Dans l’entreprise, tout le monde critique tout le monde et, selon l’auteure, professionnelle RH, c’est tant mieux. Dans les couloirs et devant la machine à café, les potins se déchaînent, contrairement aux injonctions plus ou moins explicites de bienveillance, de respect et de courtoisie censés favoriser le travail d’équipe. Ainsi, malgré la doxa managériale qui voudrait que l’on positive en toute situation, cette critique incessante n’a pas que des effets négatifs. Outre leur aspect éventuellement réconfortant et défoulant pour ceux qui s’y livrent, la médisance et les jeux de pouvoirs, qui conduisent les salariés à se déchirer à belles dents, contribuent à aiguiser la performance collective. Non seulement, comme le disait le philosophe Alain, « penser c’est dire non », mais, comme nous apprend cette fois l’arithmétique, moins par moins finit par faire plus, dans la mesure où critiquer stimule l’intellect et conduit à remettre en cause les pratiques acquises et les habitudes. Pas de créativité sans critique, nous rappelle l’auteure. Chacun devrait donc pouvoir prendre les remarques qui lui reviennent aux oreilles comme une occasion de se remettre en question. En conséquence, le non-travail et le temps apparemment perdu sont très utiles : d’une part, ils servent d’exutoire au mécontentement et aux tensions accumulés dans le travail, d’autre part, ce sont des temps de rencontre entre les salariés. Enfin, ils permettent d’optimiser le fonctionnement de l’organisation. Ce n’est pas un hasard si des entreprises ont bien compris qu’il fallait accorder un soin particulier à la conception des espaces cafétéria et de restauration.

Éloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise

Laurence Bourgeois, Eyrolles, 144 pages, 20 euros.