révisées, on le sait. » De fait, François Hollande a déjà reconnu que la France n’atteindrait pas les 0,8 % prévus, la Commission européenne, prévoyant, pour l’Hexagone, une croissance quasi nulle en 2013.

C’est toute la différence avec le précédent exercice d’ajustement des salaires, qui avait été particulièrement délicat. « En 2011-2012, la problématique majeure pour les entreprises était le manque de visibilité, d’où beaucoup d’incertitudes, explique-t-il. De ce point de vue, la situation s’est clarifiée et les entreprises peuvent lancer des simulations plus sereines », complète Mathieu Girard-Reydet.

Une étude menée en décembre par le cabinet Deloitte (lire Entreprise & Carrières n° 1127) montrait un léger repli des budgets prévisionnels d’augmentation de l’ordre de 0,2 point par rapport aux montants versés en 2012. Avec une enveloppe de 2,4 % pour les non-cadres, et de 2,5 % cadres. Pour Philippe Burger, associé responsable rémunération et avantages sociaux chez Deloitte, le maître mot est la prudence. « Il est possible que l’on gagne un ou deux dixièmes de point, mais globalement, les entreprises respectent beaucoup plus le budget annoncé qu’auparavant. »

Les cabinets de conseil en rémunération observent néanmoins un recul relatif par rapport aux toutes premières projections des entreprises. L’enquête flash menée en janvier par Aon Hewitt annonce un budget d’augmentation globale pour 2013 qui s’établit à 2,6 %, en baisse de 0,3 point par rapport à la précédente étude présentée début septembre 2012 (lire Entreprise & Carrières n° 1132). 30 % des employeurs ont réduit leur enveloppe. Dans près de deux cas sur trois, elle reste fixée à 2,9 %, comme prévu cet été. Seules 6 % des entreprises ont augmenté leur budget. D’autre part, moins de 5 % ont décidé un gel des salaires. Altedia Consultants, qui vient à son tour de prendre le pouls des NAO 2013 après une première consultation des entreprises en septembre, annonce une enveloppe globale de 2,25 %, alors que les prévisions étaient de 2,4 % (contre 2,5 % d’augmentations effectives en 2012). Selon Delphine Landeroin, directrice de projets, « 67 % des entreprises partent sur des budgets inférieurs à 2012, 26 % restent sur les mêmes, et 7 % seulement annoncent une enveloppe légèrement supérieure ». Le gel des salaires ne concernerait que 3 % des entreprises interrogées.

Cadre de discussion élargi

Qui dit recul dit grogne des partenaires sociaux, qui attendent du « cash » pour maintenir le pouvoir d’achat des salariés. Mais une grogne elle aussi relative, si l’on en croit certains consultants spécialisés. D’après l’enquête d’Altedia, 55 % des entreprises interrogées déclarent le climat tendu, 5 % extrêmement tendu. Mais 40 % l’estiment bon. « Si la revendication salariale reste le premier sujet de la négociation, d’autres types de revalorisation et d’éléments de rémunération sont abordés, élargissant ainsi le cadre de la discussion », commente Delphine Landeroin. Pour Vincent Cornet, responsable de l’activité conseil en rémunération d’Aon Hewitt, « la revendication salariale est de toute façon peu audible dans un contexte marqué par le chômage. L’emploi et les politiques de recrutement priment sur le reste ».

L’enquête flash d’Aon Hewitt montre néanmoins que certains employeurs ont lâché du lest pour rester dans une logique de maintien de pouvoir d’achat et d’alignement sur l’inflation, avec des enveloppes d’augmentation générale (AG) – qui ne concerneront qu’une entreprise sur deux – plus épaisses que prévu cet été (1,7 % contre 1,4 %). Et dans l’étude d’Altedia, 30 % des entreprises ont déclaré pratiquer des augmentations générales pour les cadres. Mais la tendance à l’individualisation s’accentue toujours pour cette population et touche de plus en plus les non-cadres.

« On pouvait s’attendre à ce que cela crée davantage d’hétérogénéité entre les différentes populations cadres, mais les entreprises ont fait en sorte d’avoir des pratiques et des budgets d’augmentations individuelles similaires. Elles ont besoin de cohérence pour favoriser la mobilité entre les fonctions, remarque Philippe Burger. Avec des budgets restreints, en revanche, la segmentation est de plus en plus marquée entre les « top performers », qui vont polariser les augmentations individuelles (AI), et les autres, dont certains peuvent se serrer la ceinture plusieurs années de suite. Un message difficile à faire passer. D’autant que les AI ont toujours la fâcheuse réputation d’être attribuées « à la tête du client ». À cet égard, « les entreprises doivent travailler leur communication et faire preuve de beaucoup de pédagogie », soutient Philippe Burger. Un avis que partage Armelle Prokop, responsable rémunérations et gestion des emplois chez Towers Watson (lire l’interview p. 29). Électro Dépôt s’est d’ailleurs engagé auprès de ses partenaires sociaux à faire montre de transparence en déterminant avec eux les indicateurs liés à la ventilation des AI (lire p. 27).

Comme beaucoup d’entreprises, l’enseigne d’électroménager entend aussi valoriser le package global des collaborateurs (participation, intéressement, PEE…), ainsi que d’autres avantages que ces derniers ne considèrent pas comme tels, dont la formation. Une tendance amorcée depuis déjà quelques années, qui ne fait que se confirmer en 2013. « La rémunération périphérique peut facilement représenter un à deux mois de salaire, estime Philippe Burger. Mais tous les éléments de rétention, jusqu’aux perspectives de carrière, peuvent être mis en avant », avance-t-il. SAS France, qui veille tout particulièrement à se situer dans la moyenne du marché en termes de salaires, mise beaucoup sur son environnement de travail (lire p. 28).

Lassitude

Il n’empêche. Même si les salaires semblent globalement se maintenir, les coups de rabot successifs sur les augmentations commencent à lasser et, ici et là, des mouvements sociaux ont ponctué les négociations (lire l’encadré ci-dessous). « Le prétexte de la crise est rebattu, les gens ont besoin d’entendre autre chose, considère Philippe Burger. Surtout chez les employeurs qui ont su préserver leurs marges. Et qui risquent « une perte d’engagement et de mobilisation des équipes au moment où l’accroissement des départs à la retraite va créer un appel d’air propice à la mobilité. »

L’ESSENTIEL

1 Les enquêtes menées au cours des NAO par des cabinets de conseil en rémunération montrent des budgets d’augmentation en baisse par rapport à 2012 et aux premières projections estivales.

2 Malgré quelques mouvements sociaux, la conflictualité autour des salaires semble limitée, les employeurs s’efforçant de maintenir le pouvoir d’achat des non-cadres.

3 Les augmentations individuelles restent un sujet de crispation pour les syndicats.D’où la nécessité d’expliquer les critères en faisant preuve de transparence.

À Entreprise & Personnel,

Denis Falcimagne, directeur de projets, estime qu’« à partir d’hypothèses d’inflation hors tabac oscillant entre 1,3 % et 1,5 %, les employeurs alloueront des enveloppes de 1,8 % à 2 % pour le premier quartile, de 2,8 % à 3,2 % pour le troisième quartile, avec des budgets intermédiaires variant de 2,2 % à 2,5 % ».

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT