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Enquête

L’ACCORD SUR LES DÉPARTS VOLONTAIRES RETOQUÉ

Enquête | publié le : 11.02.2014 | LYDIE COLDERS

Une première. Malgré un accord d’entreprise majoritaire, la direction du Travail a refusé de valider le plan de départs anticipés volontaires du fabricant de lingerie, jugé discriminant par l’âge.

Maladresse juridique ? Fait rarissime, le plan de départs volontaires de Chantelle a été retoqué le 26 septembre dernier par la Direccte Ile-de-France pour discrimination par l’âge. L’entreprise avait pourtant signé un accord majoritaire le 10 septembre avec la CGT, ciblant les départs volontaires des salariés les plus âgés. Mais avec des critères drastiques : les opérateurs visés devaient justifier de trente ans d’ancienneté chez Chantelle et occuper un poste pénible ou avoir exercé un poste reconnu pénible pendant dix ans au sein de l’entreprise. « Cette problématique d’usure et de démotivation des opératrices les plus âgées nous a été exposée par les syndicats lors d’une négociation sur l’organisation du travail », explique Nathalie Levy-Lafon, DRH de Chantelle.

50 ans en moyenne

Avec des salariés ayant une moyenne d’âge de 50 ans et une moyenne de trente-cinq ans d’ancienneté dans les deux usines de fabrication (à Lanester et à Épernay), « l’usure est bien réelle et, avec l’augmentation des tâches programmées par l’arrivée de nouvelles productions à l’usine de Lanester, certaines opératrices proches de la retraite souhaitaient partir », confirme Thierry Wagret, délégué CGT de Chantelle. Hostile au projet, la CFDT évoque de son côté un plan social déguisé. Avec ces critères, 115 salariés de Chantelle étaient potentiellement concernés par ces départs volontaires. « Ce qui revenait à diminuer de moitié les effectifs du site de Lanester, notamment. Nous redoutions la fermeture à terme », explique Maryse Tibulle, ex-déléguée CFDT de Chantelle. Si l’accord prend soin d’indiquer que ce plan de départs anticipés volontaires vise à « permettre à la société de se restructurer face à la concurrence et d’éviter les licenciements contraints », le syndicat ne s’en satisfait pas.

Refus de validation

Le 27 août, la CFDT alerte par courrier la Direccte, dénonçant un projet d’accord assimilable à un PSE et contraire aux dispositions de l’accord seniors signé en 2011.

Dans sa notification de refus de validation, l’administration enfonce le clou. Principal motif : l’accord jugé discriminant par l’âge, les critères d’ancienneté conduisant de façon indirecte, « à licencier par rupture amiable pour motif économique des salariés âgés au minimum de 46 ans, faiblement qualifiés et ayant peu de chances de retrouver du travail ». La direction du travail réfute aussi le critère sur la pénibilité du travail des opérateurs, jugé peu crédible, et note « l’absence de mise en place de conditions de travail adaptées pour assurer la protection des salariés âgés ».

Enfin, bien que la DRH de Chantelle affirme avoir présenté son projet d’accord à la Direccte en mai dernier et suivi ses recommandations du 29 août en renforçant le volet reclassement (allongement de la durée du congé de reclassement de quatre à six mois, enveloppe formation globale de 20 000 euros pour accompagner les reconversions), la Direccte évoque un budget formation largement « insuffisant au vu de l’impact potentiel de la réorganisation envisagée ». Et fustige un accord ne comprenant « aucune modalité sérieuse permettant de s’assurer de la réalité du projet du salarié », s’étonnant d’un des critères d’acceptation du volontariat, basé sur un simple engagement du salarié à rechercher activement un emploi. Une décision sévère, que Chantelle n’a pas contestée devant le tribunal administratif.

Comment l’entreprise a-t-elle pu en arriver là alors qu’elle s’était concertée avec les services du ministère du Travail ? Le risque de discrimination par l’âge n’avait-il pas été évoqué ? « Cela nous avait été signalé. Mais, au regard de notre situation, la Direccte a reconnu ne pas avoir d’autres critères objectifs que l’ancienneté et la pénibilité à nous proposer », assure Nathalie Levy-Lafon. Chantelle reconnaît avoir fait des erreurs avec ce projet d’accord.

Retrouver la paix sociale

Contrainte de faire machine arrière, la DRH a dû s’employer à tenter de restaurer la paix sociale. « Nous avons été avec les syndicats dans les usines expliquer au personnel les raisons de l’abandon des départs volontaires. Il a fallu aussi les rassurer sur le fait qu’il n’y aurait pas de licenciements contraints à venir. » Des messages difficiles à faire passer…

CHANTELLE

• Activité : fabrication de lingerie.

• Effectif : 2 200 salariés.

• Chiffre d’affaires : 200 millions d’euros en France en 2013.

Auteur

  • LYDIE COLDERS