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Enquête

« Innover pour rendre les individus plus actifs et autonomes »

Enquête | publié le : 27.08.2013 | VIOLETTE QUEUNIET

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« Innover pour rendre les individus plus actifs et autonomes »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

E & C : Constatez-vous beaucoup d’innovation dans les méthodes pédagogiques concernant la formation des adultes ?

D. C. : Oui, même si le terme d’innovation n’est peut-être pas le plus approprié car il évoque la rupture. Or, on s’aperçoit qu’en matière de formation, ce que l’on croit être innovant a déjà été utilisé, parfois des siècles auparavant. Je pense par exemple au détour par le cheval pour travailler son leadership : c’est en dressant Bucéphale qu’Alexandre le Grand a montré qu’il avait un comportement de chef. J’aurais tendance à parler de diversification pédagogique plutôt que d’innovation.

E & C : Pourquoi faut-il innover ?

D. C. : Pour plusieurs raisons. D’abord parce que les stagiaires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Quand on reçoit 70 SMS par jour, l’attention n’est plus la même et devient une ressource rare. L’autorité de l’intervenant s’en trouve amoindrie, d’autant plus qu’on peut aller vérifier ses propos sur Internet. La forme prend donc de plus en plus d’importance pour capter l’attention, redynamiser les apprentissages, tenir compte d’individus qui veulent être plus actifs en formation.

Les entreprises sont également demandeuses : elles ont besoin de coller au terrain, d’être plus rapides, d’avoir un avantage concurrentiel.

On est obligé aussi d’innover parce que les apprentissages formels, qui étaient omniprésents, répondaient à des situations de travail stables. Avec l’avènement d’une société de services, les salariés sont de plus en plus touchés par des événements s’enchaînant sans cesse. Ils doivent remettre en permanence leurs connaissances au goût du jour mais, surtout, intégrer une capacité d’apprendre à apprendre. On doit donc innover pour développer de nouvelles compétences d’apprentissage et rendre les gens beaucoup plus autonomes.

Cela passe par des modalités pédagogiques qui permettront à l’individu d’être davantage proactif dans son apprentissage.

Enfin, on est obligé d’innover parce qu’il y a moins d’argent. Il s’agit alors de repérer les modalités permettant d’apprendre plus vite et à moindre coût. La tendance est de raisonner moins en termes de stages qu’en termes d’écosystème d’apprentissage, où se combinent cours, situations de travail et coaching.

E & C : Que pensez-vous des pédagogies qui utilisent des domaines étrangers à l’entreprise – sport, cuisine, théâtre, etc. – dans les stages de management ?

D. C. : Il faut d’abord que l’innovation soit acceptable socialement, sinon cela peut être très violent et susciter l’effet contraire à celui espéré. Lors d’une enquête que j’ai menée sur les universités d’entreprises, certains cadres avaient mal vécu une forme d’endoctrinement, un effet de mode qui leur avait été imposé. Par ailleurs, on n’innove pas dans l’absolu.

Il faut que la méthode réponde à un processus de transformation, à une évolution des pratiques.

E & C : Quelle est la limite à l’innovation ?

D. C. : La limite, c’est de penser qu’on détient la bonne méthode en soi, qui peut s’appliquer de façon indifférenciée. Or, il faut d’abord partir des problèmes concrets des individus et des organisations, être au plus près des situations de travail, des métiers.

À cette condition, l’innovation apporte quelque chose, sinon c’est de l’idéologie.

* Denis Cristol est également l’auteur d’Innover en formation et de Développer une université d’entreprise (ESF Éditeur).

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET