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CanadaMINE RECRUTE CHINOIS AVEC VISA

Pratiques | International | publié le : 12.03.2013 | LUDOVIC HIRTZMANN

Des mines de charbon de Colombie-Britannique exploitées par des sociétés chinoises emploient uniquement des travailleurs chinois munis de visas temporaires. Les syndicats locaux s’en émeuvent et ont saisi les juges.

Tout a commencé le 11 novembre 2011. La Première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark, en voyage d’affaires en Chine, a annoncé la signature avec des investisseurs chinois de deux gros contrats d’exploitation de mines de charbon dans le nord de la province. « Ces deux projets entrent dans le cadre de notre programme de créations d’emplois et, selon les entreprises, ils créeront plus de 6 700 emplois, ainsi que d’autres retombées économiques pour les Britanno-Colombiens », a alors affirmé Christy Clark. L’annonce était une aubaine pour le marché du travail de la petite province de 4 millions d’habitants. Jusqu’à ce qu’en octobre 2012 le quotidien The Vancouver Sun découvre que les investisseurs chinois n’embauchaient que des travailleurs venus de Chine pour leurs mines de Colombie-Britannique.

Candidatures canadiennes rejetées

En vertu d’un programme canadien de visas temporaires, les patrons chinois ont obtenu un premier contingent de 200 mineurs étrangers. Les travailleurs viennent tous de Chine. À terme, ils doivent être plus de 2 000. Penggui Yan, le Pdg de l’une des deux entreprises, HD Mining, s’est justifié dans un communiqué : « Nous ne pouvons trouver des Canadiens qualifiés et intéressés pour faire ce travail. Nous devons pouvoir compter pour les deux prochaines années sur des travailleurs que nous avons fait venir avec des visas de travail temporaire. » Colère des syndicats. « Il y a évidemment des Canadiens qualifiés qui ont soumis leur candidature. Elle a été rejetée », s’est indigné dans le quotidien The Province l’un des porte-parole syndical de l’International Union of Operating Engineers, Brian Cochrane.

Mandarin exigé

Pour s’assurer que les Canadiens seront bien écartés des embauches, les Chinois ont utilisé une vieille tactique qu’emploient fréquemment les entrepreneurs sino-canadiens de Vancouver. Les employeurs demandent de maîtriser le mandarin dans les offres d’emploi. Dès l’annonce du scandale par The Vancouver Sun, les syndicats ont accusé les Chinois de sous-payer leurs travailleurs, mais aussi de mettre en danger leur santé et leur sécurité. En décembre, la chaîne de télévision publique Canadian Broadcasting Corporation a conforté les soupçons des syndicat lors d’un reportage en Chine : des agences de placement de Pékin proposent aux Chinois de travailler au Canada dans des mines pour des salaires de 10 dollars de l’heure. C’est 20 dollars de moins que le salaire horaire des Canadiens. Les agences chinoises demanderaient aussi une commission de 16 000 dollars, prélevable peu à peu sur la paie des travailleurs. Le scandale intervient dans une province, la Colombie-Britannique, où les relations entre les communautés sont déjà tendues. L’immigration chinoise, qui représente désormais 35 % à 40 % de la population de Vancouver, a été l’objet de mesures discriminatoires jusque dans les années soixante.

À la fin 2012, les syndicats ont intenté plusieurs actions en justice contre HD Mining. Les jugements ne seront connus qu’en avril. Mais déjà, des documents ont filtré. Fin janvier, on a appris que les Chinois ont rejeté les curriculum vitae de centaines de Canadiens, dont de nombreux qualifiés pour le travail minier.

Sans droits ni protection

Le syndicat United Steelworkers a diffusé récemment des tracts intitulés “Les emplois de Colombie-Britannique pour les travailleurs de Colombie-Britannique”. Et de questionner : « Est-ce le type de futur que nous voulons pour notre pays ? Un futur où des travailleurs étrangers mal payés, sans droits ni protection, acceptent des emplois qui détruisent les standards canadiens et allouent de plus gros profits à des entreprises déjà profitables. » De leur côté, les Chinois ont joué à fond la carte de la démocratie canadienne. L’un des travailleurs chinois a poursuivi, sans succès, les syndicats pour atteinte à son image.

Quelle que soit l’issue du conflit, le Canada fait face à une terrible pénurie de main-d’œuvre. Cette faiblesse l’oblige à faire venir des travailleurs étrangers. Mais pas forcément des Chinois.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN