Le moral des Français est en berne. La “France d’en bas”, notamment, souffre d’un déficit de reconnaissance qui tend à faire dériver nombre d’électeurs, enragés de n’être jamais ni écoutés ni entendus, vers le Front national. Selon l’auteur, professeur au Collège de France, la démocratie représentative est prise dans une contradiction essentielle : d’un côté, chacun a des droits et peut faire entendre sa voix électorale, de l’autre, ce processus électoral condamne à faire nombre sans que les individualités soient reconnues : le peuple se résume à un fait arithmétique. L’épaisseur du monde social s’efface et les individus concrets se sentent ignorés par la machine politique.

Reprenant la tradition d’enquêtes sur le quotidien tel que le projet en avait déjà été conçu par des auteurs aussi différents que Pierre Bourdieu (La Misère du monde) ou Florence Aubenas (Quai de Ouistreham), l’auteur présente ici sa collection d’ouvrages consacrée à la vie concrète et professionnelle des travailleurs, par opposition à la vie abstraite du seul citoyen de droit.

Ce projet, accompagné d’un site Internet intitulé “Raconter la vie”, a pour ambition de réparer en quelque sorte le tort social et moral fait aux individus en leur permettant de sortir de l’anonymat, de s’exprimer et, ainsi, d’aider à poser les linéaments d’une vraie solidarité fondée sur l’interconnaissance des uns et des autres. Selon l’auteur, c’est l’ensemble de la société qui devrait y gagner.

Le Parlement des invisibles

Pierre Rosanvallon, Seuil, 80 pages, 5,90 euros.