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50 000 collaborateurs connectés

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 07.01.2014 | STÉPHANIE MAURICE

Depuis 2009, le groupe agroalimentaire français travaille en mode 2.0 avec une plate-forme favorisant le partage d’expérience entre ses différentes entités dans le monde entier. L’outil, qui va bénéficier d’une application mobile, a déjà séduit près de la moitié de l’effectif.

Danone a été l’un des premiers acteurs français à utiliser un réseau social interne pour connecter ses 102 000 collaborateurs, éparpillés dans 120 pays. Aujourd’hui, il ne le regrette pas. La plate-forme compte 50 000 utilisateurs, et chaque document mis en ligne est téléchargé 95 fois en moyenne. Le groupe agroalimentaire prévoit même d’accélérer son développement avec une application pour les mobiles. Objectif : élargir l’accès à tous les salariés du groupe.

Toucher tout le monde

« Lors de la première étape, nous étions dans une logique très “ordinateur”, alors qu’une grande partie de notre population n’est pas sédentaire ou travaille dans des usines ou des entrepôts, analyse Nicolas Rolland, directeur de la transformation numérique. Nous n’arrivions pas à toucher tout le monde. » Un constat confirmé par Marie-Anne Jourdain, déléguée syndicale CGT au siège : « Le but officiel – le partage d’expérience – est louable, mais, en France, les salariés ne se sont pas saisis de l’outil. Plus de la moitié n’ont pas accès à ces données, beaucoup sont opérateurs sur machine dans les usines. Avoir leur point de vue permettrait pourtant d’enrichir le réseau. »

Autre raison évoquée : la démocratisation du smartphone, et l’utilisation des tablettes numériques chez les cadres dirigeants. « Nous devions changer de braquet, poursuit Nicolas Rolland. L’évolution de l’utilisation des réseaux sociaux a été plus rapide à l’extérieur qu’en interne. Aujourd’hui, un commercial doit pouvoir, avec son mobile, prendre en photo une publicité mise en place dans un magasin et la partager immédiatement. » Des usages devenus courants, auxquels doit s’adapter le projet “Dan 2.0”. Marie-Anne Jourdain a un avis plus nuancé : « Le salarié ne doit pas utiliser un outil personnel pour une application professionnelle », estime la syndicaliste, qui approuve néanmoins l’ouverture vers le partage de vidéos et de tutoriels filmés. Ce qui lève la barrière de l’écrit et facilite les échanges.

Succursales autonomes

En 2008, quand Danone entame la réflexion sur son réseau interne, Facebook n’a pas encore d’édition française et Twitter en est à ses premiers gazouillis. « Nous ne sommes pas entrés dans ce modèle pour le plaisir de faire du réseau social : cela répondait à la culture de l’entreprise et à une problématique business », précise Nicolas Rolland. Il faut dire que l’entreprise a un mode de fonctionnement décentralisé, avec une autonomie des différentes succursales du groupe. D’où la nécessité de mettre en place des processus de partage d’expérience pour connaître les innovations, les solutions développées par les uns et par les autres.

À l’époque, l’envoi de 2 000 questionnaires à des collaborateurs permet de dégager quatre utilisations attendues de l’outil : se trouver et se contacter facilement ; avoir des espaces numériques de collaboration pour les équipes distantes ; trouver une solution rapide à un problème courant ; utiliser les ressources internes pour réfléchir ensemble sur une problématique complexe. Danone choisit de s’appuyer sur l’annuaire électronique interne, son “Who’s who”, pour développer ces usages propres à un réseau social.

Domaines d’expertise

« Cet annuaire collaboratif a proposé deux fonctionnalités simples, rappelle Nicolas Rolland. Chacun pouvait présenter ses domaines d’expertise et son savoir-faire, et créer librement des communautés sur des thématiques précises. » S’y est greffé le message in the bottle, déjà testé en séminaires. Chacun peut indiquer le problème qu’il rencontre, en espérant qu’une personne dans le groupe dispose d’une solution. Avec un petit plus, souligné par Nicolas Rolland : « Nous avons fait en sorte de connecter des personnes ayant des problèmes à celles s’étant déclarées compétentes sur le sujet. »

Le premier bénéfice du réseau est immédiat : c’est la baisse du nombre de mails échangés. Un seul texte posté, et tous les inscrits le reçoivent. Ensuite, il a accéléré le partage des bonnes pratiques grâce aux 1 500 communautés créées. Ces communautés peuvent être ouvertes à tous, accessibles sur invitation, ou réservées à un nombre restreint d’utilisateurs. Dans ce dernier cas, elles sont invisibles au reste des collaborateurs pour préserver leur caractère confidentiel. Une option que regrette Marie-Anne Jourdain. « Ce n’est pas comme cela qu’on va casser les silos, ces pratiques qui font que les DRH ne parlent qu’aux DRH, les financiers qu’aux financiers. Il faut briser cette défiance qui existe entre les métiers et entre les catégories statutaires », insiste la déléguée CGT, qui milite pour des communautés ouvertes et visibles.

Autre bémol de sa part : le faible nombre de communautés réellement actives. Ce qui la renforce dans l’idée d’un réseau social moins utilisé que ne le dit la direction. Une interprétation que ne suit pas Ziryeb Marouf, directeur de l’Observatoire des réseaux sociaux d’entreprise. Et de prendre l’exemple du réseau professionnel LinkedIn où, « en regard de la totalité des groupes créés, la part des communautés qui fonctionnent est relativement réduite ».

Compétence managériale

Par ailleurs, ajoute-t-il, « quand un collaborateur crée une communauté, il se sent acteur d’un tout, et c’est déjà très bien en termes de culture d’entreprise. Ensuite, ce sont les communautés les plus malignes qui émergent, et celles-là valent vraiment le coup. Les fausses bonnes idées meurent, et ce n’est pas si grave ». Danone a eu l’intelligence de ne pas imposer le nouvel outil. L’entreprise n’a pas non plus proposé de prime aux collaborateurs qui acceptent d’animer une communauté. Cependant, « c’est une compétence managériale que le groupe souhaite déployer », confie Nicolas Rolland.

Auteur

  • STÉPHANIE MAURICE