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Les RH de proximité reviennent sur le terrain

Pratiques | publié le : 19.11.2013 | DOMITILLE ARRIVET

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Les RH de proximité reviennent sur le terrain

Crédit photo DOMITILLE ARRIVET

Il aura fallu que certaines grandes entreprises assistent - éberluées - à des vagues de suicides parmi leur personnel pour que, bien tardivement, elles s’inquiètent de la fracture créée avec les équipes dirigeantes. Depuis trois ans, certaines ont fait des efforts pour se rapprocher davantage des salariés en envoyant sur le terrain des contingents de “RH de proximité”. Une intervention salutaire.

« Pendant les années 2000, la course à la performance était allée trop loin, analyse Jean-Marie Peretti, chercheur en RH et professeur à l’Essec. Le responsable des ressources humaines était considéré comme un “business partner”, on privilégiait la relation RH-dirigeants au détriment de la RH de terrain. En mutualisant les services RH, en créant des plates-formes, des intranets, les entreprises cherchaient des gains de productivité. La GRH avait perdu son H. Le retour de balancier a eu lieu quand on a constaté les risques psychosociaux qui ont suivi : l’absentéisme, les suicides… On a alors cherché à décharger les RRH des tâches administratives pour qu’ils soient plus proches des salariés », retrace-t-il.

Constitution d’agences RH chez Renault

Ce fut le cas de Renault qui, à la suite du suicide de trois salariés dans le Technocentre de Guyancourt en 2006 et 2007, a déployé les premières actions en faveur de la réconciliation RH-salariés, donnant naissance aux RH de proximité. Dès cette date, le constructeur mobilisait dans l’urgence 10 millions d’euros et une quarantaine de responsables des ressources humaines supplémentaires pour venir au chevet des 15 000 salariés de Guyancourt et des autres sites d’ingénierie franciliens. « À cette époque, les salariés nous ont dit : “On ne voit plus les ressources humaines. On ne sait plus qui est notre interlocuteur” », se souvient Jean-Christophe Sciberras, le président de l’ANDRH, qui était à cette époque le DRH de ces établissements chez Renault. Chaque salarié a alors reçu un courrier avec le nom et le numéro de téléphone de la personne des RH responsable de son dossier ! Un premier pas…

En 2010, Renault a franchi un pas de plus en déployant, à titre expérimental en Ile-de-France, huit “agences RH”. Des sortes de petites boutiques dont les salariés peuvent à tout moment pousser la porte pour poser une question d’ordre administratif - GPEC, paie, mobilité, retraite… - ou autre. « Nos responsables d’agence ont aussi pour mission de créer un lien supplémentaire avec les salariés. Elles doivent avoir un sens du client [sic] très développé. Pour cela, elles ont suivi une formation à la relation clientèle, avec un volet gestion du stress, parce que les agences RH cristallisent parfois le mécontentement de certains collaborateurs », confie Catherine Faure, chef du service des agences RH.

Pour autant, pas question que cet accès facilité à des spécialistes de l’administration du personnel supplante les relations individualisées : « La gestion individuelle est toujours l’affaire des responsables RH, qui peuvent maintenant rester concentrés sur leur mission », précise Catherine Faure. Les premiers résultats sont encourageants : l’an dernier, les agences ont répondu à 12 000 questions posées de visu ou sur la plate-forme Internet dédiée. Et, en mars 2014, l’enquête de motivation menée tous les deux ans auprès des 127 000 salariés devrait permettre au constructeur de décider s’il déploie ces agences RH sur les autres sites du groupe.

France Télécom : 200 postes créés

À la même époque, en 2010, France Télécom-Orange annonçait également la création de 200 postes de RH de proximité. « La rationalisation de l’organisation et la réduction des effectifs étaient alors les priorités. Elles avaient conduit à un éloignement de l’entreprise, que les salariés déploraient, analyse Christine Lanoë, la DRH. Les RH de proximité ont eu pour mission de traduire le changement de l’entreprise. D’un responsable RH pour 600 salariés, nous sommes passés à un pour 400 ou même 300. » Pour la plupart recrutés en interne, dans les services RH ou dans d’autres métiers, les nouveaux RH de proximité ont reçu une formation de douze jours aux fondamentaux techniques. En parallèle, une simplification des processus administratifs leur a permis d’être plus présents auprès des équipes, salariés puis managers.

Le maillage auprès des salariés est aujourd’hui bien resserré : les RH travaillent en concertation avec les médecins du travail, les ingénieurs formation, les assistantes sociales et les managers. Un système qui porte ses fruits : depuis le premier baromètre social bisannuel qu’Orange a instauré en 2010, le nombre de salariés satisfaits a grimpé de 24 points. « Nous n’avons pas calculé le coût de cette mise en place, car elle était nécessaire. Ne pas avoir de contact avec les salariés avait aussi un coût, bien plus important », reconnaît la DRH.

Au groupe La Poste, la question des RH de proximité fait l’objet de toutes les attentions depuis 2012 seulement, mais les grandes décisions ont été inscrites directement dans l’accord sur la qualité de vie au travail signé en janvier 2013. « Cela correspond à un besoin profond et durable d’attention portée aux personnes, explique Dominique Bailly, directeur de la performance et de la prospective RH. Nous avons voulu rééquilibrer la répartition entre gestion du personnel et relation humaine. » Quatre mois après la signature de l’accord, 40 % des postiers déclaraient dans un baromètre social qu’ils avaient déjà observé des signes de changement suite aux mesures annoncées, et 60 % considéraient les RH plus accessibles et plus faciles à joindre.

Il faut dire que le groupe n’a pas lésiné sur les moyens en déployant un millier de responsables RH de proximité, dont 650 dans les établissements en région. « Chaque postier s’est vu attribuer un interlocuteur qui pouvait à la fois le renseigner sur tous les sujets tels que les congés, le DIF, la mobilité, etc., mais aussi une personne de confiance avec laquelle on lie une relation différente d’avec un chef d’équipe », explique Dominique Bailly. Pour ce faire, les postiers appelés à exercer ce nouveau métier ont reçu une formation de cinq jours et ont été mis en réseau afin de partager leurs expériences. « Nos responsables RH de proximité ne vont pas seulement s’emparer des sujets qu’on leur confie. Leur rôle est d’aller au-devant du salarié. Chez nous, cette pratique à grande échelle est récente, on se donne le droit de progresser en marchant », complète le directeur de la prospective RH.

Question de qualité de vie au travail

Tout indique que le lien nouvellement renoué entre les salariés et leurs responsables des ressources humaines ne devrait pas se distendre à nouveau. « La notion de RH de proximité continuera de prendre de l’ampleur, parce que la question de la qualité de vie au travail relève maintenant d’un vrai mouvement, analyse Jean-Christophe Sciberras. Les salariés ont besoin de voir leur RH seul, indépendamment du manager ou des rendez-vous annuels avec la hiérarchie. Ils ont besoin de parler, parce qu’une entreprise, c’est complexe, ça bouge. » Un optimisme que le président de l’ANDRH tient à nuancer : « Malgré tout, ce n’est pas gagné. Derrière ces bonnes résolutions, la vie continue : les ratios RRH-salariés sont sans cesse challengés par les directions générales. Or un RH de proximité, ça coûte, même si c’est la performance collective qui se joue là. »

L’ESSENTIEL

1 La recherche de productivitéau sein des services RH a eu pour conséquences de réduire le personnel de la fonction et de l’éloigner du terrain.

2 À la suite de vagues de suicides, notamment chez Renault et à France Télécom, les directions ont redéployé des effectifs RH au plus près des salariés.

3 Le responsable RH de proximité est désormais davantage présent auprès des managers et des salariés, dont la satisfaction s’est d’ailleurs exprimée dans les derniers bilans sociaux des entreprises concernées.

Auteur

  • DOMITILLE ARRIVET