logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

EspagneLES PARTENAIRES SOCIAUX FREINENT SUR LES SALAIRES

Pratiques | International | publié le : 28.01.2014 | VALÉRIE DEMON

La négociation salariale dans les branches professionnelles est encadrée de plus en plus sévèrement depuis 2012 par un accord triennal passé entre les confédérations syndicales et le patronat au niveau national. Il recommande, à dater de 2014, une nouvelle mesure d’indexation des salaires, sur le PIB et non plus sur les prix.

Cette année, pour la première fois, la détermination des hausses de salaires en Espagne sera liée à l’évolution du produit intérieur brut. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les salariés, d’autant qu’il ne s’agira pas d’un jeu de parité : si le PIB augmente par exemple de 1 %, la recommandation des partenaires sociaux pour les négociations de branche sera de 0,6 %. Un calcul moins avantageux que celui qui prévalait jusqu’en janvier 2012 : la hausse des salaires était alors déterminée en fonction l’indice des prix à la consommation (IPC).

Mais cette date a marqué une étape dans la négociation collective sur les accords salariaux. À l’époque, les salaires continuaient de progresser alors que l’Espagne était déjà plongée dans une terrible crise. Cette situation d’urgence pousse les partenaires sociaux à s’entendre sur une modération des salaires. Ils trouvent un accord pour encadrer les négociations de branche et d’entreprise entre 2012 et 2014.

Leurs recommandations sont de plafonner les augmentations à + 0,5 % pour 2012 et à + 0,6 % pour 2013, puis d’introduire la référence au PIB pour la dernière année. Deux ans après, tirer le bilan de ce grand accord est malaisé. Entre un changement du système de registre des accords de branche et une télématisation des données, les statistiques du ministère du Travail restent partielles, estiment d’un commun accord les acteurs sociaux. Mais la tendance à la modération est nette dans les accords enregistrés par le ministère du Travail : + 1,21 % en 2012 contre + 2,29 % en 2011 pour une inflation respective de 2,9 % et de 2,4 %. « Entre la crise et l’accord que nous avons signé en 2012, les travailleurs ont enregistré une perte de pouvoir d’achat », reconnaît Rita Moreno, coordinatrice de l’action syndicale et des politiques sectorielles du syndicat Commissions ouvrières.

Faible hausse

Sur 2013, selon des données provisoires, la hausse moyenne prévue par les accords s’élève à 0,57 %. L’évolution est encore plus faible pour les accords d’entreprise : + 0,37 %. La confédération patronale CEOE a réalisé une statistique interne pour mesurer l’ampleur de la désindexation sur 2013. Sur un échantillon de 841 accords concernant 5,7 millions de travailleurs, presque 49 % des accords incluaient une désindexation de l’indice des prix, soit plus de 51 % des travailleurs. Cinq ans plus tôt, seulement 17 % des accords étaient concernés, soit 14 % des travailleurs. Sur les 5 millions de travailleurs couverts par un accord en 2013, plus de 1,6 million ont vu leurs salaires gelés et, pour plus de 2 millions, l’évolution salariale atteint + 0,5 à + 0,99 %.

Diminution du coût du travail

« Mais ces statistiques recouvrent des réalités très différentes », fait remarquer Ana Isabel Herráez, chargée de la négociation collective et de l’emploi au sein de la CEOE. Une entreprise de transports urbains de Huelva de 144 travailleurs a par exemple fait passer une baisse des salaires de 30 %. D’autres facteurs entrent en ligne de compte : les accords peuvent prévoir la fin des cotisations aux mutuelles de santé, l’augmentation du temps de travail sans contrepartie salariale. Comme pour celui de Leroy Merlin, où l’obligation de travailler plus de dimanches n’est pas compensée. Dans l’accord de branche de la grande distribution, signé en février 2013, les salaires sont diminués et il n’y a plus de valorisation du travail les jours fériés. Une réalité que l’Institut national de la statistique reflète : le coût du travail diminue depuis cinq trimestres.

« Nous ne souhaitons pas que l’accord de 2012 se prolonge, il avait été pensé pour une situation exceptionnelle. Que va-t-il se passer pour les accords signés maintenant et qui se prolongeront jusqu’en 2017 ? », s’interroge Rita Moreno. La négociation sur un accord-cadre pour les négociations à dater de 2015 promet d’être rude. « Nous aimerions insister sur l’emploi, la formation et le réinvestissement des bénéfices », ajoute-t-elle. « Les syndicats aimeraient faire progresser les salaires pour réactiver l’économie. C’est un débat de fond », lâche Ana Isabel Herráez.

Auteur

  • VALÉRIE DEMON