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TRANSITION, INTÉRIM : VERS UN DRH FLEXIBLE ?

Enquête | publié le : 24.12.2013 | VIOLETTE QUEUNIET

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TRANSITION, INTÉRIM : VERS UN DRH FLEXIBLE ?

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Le management de transition séduit à la fois les entreprises confrontées à des besoins ponctuels de compétences pointues et des professionnels aguerris, de plus en plus nombreux sur le marché de l’emploi. Cette activité particulière est de mieux en mieux organisée, et les DRH sont parmi les plus recherchés de ces experts en mission. Avec de sérieux avantages à faire valoir, mais aussi, parfois, un risque juridique susceptible de peser sur les décisions qu’ils prennent au nom de l’employeur.

Rien, au premier abord, ne le distingue d’un DRH classique : il travaille à temps plein, préside le comité d’entreprise, rencontre les organisations syndicales, discute avec les salariés à la machine à café, déjeune à la cantine. La différence ? Dès son entrée dans l’entreprise, il sait qu’il la quittera dans six mois, neuf mois, peut-être un peu plus. Et il la quittera en l’ayant transformée : selon les cas, il aura harmonisé les statuts suite à une fusion, amélioré le climat social, créé la fonction RH et formé son successeur, mené un plan social. Lui, c’est le DRH de transition, une espèce encore rare, mais qui pourrait se développer.

Selon la Fédération nationale des managers de transition (FNMT), le marché de ce type de management a progressé en France de 20 % entre 2011 et 2012. Le nombre de missions réalisées est estimé à 2500 par an, dont 17 % dans les RH. Pas de phénomène de masse, donc, puisque les fonctions exercées sont de très haut niveau, mais une tendance de fond.

Pour Anne-Marie Cambourieu, DRH du groupe de production de câbles Nexans, qui y recourt régulièrement en RH, notamment en attente d’un recrutement, « une des raisons du succès du management de transition vient de l’accélération du rythme des entreprises : six à huit mois, c’est une période énorme dans leur vie, quasiment un cycle ». Impossible de reporter des projets pendant ce laps de temps.

Des ressources qui font défaut en interne

Or, complète Emmanuel Buée, dirigeant associé du cabinet de management de transition H3O, « les entreprises ont réduit fortement les strates managériales et n’ont plus en interne de ressources disponibles pour conduire des projets. En revanche, ces ressources sont présentes sur le marché, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Le métier de manager de transition n’existerait pas sans cela ».

Enfin, l’internationalisation des entreprises booste le marché. Dans les directoires, les administrateurs anglais, allemands ou néerlandais préconisent à leurs collègues français cette pratique installée de longue date dans leurs pays. « Nous travaillons beaucoup avec des entreprises étrangères qui s’implantent en France. Les DRH à profil international sont également très recherchés pour travailler à l’étranger », confirme Bruno Colomb, associé du cabinet X-PM.

La formule séduit les entreprises qui disposent, en un temps record, de managers surqualifiés, qui s’intègrent vite dans les équipes. Le coût est élevé – 100 000 à 150 000 euros bruts annuels pour un DRH, hors commission du cabinet, s’il n’est pas indépendant. « Suivant les fonctions, il faut compter deux fois un salaire normal. Mais la question à se poser est de savoir combien cela vous coûte de ne pas avoir de DRH, en pleine réorganisation », observe Éric Gaétan, directeur général tourisme européen de Bridgestone Ouest, qui a fait appel à une DRH de transition pendant quatorze mois (lire p. 24).

Une insécurité juridique majeure

Pourtant, le recours à un cadre dirigeant à durée déterminée pose quelques problèmes. Avocat en droit social, Sylvain Niel estime qu’il existe une insécurité juridique majeure (lire p. 26). « Le cadre juridique d’intervention est hétérogène et c’est un des sujets que nous traitons dans notre fédération », confirme Pierre van den Broek, président de la FNMT.

Plus dérangeante encore, l’image véhiculée par les DRH de transition. Même si les cabinets assurent que les PSE ne représentent que 15 % des missions RH, certains managers ont acquis une réputation de mercenaires exécuteurs des basses œuvres.

Au-delà de ces situations de crise, le turnover de la fonction RH peut être perturbant. « Le DRH doit être le garant d’une certaine stabilité dans les organisations. Le fait qu’il soit embauché sur une mission précise et de courte durée n’aide pas. Un DRH qui change souvent, c’est un problème », estime Jean-Luc Molins, secrétaire national de l’Ugict-CGT. « Il est logique d’inscrire l’action d’un DRH dans la durée. Souvent, le corps social a lui-même une mémoire de l’histoire de l’entreprise que le DRH n’a plus du fait d’un relatif turnover à ce poste, constate Jean-Christophe Debande, directeur de projets à Entreprise & Personnel. Pour autant, la longévité d’un DRH n’est pas toujours le gage de sa capacité à préparer au mieux l’entreprise qu’il sert à ses enjeux. Ce qui primera alors, chez un DRH de transition, sera sa capacité à apporter, malgré tout, une certaine vision de l’avenir et à en jeter les bases. »

Paradoxalement, la position particulière de ce manager peut mieux servir la fonction RH, comme l’affirme Stéphane Rostand, DRH de transition : « On est souvent davantage écouté par le directeur général. Notre passage permet de renforcer la fonction RH auprès des membres de la direction, qui ont parfois du mal à travailler avec un DRH. »

L’avenir est-il au DRH flexible ? Il serait plutôt à la coexistence, dans les équipes RH, de managers en mission et du DRH en titre. Un cas de figure déjà courant chez plusieurs clients de Robert Half Management Resources, selon sa directrice, Karine Doukhan : « Lorsque l’entreprise propose à son DRH France un projet transversal à l’international, il est remplacé pendant ce temps par un cadre intérimaire de haut niveau. Ou si le DRH doit conduire un projet de SIRH, un expert du domaine renforcera l’équipe. »

Par ailleurs, même si le management de transition présente une opportunité d’emploi pour les DRH seniors, il nécessite un profil bien particulier (lire p. 25). « Peu de dirigeants peuvent mener à bien leur mission sans vision précise de leur avenir ensuite. Il faut avoir une disposition d’esprit particulière, on est aux manettes pendant un temps, la réussite tient lieu de projet professionnel », observe Pierre van den Broek.

De même que les directeurs de systèmes d’information et les financiers, les DRH font, en tout cas, partie du trio gagnant des managers de transition les plus demandés. De quoi stimuler des vocations.

L’ESSENTIEL

1 Les entreprises françaises ont de plus en plus recours aux managers de transition. Parmi eux, les DRH sont souvent demandés pour des opérations ponctuelles visant à transformer l’organisation.

2 Très expérimentés, surqualifiés, s’intégrant très rapidement, ils sont une solution idéale pour les entreprises en mal de flexibilité.

3 Le développement du métier se heurte encore à certains freins juridiques et psychologiques. L’exercice de ce métier en CDD nécessite un profil particulier et réinterroge la fonction RH, traditionnellement repère de stabilité.

L’intérim stable pour les cadres RH

Près de 10 000 équivalents temps plein : c’est le nombre de cadres intérimaires en 2012*, dont 25 % environ dans les RH. Fonctions occupées : RRH généraliste, responsable relations sociales, chargé de recrutement, de formation… pour un équivalent de salaire annuel de 45 000 à 70 000 euros. Deux motifs sont récurrents : le remplacement de congés de maternité et le surcroît de travail. « La fonction RH, transversale, se prête bien à l’intérim. Nos intérimaires sont soit des jeunes diplômés sur des fonctions non généralistes, soit des personnes très confirmées. Pour eux, c’est une tranche de vie entre deux CDI », indique Florence Paul-Leblache, responsable du pôle tertiaire de Talent People. Elle ne constate cependant pas une hausse de la demande de la part des clients. « La fonction est stable d’une année à l’autre, même si le taux de transformation en CDI chez le client s’est effondré en 2013 », constate-t-elle.

Une chose est sûre : l’intérim n’est pas boudé par les professionnels des RH. « L’intérim, dans un CV, démontre une meilleure employabilité des candidats. Ils veulent être en activité, ils enchaînent les missions pour se vendre beaucoup mieux lorsque se présente un CDI », observe Karine Doukhan, directrice de Robert Half Management Resources. Ce cabinet s’est positionné également sur l’intérim à haute valeur ajoutée, autrement dit sur le management de transition. Sur la cinquantaine de missions RH effectuées chaque année, 20 % le sont en management de transition, où la demande est en hausse. Les cadres délégués en mission font l’objet d’un accompagnement spécifique, à l’instar des cabinets historiques spécialisés dans le management de transition.

* Source : rapport annuel Prisme 2012.

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  • VIOLETTE QUEUNIET