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Enquête

PROMOUVOIR DE NOUVELLES PRATIQUES MANAGÉRIALES

Enquête | publié le : 22.10.2013 | NICOLAS LAGRANGE

Gestion des émotions, développement des collaborateurs, connaissance des RPS… Depuis la crise des suicides, Orange a généralisé de nouvelles formations managériales et veut accroître les marges de manœuvre de ses encadrants, que le groupe appelle à la « bienveillance » pour restaurer de meilleures relations de travail.

Depuis 2010, le “nouveau contrat social” du grou­pe Orange, mis en pla­ce au lendemain de la grave crise interne, vise à développer un nouveau style de management. Dans la charte qui leur est dédiée, les 20000 managers du groupe sont invités à faire preuve de « bienveillance ».

Plus question d’indexer le bonus des managers sur le taux de réduction des effectifs, de manager par le stress, des pratiques en vigueur sous l’ancien Pdg, Didier Lombard… La priorité est désormais de valoriser la performance sociale de l’encadrement.

Et ce en s’appuyant sur Orange Campus, un centre de formation créé en 2011 et destiné aux trois couches managériales : les managers d’équipe, les managers de managers et les leaders exécutifs. « Auparavant, l’université du leadership ciblait principalement les cadres supérieurs et dirigeants, relève Marie-Bernard Delom, directrice d’Orange Campus. Aujourd’hui, le groupe compte 74 % de managers de premier niveau, nous leur réservons donc les trois quarts des formations, ce qui est plutôt atypique pour ce type de campus. » Des formations au contenu davantage comportemental et moins technique, focalisé sur les salariés plus que sur les clients.

Le module “Mieux intégrer la gestion des émotions dans son management”, qui réunit 12 à 15 managers, leur propose de « repérer les effets positifs et négatifs de leurs émotions et d’adapter leur comportement à l’état émotionnel de leur collaborateur. » En 2012, 72 % des managers ont suivi au moins une formation, l’entreprise consacrant 0,8 % de sa masse salariale à ces cursus.

Développer un vrai sens de l’écoute

L’un des modules les plus suivis s’intitule “Instaurer la notion de santé au travail dans son management”. « Le manager doit développer un vrai sens de l’écoute, assure Marie-Bernard Delom. Par exemple, ne pas juger trop rapidement les petits retards systématiques, parfois liés à des situations difficiles, comme une addiction ou les horaires d’un enfant… Mais, lorsqu’il identifie des fragilités, le manager doit passer le relais aux interlocuteurs formés sur la santé au travail. » Ils peuvent notamment faire appel aux cellules de médiation, sollicitées également par les IRP. « L’ancienne culture managériale était très technico-administrative ; le manager était conduit à faire sentir son pouvoir plutôt que de s’effacer pour animer l’équipe, analyse Jean-Claude Delgènes, directeur général de Technologia, cabinet choisi durant la crise sociale pour analyser, traiter et prévenir les RPS. L’apprentissage de nouveaux comportements managériaux est indispensable. »

Favoriser un management plus horizontal

Pour épauler les managers au quotidien, le recrutement de 180 RH de proximité à partir de la fin 2010 a été décisif. Des renforts insuffisants, estiment plusieurs syndicats. Aujourd’hui, l’opérateur historique travaille sur les marges de manœuvre des encadrants et de leurs collaborateurs. « Nous étions assez mal notés sur ce sujet dans le cadre des baromètres sociaux, reconnaît Ludovic Guilcher, directeur adjoint en charge des politiques RH groupe. Désormais, les managers ont plus de souplesse au niveau budgétaire. Pour favoriser un management plus horizontal, nous avons également planché sur le reporting : le siège demandait près de 250 documents aux filiales, nous avons réduit ce chiffre de 30 %. »

« Le groupe est encore trop complexe en termes de logistique et de systèmes d’information, avec quatre outils d’achats et des piles d’outils RH non homogènes, déplore Sébastien Crozier, président CFE-CGC d’Orange. Cela fait perdurer certaines baronnies managériales, même si le phénomène a beaucoup régressé. »

Pour favoriser le changement des pratiques managériales, le Pdg, Stéphane Richard, a conditionné 30 % de la rémunération variable des 1 200 top managers du groupe à l’amélioration de la performance sociale. Avec cinq indicateurs quantitatifs, tels que le taux d’absentéisme de courte durée ou le taux de réalisation des entretiens individuels, et cinq indicateurs plus qualitatifs, qui mesurent, d’un baromètre social à l’autre, l’évolution de la relation managériale ou encore de la qualité de vie au travail.

Depuis 2010, le climat social s’est sensiblement amélioré et la fierté d’appartenance a beaucoup progressé, mais le contexte économique alimente les inquiétudes des salariés. Si la CGT reconnaît de vraies avancées – elle a d’ailleurs signé de nombreux accords, le premier syndicat du groupe ne souhaite pas que les managers soient montrés du doigt. « On leur demande beaucoup, ils doivent jouer les équilibristes avec des moyens limités, juge Béatrice Legrand, DSC adjointe. C’est d’abord aux non-remplacements des départs en retraite et aux réorganisations qu’il faut s’attaquer pour faire reculer le malaise social. »

PepsiCo France veut une performance avec du sens

Participation annuelle au classement Great place to work, dont il truste les deux meilleures places du podium, signature en 2011 de l’Appel à plus de bienveillance au travail…: la marque de soda au logo bleu tient à faire savoir que, dans la gestion de ses 500 salariés français, la bienveillance est un « choix stratégique ». « C’est le levier principal d’une croissance durable, martèle son DRH Stéphane Saba. Cela se vérifie dans nos performances économiques largement meilleures que celles de la concurrence depuis trois ans. »

La multinationale décline donc son programme corporate “Performance with purpose” notamment sur le volet des ressources humaines : enquête de climat social biennale intégrant un chapitre “qualité manageriale” bâtie sur six critères d’évaluation – l’objectif est de conserver plus de 75 % de collaborateurs satisfaits de l’encadrement ; 5 % de la masse salariale investis en formation, dont 35 % visent à développer les qualités de management – « avec un module consacré à l’intelligence émotionnelle, introduit cette année », précise le DRH ; programme de télétravail “Flexico” qui permet de travailler de son domicile une fois par semaine et dont profite un salarié sur cinq.

Les évaluations à 360°, suivies d’un débriefing pour le manager, sont la règle, de même qu’une mesure régulière auprès des salariés de la qualité perçue du management (MQPI pour management quality performance indicator).

Ferrero, modèle des familles

« Pour être bon au travail, il faut y être bien »: c’est la formule qu’aime à répéter la direction de Ferrero France, entreprise habituée des premières places du classement Great place to work. Pour cette filiale du groupe familial italien, qui emploie 1200 personnes dans l’Hexagone, dont le siège est installé en Haute-Normandie et qui compte en outre une usine et deux entrepôts, la conciliation vie privée-vie professionnelle fait partie du modèle de l’entreprise.

Elle a lancé une initiative “bien-être au travail”, conduite par un comité de pilotage intégrant des salariés et recueillant les propositions au sein de l’entreprise.

Les salariés de Ferrero disposent d’une trentaine de places chaque année dans une crèche interentreprises à 300 mètres des bureaux, « de sorte que 100 % des besoins en ce domaine soient satisfaits ». Ce service est complété, dans le bâtiment du siège, d’un mini-club accueillant les enfants de 4 à 10 ans les mercredis et pendant les petites vacances scolaires. Une centaine d’enfants en bénéficient. Le budget incluant l’animation et les transports avoisine les 60 000 euros annuels. Cette structure permet aux parents salariés de déjeuner à la cafétéria de l’entreprise avec leurs enfants, ce qui, à en croire certains, « apporte une autre vision des lieux et les humanise ».

Un équivalent ou un substitut est mis en œuvre dans les sites de production ou de stockage. Quant aux 400 commerciaux établis partout en France, il leur est proposé à cet usage des chèques emploi-service.

Dans le même objectif d’apporter du confort aux collaborateurs, une conciergerie d’entreprise emploie deux personnes, salariées à temps plein de Ferrero ; 90 % des salariés y ont eu recours.

La conciliation des temps est aussi facilitée par une charte du “savoir travailler ensemble”, qui proscrit par exemple les réunions après 18 heures, et par des horaires journaliers flexibles.

Autre particularité de l’entreprise : une cellule sociale, qui emploie trois personnes à temps plein. Elle accompagne les salariés qui le souhaitent en cas de difficultés lourdes et d’accidents de la vie (perte d’un proche, deuil, recouvrement, problème de logement, adoption…). Ce sont des salariés internes qui ont suivi une formation de spécialisation.

Ces dispositifs sont-ils déterminants dans la performance de l’entreprise ? La direction fait en tout cas valoir un chiffre d’affaires doublé depuis 2000.

GROUPE ORANGE (FRANCE)

• Activité : télécommunications.

• Effectif : 103 000 salariés.

• Chiffre d’affaires 2012 : 21,4 milliards d’euros.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE