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Les pères seront-ils séduits par le congé parental ?

Actualités | publié le : 28.01.2014 | EMMANUEL FRANCK

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Les pères seront-ils séduits par le congé parental ?

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Afin d’encourager les mères en congé parental à revenir sur le marché du travail, les députés veulent inciter les pères à davantage demander ce congé.

Les députés ont voté, ce 28 janvier, le projet de loi “pour l’égalité entre les femmes et les hommes”. Le texte, qui était examiné en première lecture, pourrait être définitivement adopté d’ici « à la fin du premier semestre », fait-on savoir au ministère des Droits des femmes. Réforme du congé parental, fusion des négociations sur l’égalité salariale, appels d’offres publics réservés aux entreprises respectueuses de leurs obligations, enrichissement du rapport de situation comparée (RSC), achat de chèques emploi service (Cesu) avec le compte épargne-temps (CET), plusieurs dispositions du texte intéressent les employeurs. Certaines auront des incidences directes dans les entreprises, d’autres posent simplement des principes.

Congé partagé

Une partie du complément de libre choix d’activité (CLCA), rebaptisé prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare), qui rémunère le congé parental, serait réservée au second parent. Ainsi, les parents de deux enfants bénéficieraient, comme actuellement, d’un congé parental de trois ans, mais partagé en deux : deux ans et demi pour le premier parent et six mois pour le second – le père, par hypothèse. Même principe pour les parents d’un seul enfant : six mois pour le premier parent, six mois pour le second, ce qui revient à doubler la durée totale du congé parental. Ces durées seront toutefois précisées par décret.

Le premier objectif de cette disposition, explique le ministère, est d’accroître le niveau d’emploi des femmes. À peu près tous les experts sont d’accord pour dire que le congé parental est trop long et éloigne les femmes du marché du travail, surtout les moins qualifiées. En effet, 96 % des bénéficiaires actuels du CLCA sont des femmes ; sur 540 000 bénéficiaires, il n’y a que 18 000 pères. En raccourcissant de six mois la première partie du congé parental, le gouvernement espère donc que les femmes qui en bénéficient seront plus nombreuses à reprendre un emploi. Rachel Silvera, maître de conférences à l’université Paris-10 et membre du Conseil supérieur de l’égalité*, estime cependant qu’un congé parental de deux ans et demi « reste trop long pour maintenir un lien avec le travail ».

Le deuxième objectif de cette réforme est de « favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales ». Le déséquilibre en défaveur des femmes, qui assurent les trois quarts des tâches domestiques, pèse sur les carrières de ces dernières et sur leur salaire, qui baisse de 10 % lorsqu’elles ont un enfant. L’équilibre de la charge parentale et l’égalité professionnelle iraient donc de pair. Le gouvernement espère que 100 000 pères prendront leur congé parental d’ici à 2017. « Je doute toutefois que les couples arbitrent en ce sens si le congé parental est toujours rémunéré 572 euros par mois au mieux comme actuellement », estime Rachel Silvera. Ce sera encore plus vrai si la prestation baisse pour les hauts revenus.

Par ailleurs, en l’état actuel du texte, les deux parents auraient la possibilité de prendre leur congé parental « simultanément », ce qui ne va pas dans le sens d’une implication des pères dans les tâches parentales et pose en outre un problème de garde en attendant les trois ans de l’enfant.

Il est à noter que le contrat de travail d’un homme ne pourrait être rompu au cours des quatre semaines qui suivent la naissance de son enfant. Et que, par ailleurs, le compte épargne-temps pourrait servir à financer des chèques emploi services universel.

Obligations de négociation allégées

Le projet de loi prévoit également de fusionner la négociation obligatoire sur les salaires et le temps de travail (L. 2242-8) avec celle sur la suppression des écarts de salaires hommes-femmes (L. 2242-7). Cette mesure vise à alléger les obligations de négociation des entreprises, fait-on savoir au ministère. En revanche, la négociation sur l’égalité professionnelle (L. 2242-5) demeurerait. Par ailleurs, le rapport de situation comparée serait enrichi, puisqu’il porterait non plus sur neuf domaines mais sur onze, la sécurité et la santé s’ajoutant aux précédents.

Autre disposition du projet de loi : l’interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises qui ne satisfont pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. Il s’agit, explique le ministère, de rendre effectives les politiques des pouvoirs publics. Pratiquement, les entreprises ne devraient cependant pas être empêchées d’accéder aux marchés publics, puisqu’il leur suffira de démontrer qu’elles ont commencé à s’exécuter.

La loi devrait également comporter deux dispositions sans incidences immédiates sur la vie des entreprises ni sur celle des salariés, mais importantes sur le plan des principes. Tout d’abord, l’évaluation de risques pour la santé et la sécurité des salariés (L. 4121-3) devrait dorénavant tenir compte de « l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ».

Égalité salariale pour un travail de valeur égale

Il était également prévu que, dans les branches où apparaissent des écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes, les classifications soient revues pour « garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariés ». Sont implicitement visées les compétences qui ne sont pas reconnues actuellement et qui concernent des métiers majoritairement exercés par des femmes (complexité relationnelle de la tâche, multidimension du poste, exigences organisationnelles…). Le but étant de réaliser l’égalité salariale pour un travail de valeur égale. Cette notion a été popularisée – mais apparemment pas assez – par un guide du Défenseur des droits publié l’année dernière et rédigé notamment par Rachel Silvera (lire Entreprise & Carrières n° 1134 du 11 mars 2013). La disposition a été rejetée, y compris par la ministre des Droits des femmes, au motif que le Code du travail interdit déjà les classifications discriminantes. En l’occurrence, cet article de la loi visait les discriminations indirectes.

*Auteure d’Un quart en moins. Des femmes se battent et obtiennent l’égalité des salaires, éditions La Découverte, publication prévue le 6 mars.

L’ACTION COLLECTIVE ATTENDRA

Après avoir envisagé d’introduire par amendements les préconisations du rapport Pécaut-Rivolier contre les discriminations dans la loi sur l’égalité, le gouvernement y a finalement renoncé.

La possibilité pour les syndicats de créer une action collective, l’anonymisation des feuilles de paie produites devant le juge pour démontrer une discrimination, l’instigation du procureur de la République comme autorité relais du Défenseur des droits, de l’inspection du travail et de l’Anact n’auront donc pas force de loi. S’agissant de l’action collective, le sujet « n’était pas mûr », fait-on savoir au ministère.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK