logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Quand DRH et médecins du travail collaborent

Pratiques | publié le : 12.03.2013 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

Image

Quand DRH et médecins du travail collaborent

Crédit photo VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

À l’occasion de la réforme des services de santé au travail, DRH et médecins du travail découvrent qu’ils ont tout à gagner à mieux se connaître et à inventer de nouveaux cadres de communication. Objectif : davantage de prévention à l’échelle individuelle, mais aussi collective. Exemples en Rhône-Alpes et en Lorraine.

« En 2010, lors d’une rencontre que nous organisions, les DRH et les médecins du travail présents ont découvert qu’ils avaient besoin de mieux se connaître », rapporte Rémi Cottet, chargé de mission Aravis de l’Aract Rhône-Alpes. La présence grandissante de la santé dans le champ des ressources humaines et la réforme de la médecine du travail incitent les deux professions à collaborer davantage pour assurer une meilleure prévention. « Nous avons donc monté un groupe de travail spécifique* », ajoute Rémi Cottet. Celui-ci a fait état d’une méconnaissance, voire d’une défiance mutuelle : les médecins ont, par exemple, l’impression de n’être vus que comme des pompiers par des DRH, qui pensent, eux, que les médecins sont toujours des empêcheurs de tourner en rond. « On se heurte toujours à la confidentialité, regrette aussi Isabelle Claudel, DRH de Proform, une PME rhodanienne de la métallurgie. Or, pour avancer, nous avons besoin qu’une zone de confiance soit créée, pour mieux communiquer. » Le CHSCT ne semble pas être toujours le lieu idéal : « Lorsqu’il y a plusieurs cas d’inaptitude dans le même atelier d’une entreprise, je le signale en réunion de CHSCT, témoigne le Dr Catherine Morel, médecin de Santé au travail en Savoie, qui a participé aux travaux d’Aravis. Mais lorsqu’il s’agit d’un grand groupe, ce comité n’a aucun pouvoir en matière de prévention : tout est centralisé au siège. » Elle cite ainsi le cas d’une major de la grande distribution dans lequel on lui refuse l’accès au responsable de la mission handicap. « Le directeur du magasin ne le contactant pas lui-même, bien souvent, les salariés ayant des difficultés de santé finissent par être licenciés ! Nous rencontrons de plus en plus d’entreprises de ce type, hyper centralisées. »

C’est pourquoi le groupe de travail d’Aravis valorise la pratique du groupe Casino (80 000 salariés dans toute la France et plusieurs activités, et sous plusieurs enseignes), qui s’est doté, en 2011, d’un poste de médecin coordonnateur. Celui-ci a été confié au Dr Éric Gouzi, de Sud Loire Santé au travail, précédemment chargé des seuls salariés du siège. Son rôle : aider ses confrères locaux à décliner les politiques internes (Handipacte, pénibilité…) et à trouver les bons interlocuteurs. Il a dû commencer par un repérage de ces médecins, le groupe n’ayant parfois que les coordonnées générales de leur service. Puis il leur a diffusé un livret présentant son rôle ainsi que celui du pôle santé de la DRH, le plan communication dédié, les accords groupe et autres actions thématiques (TMS, écoute, etc.).

Réinvestir les moments d’échanges existants

Plus généralement, un autre moyen de renforcer la collaboration RH-médecin du travail est de formaliser un cadre spécifique de dialogue, hors des situations d’urgence. Cela peut se faire par un simple réinvestissement des moments d’échanges déjà prévus, comme « l’élaboration du plan de prévention de l’entreprise ou la présentation de son bilan annuel par le médecin du travail, qui permettent de rediscuter des objectifs et actions communs », assure Christine Martin, chargée de mission Aravis.

Passer à l’échelle collective

Le Dr Anne Dufez, l’un des quatre médecins de l’établissement de Lyon de Renault Trucks, en charge d’un secteur ouvrier où les reclassements sont fréquents, a choisi, elle, de « mieux formaliser et systématiser les réunions de préreprise, en présence du salarié ». Depuis fin 2011, elle a aussi élaboré une charte du reclassement avec des représentants de la DRH et du CHSCT et des managers opérationnels, qui précise qui fait quoi. Le responsable sécurité, chargé du suivi de sa mise en œuvre, est en cours de formation à l’ergonomie. Enfin, un autre groupe de travail permet de passer à l’échelle collective : il croise les résultats de l’observatoire du stress, les indicateurs de la DRH et des verbatim de salariés recueillis en consultation médicale. « Les managers, qui croient souvent que les médecins sont hors de l’activité, ont été secoués », rapporte Anne Dufez : ces témoignages révèlent des difficultés d’adaptation à de nouvelles méthodes et organisation. Le plan d’action qu’ils ont élaboré prévoit notamment leur formation à la conduite du changement.

Au centre anticancéreux Léon-Bérard à Lyon, un groupe, nommé “Santé au travail”, permet d’éviter que des situations individuelles difficiles ne s’enkystent. Créé il y a dix ans, il réunit plusieurs membres de la DRH et le Dr Isabelle Lombard, médecin du travail. « Tous les deux mois, nous passons en revue les cas d’arrêts répétés ou de plus d’un mois, explique cette dernière. Chacun apporte des éléments sur le salarié concerné, puis nous lui proposons de participer, dès avant sa reprise du travail, à nos réunions sur son cas, afin de lui trouver, ensemble, une solution. Aujourd’hui, certains salariés sont même intégrés préventivement, sur alerte de leur encadrant. » Cette concertation a ainsi permis à des employés de changer de métier au lieu de se retrouver inaptes ou de devoir quitter l’établissement. Mais il a aussi permis de repérer des problématiques collectives ponctuelles dans des services.

Recueillir l’avis des salariés

C’est précisément pour aider les médecins du travail et les DRH à passer à une représentation partagée des situations collectives, que le centre de Lorraine de l’INRS et le laboratoire de psychologie de l’université Nancy 2 ont élaboré, avec des représentants de ces deux professions, le questionnaire Satin, diffusé gratuitement à titre expérimental. Permettant de recueillir l’avis des salariés sur leurs éventuels problèmes de santé mais aussi sur l’organisation du travail, il évalue leur niveau de bien-être au travail. « Il pose les problèmes de manière objective, assure Vincent Grosjean, son initiateur au centre de Lorraine de l’INRS. On n’est pas dans la plainte. » S’il est rempli en consultation médicale, ses résultats sont présentés ensuite par collectif de travail, aux salariés, membres du CHSCT, encadrants, médecin du travail et RRH, avec un animateur de l’INRS ou un consultant. Objectif : s’accorder sur les points sur lesquels on va agir. Le questionnaire peut ensuite être rediffusé, afin d’évaluer l’impact des actions mises en place.

Parmi les premiers utilisateurs, les services de santé au travail et les organisations professionnelles du BTP en Languedoc-Roussillon ont pu ainsi poser un diagnostic interentreprises sur les contraintes physiques et mentales spécifiques au métier de conducteur de travaux. « Depuis 2007, des médecins, psychologues, IPRP ou consultants nous l’ont également demandé, assure Vincent Grosjean. Depuis peu, des responsables d’entreprises ou DRH l’ont également réclamé dans le cadre de l’élaboration de leur document unique ». Cette démarche leur permet en effet de structurer le cadre d’un dialogue nécessaire.

* De mai 2011 à mai 2012, Aravis a réuni dix personnes de chacune de ces deux professions. Leurs réflexions ont abouti récemment à la publication d’un guide : “La relation médecin du travail/entreprise : à la croisée des enjeux de santé au travail et de gestion des ressources humaines”, collection Boîte à outils GRH en PME, dossier n° 7, Anact.

L’ESSENTIEL

1 La réforme de la médecine du travail, tout comme les obligations légales en matière de santé qui pèsent sur les employeurs, renforcent la nécessité de collaboration entre les DRH et les médecins du travail.

2 Pour améliorer ce dialogue, les DRH peuvent utiliser des moments d’échanges déjà existants ou bien élaborer un cadre spécifique de concertation.

3 Il en résultera une meilleure adéquation des mesures prises par l’entreprise en matière de prévention.

Auteur

  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE