logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LIEUX DE TRAVAIL LA FLEXIBILITÉ AU CŒUR DES PROJETS

Enquête | publié le : 30.04.2013 | VIRGINIE LEBLANC

Image

LIEUX DE TRAVAIL LA FLEXIBILITÉ AU CŒUR DES PROJETS

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

Avec le déclin des bureaux individuels et l’essor du travail en mode projet, les entreprises imaginent de plus en plus, autour du poste de travail, des espaces variés et adaptés aux tâches de leurs salariés. Elles veillent également à proposer un environnement mobilier plus chaleureux.

Espace zen, “café littéraire” à la déco design, boxes pour s’isoler, espaces détente avec canapés et tables basses propices aux échanges informels, baby-foot, salles de réunion multiples, postes de travail regroupés dans des espaces “à taille humaine”, l’environnement de travail des salariés de France Télécom-Orange (lire p. 24) n’est sans doute pas décliné partout avec cette ampleur, mais il révèle le soin apporté aux lieux qui entourent les nouveaux open spaces, désormais adoptés dans nombre d’entreprises du tertiaire.

« La tendance à l’adoption d’open spaces “intelligents” se confirme, relate Alain d’Iribarne, directeur de recherches au CNRS et président du conseil scientifique d’Actinéo, l’observatoire de la qualité de vie au bureau. Ces espaces sont aujourd’hui fractionnés pour respecter l’identité du salarié et celle des petits groupes. Les aménageurs font varier les proportions des espaces en fonction des besoins des métiers. » Chez Decitre (lire p. 24), libraire lyonnais, aucun des espaces qui regroupent jusqu’à dix postes de travail n’a été aménagé à l’identique afin de tenir compte des contraintes des différentes professions.

Priorité à l’espace collectif

De plus, poursuit Alain d’Iribarne, « les salariés disposent de plus en plus de lieux spécifiques pour s’isoler, de petites salles à disposition sans réservation, et de plus grandes salles accessibles avec réservation ».

« Cette évolution s’accompagne de la diminution des espaces individuels au profit d’espaces collectifs. En moyenne, les surfaces allouées par collaborateur sont de l’ordre de 12 m2, observe François Delatouche, ancien président de l’Arseg, association des directeurs de l’environnement de travail (1). Le “bon open space” nécessite donc en contrepartie davantage de qualité dans les aménagements retenus et une plus grande proportion d’espaces collaboratifs. Il ne fait pas gagner de mètres carrés. »

François Delatouche constate que « 40 % des postes de travail sont inoccupés en France. Ce qui s’explique quand on additionne quatre à cinq semaines de congés payés, les RTT, les occasions de se retrouver à l’extérieur du bureau, le temps passé en travail collaboratif et en réunion. Par conséquent, la suppression de postes de travail est un facteur d’économie très important. Mais ces expériences, de plus en plus nombreuses, se vivent plus facilement si les salariés sont bien outillés en informatique, si l’entreprise leur propose de télétravailler également et s’ils n’ont pas besoin de disposer de grandes quantités de papier à leurs côtés ».

Pendant un peu plus d’un an, Bouygues Telecom a testé la formule – dénommée flex office – auprès de 1 000 collaborateurs. Sur la base d’une suppression de 200 postes de travail (au coût unitaire de 8000 euros), l’économie pourrait s’élever à 1,6 million d’euros par an, quand les surfaces correspondantes auront été libérées. Ce concept va s’étendre à tous les sites.

Coûts cachés

Une prise en compte de la problématique coût ne doit pas occulter la dimension humaine des projets. « Les chefs d’entreprise pensent que l’aménagement des espaces de travail est davantage un coût qu’un investissement, regrette Céline Tixier. Elles oublient que si l’aménagement n’est pas fait correctement, elles supporteront des coûts cachés liés à l’absentéisme et aux arrêts maladie. Malheureusement, on ne dispose pas d’un outil de démonstration. » Pour Alain d’Iribarne, la démonstration inverse est finalement plus facile à faire : des salariés insatisfaits de leur environnement de travail ne peuvent pas être performants (2).

Désormais, le salarié du tertiaire deviendrait un « nomade intra », note Ghislain Grimm, directeur associé de Form’a, cabinet conseil en environnement de travail. Par exemple, au siège de L’Oréal à Clichy, « on nous a demandé des salles spécialisées par métiers pour les réunions, des salles équipées pour le travail à distance et d’autres plus collaboratives et interactives ».

Bien souvent toutefois, les espaces collectifs ne sont pas en nombre suffisant et de plus en plus d’entreprises n’hésitent pas à investir les lieux de restauration collective pour organiser leurs réunions ou laisser les salariés libres d’occuper les lieux à leur convenance.

En tout état de cause, l’évolution des technologies favorise l’appropriation de ces espaces plus informels. « On commence à voir des entreprises qui acceptent que leurs salariés utilisent leur propre Ipad, cela a beaucoup évolué. Et, aujourd’hui, on en voit certains s’installer dans divers endroits pour partager spontanément des informations sur leurs écrans ou sur ceux déjà dans les salles », indique Han Paemen, responsable du Pôle consulting d’Aos Studley, société de conseil immobilier.

Un autre élément indispensable de plus en plus pris en compte est le traitement de l’acoustique : « C’est compliqué. Il faut réaliser des espaces ni trop bruyants, ni trop silencieux, car la moindre conversation dérangerait immédiatement le salarié à proximité », signale François Delatouche. De plus en plus d’entreprises ont recours à des matériaux isolants, auprès des postes de travail ou bien sous forme de cloisons permettant des réunions informelles sur de grands plateaux. Des fauteuils spécifiques sont aussi conçus pour devenir un cocon isolant du bruit.

Mais il ne suffit pas de mettre à disposition des collaborateurs une panoplie d’espaces. Encore faut-il leur en donner le mode d’emploi. « Les managers ne sont pas forcément accompagnés pour gérer cette nouvelle façon de travailler. Tout à coup, ils se retrouvent au milieu d’un open space avec leurs équipes, c’est déstabilisant pour tout le monde », souligne Céline Tixier, consultante et auteure de Repensez votre espace de travail ! L’aménagement comme outil de management (Ellipses, 2011).

C’est pourquoi « certaines entreprises réfléchissent à des règles de vie et produisent des chartes d’aménagement et posent des principes fondateurs de l’utilisation des espaces, illustre Flore Saulnier, responsable recherche corporate chez Jones Lang LaSalle. Chez Deloitte, notamment, de nouvelles règles managériales ont été introduites, afin de promouvoir les bonnes pratiques, par exemple quant à l’utilisation responsable des nouveaux outils technologiques et du mail. Autre exemple, Sanofi est passé de 98 % de bureaux fermés à 98 % de bureaux ouverts : cela s’accompagne ».

Une assistance d’autant plus indispensable lorsqu’on annonce aux salariés qu’ils n’auront plus de bureau attitré. Comme cela a été le cas chez Swiss Life, où un tiers des plateaux ont été conçus en « environnement dynamique », selon le vocabulaire de l’assureur. En clair : plus de poste attribué pour les salariés des métiers concernés. La direction dit avoir tout fait pour éviter une perte de repères et a engagé un accompagnement du changement en les laissant exprimer leurs craintes (lire p. 26).

Un des moyens d’assurer leur satisfaction est d’associer en amont les salariés à la conception des futurs espaces de travail, l’attention portée au travail réel devant être une préoccupation majeure (lire l’entretien p. 26). « Les démarches coconstruites que nous pouvons accompagner engendrent forcément un meilleur retour sur investissement et les directions générales envoient un signe de respect à leurs équipes », observe Han Paemen.

(1) Le nouveau président de l’Arseg, Gilbert Blaise, directeur délégué environnement de travail de la SNCF, a été nommé le 16 avril.

(2) Alain d’Iribarne est également l’auteur de Performance au travail. Et si tout commençait par les bureaux ?, éditions Italiques, 2012.

L’ESSENTIEL

1 Les objectifs d’économies sur les projets immobiliers aboutissent à une diminution de la surface immédiate autour du poste de travail.

2 Les salariés partagent désormais des espaces fractionnés autour desquels ils ont accès à divers lieux pour s’isoler ou travailler en mode collaboratif.

3 Les entreprises prennent davantage en compte les contraintes de bruit et de lumière et ont le soin d’offrir un cadre de travail à la décoration soignée.

L’AFNOR RECOMMANDE 10 MÈTRES CARRÉS PAR PERSONNE

La norme Afnor NF X35-102 préconise une surface minimale de 10 mètres carrés par personne, que le bureau soit individuel ou collectif. Si, d’après l’analyse du travail, il est nécessaire d’ajouter du mobilier, des équipements ou d’autres dispositifs, cette surface doit être augmentée en conséquence.

Si l’activité principale des occupants d’un bureau collectif est fondée sur des communications verbales, il est nécessaire de prévoir au moins 15 mètres carrés par personne pour limiter les interférences entre locuteurs, sauf s’il s’agit de communications entre les occupants eux-mêmes.

STEELCASE INVENTE UN SIÈGE POUR L’USAGE DES TECHNOLOGIES MOBILES AU BUREAU

En mars, Steelcase a annoncé le lancement d’un nouveau siège dénommé Gesture, adapté à l’utilisation des nouvelles technologies au bureau. Le fabricant de mobilier s’est appuyé sur une étude globale montrant qu’elles ont engendré neuf nouvelles positions non prises en compte par les sièges de bureau actuels, provoquant souvent des douleurs et des lésions sur le long terme, et gênantes pour la concentration. « Les tablettes et smartphones n’existent que depuis trois ans, de nombreuses personnes utilisent des sièges conçus bien avant la généralisation de cet outil dans l’espace de travail. Auparavant, les sièges étaient faits pour soutenir les individus dans une seule position tout au long de la journée, devant leur ordinateur », note Steelcase.

Les nouvelles positions prises en compte par ce siège accompagnent les mouvements dans divers usages : lecture en position inclinée ; saisie de textes sur les smartphones, utilisation d’une tablette en mode navigation ; position de concentration prolongée sur un écran, etc.

Photo © Steelcase

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC