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La filière se nourrit aux RH pour mieux recruter

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 29.10.2013 | HUBERT HEULOT

En signant une convention en 2005 pour soigner l’accueil, le recrutement et l’encadrement des salariés, les maraîchers de la région nantaise ont évité la pénurie de main-d’œuvre et permis le développement de leurs entreprises.

Dans la région nantaise, le bâtiment, les entreprises du nettoyage, les centres d’appels téléphoniques rêvent de l’imiter. Le maraîchage s’est sorti de la pénurie de main-d’œuvre, due à son image d’activité saisonnière, pour devenir, en dix ans à peine, une industrie en croissance et attractive. Mais, pour en arriver là, il lui a fallu faire un important effort dans la gestion des ressources humaines, dont le point de départ a été une convention tripartite passée en 2005 entre la Fédération des maraîchers, Pôle emploi et Nantes métropole.

Évolution des habitudes

À l’époque, une offre d’emploi sur deux n’obtenait pas la moindre réponse. Pour y remédier, Pôle emploi s’est engagé à mettre en valeur le maraîchage auprès des demandeurs d’emploi. Nantes métropole y a vu le moyen de réduire le chômage dans ses quartiers sensibles. De leur côté, les maraîchers, qui aspiraient à faire croître leurs entreprises, se sont engagés à faire évoluer leurs habitudes afin de sécuriser leurs recrutements et de ralentir le turnover dans les serres.

Première étape, freiner la précarité des contrats. Les maraîchers ont d’abord commencé par offrir des CDD de six mois plutôt que des contrats saisonniers, récolte après récolte. Dans la convention, ils promettaient de créer 40 CDI par an. Finalement, 80 ont été signés la première année et, depuis 2007, la filière propose 150 CDI tous les ans. Résultat : alors qu’ils travaillaient surtout avec des saisonniers – 2 500 par an pour 1 000 salariés permanents – ils comptent aujourd’hui 2 600 CDI à temps plein pour 2 100 CDD. À travers la convention avec Pôle emploi, les méthodes de recrutement ont aussi été modifiées. Ne pouvant plus compter sur les « fils de paysans », le vivier naturel de main-d’œuvre, le maraîchage a dû s’adapter aux jeunes urbains. « Nous n’embauchons plus du tout comme avant, raconte Marie-Laure Bouchereau, responsable de production et du personnel de la société Cheminant, 50 salariés, en banlieue de Nantes. Nous prenions les personnes qui se présentaient au bout du champ. Désormais, Pôle emploi présélectionne les candidats sur leurs habiletés. Nous vérifions l’attitude au travail, essentielle. »

Structuration de la fonction RH

En parallèle, une vraie structuration de la fonction RH a été entamée à plusieurs niveaux. D’abord dans l’intégration des nouveaux embauchés. Le livret d’accueil a été généralisé, et une centaine de salariés expérimentés ont été envoyés en formation, avec le soutien du Fafsea, pour apprendre en quatre jours l’art d’accompagner les nouveaux collègues dans l’entreprise. Par la suite, des chefs d’équipe ont été formés : récemment, une vingtaine d’entre eux ont bénéficié de formations spécifiques à l’encadrement (gestion du stress, motivation, accueil et intégration, recrutement). Une dizaine suivra l’an prochain. Et cinquante chefs d’entreprise ou directeurs ont suivi des parcours de onze jours, consacrés à la mise en place des outils de gestion RH (recrutement, évaluation des compétences, formation) et financés par Vivea, le fonds d’assurance formation des syndicats professionnels agricoles.

Fidélisation

La filière a ainsi résolu sa pénurie de main-d’œuvre, au moins pour les postes peu qualifiés. Un tiers de ses saisonniers reviennent même tous les ans. Pour autant, la fidélisation reste encore à travailler, estime Marie-Laure Bouchereau : « Le maraîchage reste trop peu connu. Certains s’y voient comme dans leur jardin, en bottes, à genoux dans la terre. Ce n’est plus cela. Dans nos serres, il faut du rendement, nous sommes des sociétés de production qui doivent composer avec le vivant. Le métier reste physique, exigeant, même si la filière embauche désormais deux salariés pour un travail réalisé autrefois par une personne et demie, et offre des perspectives de carrière. Trop de gens le quittent encore dès que des postes s’ouvrent ailleurs parce qu’ils y sont arrivés par hasard. » Pour donner une image plus juste du maraîchage auprès du grand public, Éric Tesch, responsable de la filière à la maison de l’emploi de la métropole nantaise et chargé de la mise en œuvre de la convention, a multiplié les présentations des métiers, notamment en vidéo.

Par ailleurs, les besoins en compétences de la filière changent, et obligent à élargir le vivier des candidats. « Nos technologies ont considérablement évolué. Un chef de culture doit avoir un BTS. Un responsable hygiène et qualité ou un responsable du conditionnement ne peuvent plus occuper ces postes avec seulement un bac en poche », remarque Marie-Laure Bouchereau. Le maraîchage doit donc se trouver une nouvelle place dans les filières de formation. Dans cet objectif, Éric Tesch vient de réécrire les fiches métiers du maraîchage, passées de 16 à 33 depuis 2005 : « L’ensemble des métiers est concerné par le développement durable : par exemple, le conducteur de tracteur devient un spécialiste de la conduite économique et de l’économie d’énergie, en général. Techniciens de maintenance, responsables de production, conducteurs de lignes, etc. sont autant de nouveaux métiers qualifiés. Le maraîchage va avoir besoin que les formations supérieures s’ouvrent à lui. »

En attendant, les maraîchers nantais commencent à recruter en dehors de leurs canaux traditionnels. Comme ces conducteurs de tracteurs, formés dans un lycée technique préparant au BTS d’horticulture.

Auteur

  • HUBERT HEULOT