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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

Compte personnel de formation : l’arlésienne ?

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Enjeux | publié le : 12.03.2013 | LAURENT GÉRARD

Comment ne pas douter face à la complexité de l’affaire ? Construire un compte personnel de formation (CPF) pour 28 millions d’actifs, opérationnel quel que soit le statut passé, actuel et futur des personnes, facilement et rapidement solvabilisable, et déclenché par la personne dûment conseillée et accompagnée par des services d’orientation rénovés. Le défi est conséquent.

En lui-même, le rapport du groupe de travail du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) – intitulé “Réflexion sur la création d’un compte individuel de formation” – butte sur un abîme de complexité. Trois types de ressources pouvant se cumuler sont envisagés : l’épargne (« la personne verrait son compte abondé périodiquement des crédits horaires dont elle pourrait elle-même contribuer à la constitution ») ; la dotation (« les pouvoirs publics pourraient abonder le compte de crédits en relation avec la nature du parcours accompli en formation initiale ») et le droit de tirage (« le compte serait abondé par une garantie de l’exercice d’un droit, en fonction de décisions relevant d’orientations politiques assignées par les financeurs des organismes de fonds mutualisés »).

Réingénierie des dispositifs existants

Le groupe de travail du CNFPTLV avance prudemment, estimant qu’« il n’est pas concevable que le compte individuel vienne s’ajouter à un ensemble de dispositifs déjà complexe ». Il envisage donc « la réingénierie des dispositifs existants » : les dispositifs actuels seraient ainsi fondus en tout ou partie dans le compte individuel « ou bien, s’ils demeurent, changeraient de nature pour devenir un complément éventuel à la mise en œuvre d’une action pour laquelle les droits disponibles sur le compte ne seraient pas suffisants », ajoute-t-il. L’équilibre sera subtil à trouver.

L’alimentation du CPF par le DIF semble se dessiner, ce qui n’est déjà pas évident, car parle-t-on d’heures ou d’argent ? Il est clair, en revanche, que le groupe de travail a évacué l’idée d’un système de capitalisation à l’anglo-saxonne dans lequel l’individu épargne pour se former. Cette option peut laisser des regrets : pourquoi ne pas l’envisager partiellement, avec une défiscalisation d’État fléchée sur les plus bas niveaux de qualification ? Aujourd’hui, plus d’un milliard d’euros sont dépensés par les ménages pour se former. Ils ne bénéficient d’aucune déduction fiscale (à l’inverse des cours donnés aux enfants), sauf si fiscalement ils se déclarent aux frais réels.

Ambiance politique tendue

À la complexité technique intrinsèque, s’ajoute une ambiance politique tendue. Le rapport n’a finalement pas été examiné pour avis lors de la séance du conseil du 28 février. Elle a été reportée au 18 mars parce que la loi sur la décentralisation n’est pas encore prête. Ce qui implique qu’il y a jonction avec une autre thématique également très complexe.

Par ailleurs, la CGT confirme son opposition à l’ANI créateur du CPF, et à sa traduction législative (en discussion le 6 mars). « L’ANI est très insuffisant dans ce domaine puisqu’il se cantonne à prévoir l’absorption du DIF par le compte individuel, et le projet de loi reste sur des généralités sans donner aucune indication sur les modalités de construction ». À cette heure, la CGT s’oppose donc « à l’inscription prématurée du compte personnel dans le Code du travail »

Le consultant Jean-Marie Luttringer rappelait la semaine dernière que « cela fait vingt ans que l’idée d’un compte personnel a investi le débat public : le rapport identifie les problèmes à résoudre, sans pour autant proposer de scénarios opérationnels pour sa mise en œuvre ».

Auteur

  • LAURENT GÉRARD