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Dire non élégamment

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET, CONSEIL EN ENTREPRISES À PARIS. <> | publié le : 04.06.2013 |

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Dire non élégamment

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Bien sûr, il faut commencer par dégager le terrain émotionnel. « Tu n’as pas le droit de me laisser tomber », semble nous dire l’interlocuteur qui nous fait une demande. On se sent facilement coupable de ne pas aider, d’être perçu comme égoïste ou animé d’un sale caractère. Et puis si l’on dit non, il va falloir s’expliquer, trouver de bonnes raisons. Et le piège se referme, on se retrouve à faire ce que l’on ne voulait pas. Savoir dire non commence donc par se distancier de cette émotion culpabilisante : on doit pouvoir refuser avec calme, la tête haute. « Non, je suis désolée, je ne peux pas. »

C’est là que l’approche de William Ury, grand expert américain de la négociation, est utile*. Sa méthode du “non positif” s’articule en trois étapes, qu’il résume en Oui-Non-Oui. La première étape est de dire oui à soi-même : reconnaître ses vrais besoins, ses valeurs, ses intérêts profonds. Exprimer qu’il ne vous sera pas possible de travailler le jour de Noël à un patron qui le demande, cite Ury, c’est dire oui à ses proches et à la valeur que l’on attache à la vie de famille. « Ma famille a besoin de moi ce jour-là et j’ai l’intention de passer Noël avec eux. » Il faut, bien sûr, oser exprimer ses valeurs ou ses besoins pour que l’interlocuteur entende le sens de ce choix.

Idem pour les temps de récupération. Plus on fonctionne branché et en continu, plus il faut définir des frontières à ses collègues pour qu’ils se retiennent de nous assaillir d’e-mails quand on est sur la plage. Ce ne sont plus les lieux qui assurent la séparation, puisque le “bureau” d’aujourd’hui, c’est nous et notre portable, il faut donc que les limites soient données par nous-mêmes à notre entourage. « J’ai besoin de décrocher et d’être présent à ma famille, je ne relèverai pas mes messages pendant mon absence. » Clairement, le non arrive en continuité logique d’un oui que l’on exprime envers quelque chose de profond qui nous anime.

D’accord, on a exprimé un Oui puis un Non, maintenant, on est bien avancé ! Car la personne risque d’être déçue, anxieuse de ne pas avoir de solution. Logiquement, elle va nous en vouloir. Pour ne pas terminer sur une rupture, il faut donc passer à la troisième phase, le Oui qui entretient la relation. Dans ce dernier Oui, on propose une solution alternative, on garde une porte ouverte pour que la personne ne se sente pas rejetée. « Je ne peux pas prendre ton projet, mais as tu pensé à untel ? C’est un sujet qu’il aime bien » ou « voilà comment je pense m’organiser pour que vous ayez toutes les informations utiles pendant mes vacances ».

Pour Ury, le oui sans le non est de la complaisance et de la docilité, on se suradapte à l’autre et, ce faisant, on détruit son estime de soi et son plaisir à faire les choses ; le non sans le oui nous fait entrer dans le registre du conflit, de la confrontation des pouvoirs, et il endommage la relation. Sa solution est donc de réunir les deux, le oui de la paix et le non de la justesse, le oui qui relie et ouvre à la communauté et le non qui protège l’individu et ses besoins profonds. Le monde du travail actuel, qui prône la performance en continu, sans limite ni frontière, nous obligera sans doute à mieux maîtriser ces logiques, car personne ne le fera à notre place.

* Comment dire non : savoir refuser sans offenser, de William Ury, Seuil.