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Savoir écouter pour prévenir l’agressivité

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 30.04.2013 | CATHERINE SANSON-STERN

Depuis 2007, 1 600 agents et encadrants de la mairie de Toulouse ont été formés à la gestion des situations de conflit et d’agression par le cabinet Merlane. Toulouse métropole vient de s’engager pour un nouveau contrat de trois ans.

Un agent de surveillance de la voie publique poursuivi par un individu armé d’une truelle dans les rues de Toulouse pour avoir demandé l’enlèvement d’une camionnette gênante, une bibliothécaire insultée et son bureau mis à sac pour avoir réclamé des pénalités de retard à un usager, un balayeur cible de crachats dans le centre-ville… Comme dans toute grande ville, les formes d’agressions qui visent les agents de la mairie de Toulouse sont multiples. Mais la municipalité a décidé de ne pas laisser ses employés les subir sans rien faire.

« Dès 2007, nous avons monté un groupe de travail sur les agressions verbales et physiques, raconte Anne Pujos, chef du service formation à la mairie. Nous avons essayé d’en cerner les typologies. On s’est rendu compte que, contrairement aux idées reçues, les populations les plus agressées ne sont pas derrière un guichet ou dans un quartier sensible. Le personnel de la propreté et des espaces verts est très souvent victime d’agressions physiques et, en centre-ville aussi, nos agents peuvent être mis en difficulté. »

Un plan de prévention des agressions en deux volets (réparation et prévention) a été mis en place dès 2007 pour les 9 000 salariés de la mairie, puis à partir de 2009, en incluant ceux de la communauté urbaine, soit 13 000 personnes. Les services juridique et prévention ont formalisé la marche à suivre pour les agents et leurs encadrants : que faire en cas d’agression ? Comment déposer plainte ? Comment accompagner la personne agressée ? L’aménagement des horaires, la rotation des équipes et l’adaptation des postes de travail ont également été prévus : « On ne balaye plus certaines rues du centre-ville le samedi après-midi, car cela provoquait beaucoup d’insultes envers nos agents », explique Anne Pujos.

Des ateliers de quatre jours

La part la plus importante du volet prévention a été la formation. Entre 2007 et 2012, près de 1 200 agents ont bénéficié d’ateliers de quatre jours fractionnés sur la prévention des situations de conflit et d’agression, avec trois formateurs du cabinet Merlane. Quatre cents encadrants ont reçu une formation de même durée, mais orientée davantage sur l’accompagnement et le soutien de l’agent en cas d’agression.

Les groupes, d’une quinzaine de personnes, mêlaient les agents en contact avec le public des différentes directions : des balayeurs au personnel des écoles maternelles, des agents d’accueil de l’état civil aux gardiens de gymnase, des bibliothécaires aux policiers municipaux… « Au départ, on a monté les formations de manière territoriale, en proposant aux différents services des sessions par rue ou quartier, détaille Anne Pujos. Cela a permis de créer des solidarités entre agents qui ne se connaissaient pas forcément. » Le mélange des métiers et des niveaux de qualification a été très apprécié. « Je pensais que l’agressivité était plus liée à la réception du public, raconte Laurence Vera, chargée d’accueil à la DRH de Toulouse métropole. J’ai été étonnée de découvrir que d’autres métiers la subissent aussi. »

Mise en situation à partir de conflits réellement subis

L’objectif était d’apprendre aux agents à prévenir les situations de conflit et d’agression, à y faire face, à gérer le stress et à en relativiser la portée par rapport à leur vie personnelle. Les ateliers alternaient apports théoriques et mises en situation, en faisant appel au théâtre-forum du Brésilien Augusto Boal, à la méthode Espere* de Jacques Salomé, à la communication non violente de Marshall Rosenberg et aux positions de vie de l’analyse transactionnelle. « C’est une formation très concrète, décrit Albert Hazan, consultant de Merlane, qui a formé près d’un millier de personnes dans ce programme. Nous essayons de leur faire comprendre avec des mises en situation à partir de conflits ou d’agressions réellement subis, rejoués avec les techniques du théâtre-forum, qu’il y a un bon comportement pour éviter le passage à l’acte et l’agression, et un comportement inadapté qui peut dramatiser. »

« Personnellement, cela m’a aidé à prendre conscience qu’on n’est pas seulement victime, mais qu’on peut être déclencheur, même si on n’est pas agressif », témoigne Charlotte Valat, responsable de bibliothèque dans un quartier sensible lorsqu’elle a suivi la formation.

« Cette formation aide à prendre du recul par rapport à la situation d’agression, ce qui nous permet de nous sentir plus forts, commente Laurence Vera, fréquemment confrontée à des agressions verbales de la part de demandeurs d’emploi à l’accueil à la DRH de Toulouse métropole. On comprend la légitimité de la personne agressive, mais aussi que ce n’est plus son cortex qui parle, mais son cerveau reptilien. On apprend à l’écouter avant de lui proposer une solution. Cela marche, même au téléphone ! »

Nouveau contrat sur trois ans

Pas forcément volontaires ni convaincus de l’intérêt de la formation au départ, certains ont changé d’avis après l’avoir suivie. « Beaucoup d’agents des espaces verts, du nettoyage de la voie publique ou des éboueurs, sont arrivés en étant fermés à la démarche de prévention des conflits et à l’idée de rester assis, se souvient Albert Hazan. Mais après-coup, ils sont nombreux à avoir conseillé à leurs collègues de suivre la formation. » Convaincue de son efficacité, satisfaite des retours positifs et d’une relative baisse de l’absentéisme, Toulouse métropole a passé un nouveau contrat de 240 000 euros sur trois ans. Merlane formera 250 agents et 50 encadrants d’ici à 2015, sur un format plus court de trois jours.

* Énergie spécifique pour une écologie relationnelle essentielle.

Auteur

  • CATHERINE SANSON-STERN