logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LE TÉLÉTRAVAIL SERA MAJORITAIRE… OU MARGINAL

Enquête | publié le : 16.07.2013 | EMMANUEL FRANCK, V. L.

Selon la définition qui en est retenue, les prévisions à dix ans sur le développement du télétravail varient du simple au quintuple.

L’avenir du télétravail est une histoire de Normands : d’ici à dix ans, la France comptera de 12 % à… 50 % de télétravailleurs. Ce sera la forme majoritaire du travail ou alors une forme marginale, cela dépendra… de la définition du télétravail, de la diffusion de l’Internet mobile, des attentes des travailleurs, de l’évolution du salariat, du tissu des entreprises, de la transformation des villes, de l’attitude des employeurs et de celle des pouvoirs publics. Rien n’est sûr, c’est la seule certitude !

Un potentiel de 38 % des actifs

Dans une étude publiée en 2009, le Centre d’analyse stratégique, CAS (aujourd’hui Commissariat général à la stratégie et à la prospective), estimait que le potentiel de télétravailleurs s’établirait à 47 % de la population active en 2015 ; 38 % en « probabilité forte ».

Pour parvenir à ces résultats, le Commissariat général faisait l’hypothèse d’une diffusion des TIC dans les entreprises et les administrations. En revanche, il ne croyait pas à « une évolution structurelle du marché de l’emploi vers une plus grande part d’emplois télétravaillables ». Les services à la personne et le médico-social l’étant assez peu.

Surtout, les calculs du CAS élargissaient le champ des personnes éligibles bien au-delà de la définition officielle du télétravail. Selon celle adoptée par le législateur, le 22 mars 2012, dans la loi de simplification du droit, qui reprend celle de l’ANI de 2005, les télétravailleurs sont des salariés effectuant, dans le cadre d’un avenant à leur contrat de travail, volontairement et régulièrement, hors des locaux de leur employeur, un travail qu’ils auraient pu faire dans ses locaux, en recourant aux nouvelles technologies.

Définition élargie

Or l’étude du CAS incluait également des professions libérales (donc non salariées), les enseignants (qui travaillent habituellement en dehors de la classe) ou des commerciaux (qui circulent traditionnellement en dehors des locaux de l’entreprise).

Un marqueur de modernité

Le souci de cette institution rattachée au gouvernement de gonfler les chiffres pourrait s’expliquer par le fait que « le télétravail est un marqueur de modernité sur le plan international », selon Yves Lasfargue, chercheur et directeur de l’Obergo (Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie). « Si l’on s’en tient à la définition du législateur, il y aura 12 % à 15 % de télétravailleurs dans dix ans », soutient ce dernier.

Selon lui, cela tient d’abord au fait que les métiers adaptés à cette forme d’organisation ne seront pas si nombreux. En outre, Yves Lasfargue relève qu’« avec le développement des smartphones, il va y avoir une démultiplication des lieux et des horaires de travail. Or le télétravail suppose un lieu de travail fixe majoritaire. Dès lors que les outils de mobilité se développent, il devient plus difficile de parler de télétravail ».

Il relève par ailleurs une spécificité française, qui explique que le télétravail à 100 % n’existe pratiquement pas dans l’Hexagone – où la moyenne tourne autour d’un ou deux jours par semaine –, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis : « Le contrat de travail français encadre un échange de temps contre du salaire, alors qu’aux États-Unis, il s’agit d’un contrat portant sur un résultat. » Selon lui, seuls 4 % à 5 % des salariés français télétravaillent aujourd’hui. Mais, là encore, il s’agit de conjectures puisqu’il n’existe aucune statistique officielle.

Nicole Turbé-Suetens, experte internationale et animatrice du réseau Distance Expert, estime quant à elle que « le télétravail va continuer à se développer de plus en plus rapidement » pour atteindre 30 % à 40 %… des actifs. D’une part, parce qu’il sert aux directions à compenser le gel des rémunérations. Mais surtout du fait d’une « volonté accrue de qualité de vie des citoyens qui travaillent, et donc de sortir du cycle infernal des trajets domicile-travail ».

Manque de prévisions

Toutefois, pour que cette « démobilité » – décrite dans une note de juin 2013 de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) – existe, « il faut imaginer le rythme auquel les villes et les métropoles vont se transformer et, sur ce sujet, les prévisions sont rares », explique Nicole Turbé-Suetens. A contrario, il ne faut pas compter sur le pouvoir politique ni sur le patronat, « que le sujet n’intéresse pas ». Elle en veut pour preuve l’absence de statistiques officielles sur la question. Le bilan de la négociation collective du ministère du Travail portant sur 2012 ne recense pas les accords de télétravail signés cette année-là, pourtant année 1 de la loi sur le télétravail.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK, V. L.