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Ondes électromagnétiques, un risque à limiter

Pratiques | publié le : 29.10.2013 | CATHERINE SANSON-STERN

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Ondes électromagnétiques, un risque à limiter

Crédit photo CATHERINE SANSON-STERN

Aux yeux du public et des syndicats, le risque lié aux ondes électromagnétiques est surtout associé à la téléphonie mobile et au wi-fi. Pourtant, les spécialistes de l’INRS pointent des risques industriels bien plus élevés. Une directive européenne sur la protection des salariés a été votée en juin 2013 pour une application d’ici à juillet 2016.

Le responsable du laboratoire sur les champs électromagnétiques de l’INRS, Patrice Donati, l’affirme d’emblée : « Les entreprises nous appellent souvent pour des risques connus du grand public comme l’installation du wi-fi dans un bâtiment. Mais ce risque est beaucoup plus faible que celui des champs des équipements industriels. » Or, comme le wi-fi et les antennes-relais de téléphonie mobile, les applications industrielles des ondes électromagnétiques se sont multipliées ces dernières années. Et un certain nombre est susceptible de dépasser les limites fixées par la CIPRNI (1), reprises dans les directives européennes de 2004 et 2013 (lire l’encadré p. 13), donc de provoquer des effets indésirables. Vertiges, nausées, vomissements, problèmes cardiovasculaires, effets sur le système nerveux et dysfonctionnement de dispositifs médicaux implantés sont les manifestations les plus courantes pointées par un guide coédité par l’Ineris et l’INRS (2).

Difficile reconnaissance

« Certains symptômes sont unanimement acceptés, comme la nervosité, la fatigue, les troubles de la concentration et du sommeil, les maux de tête, explique Jérôme Andreu, directeur du cabinet Ondelio, spécialisé dans la prévention des risques électromagnétiques en entreprise. Mais, pour le reste, on n’a pas de certitude, ni sur la dangerosité, ni sur l’innocuité. » Le radiologue René de Sèze, chercheur sur la santé et les champs électromagnétiques à l’Ineris, cite une quinzaine d’articles évoquant des accidents de radio­fréquences, mais souligne qu’« aucune pathologie liée aux expositions aux ondes électromagnétiques n’a été reconnue pour un salarié en France », contrairement à l’Italie où la justice a admis, en 2012, le lien possible entre le cancer d’un cadre et une utilisation intensive du téléphone portable.

De son côté, l’Anses (3) vient de rendre un avis par lequel elle ne conclut pas à « un effet sanitaire avéré », mais pointe toutefois, « avec des niveaux de preuve limités, différents effets biologiques chez l’homme ou chez l’animal. » Elle recommande notamment de limiter les expositions aux radiofréquences, en particulier les téléphones mobiles, pour les utilisateurs intensifs.

En février dernier, des représentants de cinq syndicats (CFDT, CFTC, CGT, SUD et FSU) et de plusieurs entreprises ou institutions (L’Oréal, Orange, RATP, Banque de France, Geodis, BNF…) ont réclamé la prise en compte des nouvelles pathologies liées aux ondes par la médecine du travail et l’application du principe de précaution par les employeurs. Pour l’instant, l’effort des syndicats concernant les ondes porte surtout sur le wi-fi et la téléphonie mobile. « Les salariés de l’AFP ont obtenu l’annulation du projet d’installation d’un réseau wi-fi, contrairement à ceux de Renault Trucks », raconte Éric Beynel, animateur de la commission santé-conditions de travail de Solidaires, qui a commencé à plancher sur le sujet au niveau interprofessionnel il y a deux ans. Le syndicat s’inquiète également de l’utilisation du téléphone mobile par les contrôleurs de la SNCF et de certains appareils fortement émetteurs au CNRS.

Aucune action syndicale n’est menée pour l’instant dans l’industrie, où l’INRS a classé les équipements les plus rayonnants en huit familles : le soudage par résistance, les magnétiseurs, le chauffage par induction, la magnétoscopie, le soudage haute fréquence, l’électrolyse, l’imagerie par résonnance magnétique et les micro-ondes. « Une enquête a permis d’estimer qu’au moins 100 000 opérateurs sont susceptibles d’être exposés aux champs électromagnétiques en France », détaille Philippe Demaret, technicien de mesures à l’INRS.

Un groupe constitué d’experts de l’INRS et des neuf centres de mesures physiques des Carsat a évalué que, dans sept familles d’équipements sur huit, 25 % à 50 % des mesures donnaient des valeurs de champs supérieures à la VDA (valeur déclenchant l’action recommandée par la directive de 2004).

« Les résultats de cette enquête démontrent la nécessité de moyens de prévention », souligne Patrice Donati. INRS et Carsat ont proposé à plusieurs entreprises de prendre en charge financièrement des aménagements permettant de réduire l’exposition. C’est le cas chez Pronal, fabricant de réservoirs en PVC près de Lille.

« Sur nos sept soudeuses haute fréquence, une a été équipée d’un patin de masse qui a permis de réduire les émissions moyennes de 500 V/m à 75 V/m, explique Jacques Vieren, responsable maintenance. Nous avons aussi acheté une nouvelle machine qui rayonne beaucoup moins. » Depuis trois ans, l’entreprise HFTI est intervenue pour réduire le rayonnement dans une centaine d’entreprises et de CAT, à la demande de INRS et de Carsat. « Les travaux coûtent 5 000 à 20 000 euros par machine, calcule Nolwenn Guerlava, assistante technique. Les PME ne peuvent pas toutes faire les aménagements rapidement. »

D’autres solutions sont envisageables : l’éloignement du poste de la source rayonnante, la formation et l’information des travailleurs, la délimitation de zones d’accès, la protection individuelle ou le blindage. Des mesures parfois simples qui peuvent être prises avant l’échéance de juillet 2016.

1) Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants.

2) Téléchargeable sur <www.inrs.fr>

3) Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

L’ESSENTIEL

1 Une directive européenne votée en juin 2013 pour protéger la santé des salariés des ondes électromagnétiques devra être appliquée d’ici à juillet 2016.

2 Dans l’industrie, 100 000 opérateurs sont exposés à des champs électromagnétiques, selon l’INRS.

3 Avec la diffusion croissante du wi-fi et de la téléphonie mobile, les syndicats commencent à s’intéresser aux effets de ces ondes sur la santé des salariés.

Une obligation de prévention des risques repoussée à 2016

« Aujourd’hui, en France, il n’existe pas de réglementation sur les champs électromagnétiques en milieu professionnel comme dans le domaine public », remarque Patrice Donati, de l’INRS. La directive européenne 2004/40/CE, visant à protéger les salariés des risques des champs électromagnétiques, aurait dû entrer en vigueur le 31 octobre. Mais le Parlement et le Conseil européen en ont adopté une nouvelle en juin (2013/35/UE), repoussant les mesures contraignantes à juillet 2016.

Ce nouveau texte propose des prescriptions minimales plus réalistes, en interdisant toutefois toute régression dans les États les plus protecteurs : il s’agit de valeurs limites d’exposition (VLE) et de valeurs déclenchant l’action (VDA) fondées sur les recommandations de la CIPRNI (1). Les effets à long terme ne sont pas visés, faute « d’éléments probants qui permettent d’établir un lien de causalité ».

Les entreprises devront effectuer une évaluation des risques « proportionnée à la situation sur le lieu de travail ». Des guides pratiques donneront des indicateurs et des situations types pour aider les employeurs à remplir leurs obligations.

Auteur

  • CATHERINE SANSON-STERN