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AutricheLE CONGÉ DE FORMATION, SOLUTION DE CRISE

Pratiques | International | publié le : 11.02.2014 | LUC ANDRÉ

La Bildungskarenz est devenue une martingale de l’employeur en temps de crise. Ce dispositif permet aux salariés de se former tout en étant payés par le Pôle emploi autrichien.

Avec l’accord de l’employeur, les salariés autrichiens peuvent s’absenter jusqu’à douze mois pour se former. Ils touchent durant cette période une allocation versée par le Pôle emploi local. L’entreprise augmente ainsi ses compéten­ces à bon comte. Mais ce congé formation offre aussi de la flexibilité pour passer les aléas.

« Avec la crise en 2009, nous avions des sureffectifs : mon cabinet n’a pas rechigné. » Le juriste viennois Johannes Müller peut ainsi démarrer une thèse de droit qui élargit ses perspectives dans une Autriche obsédée par les titres universitaires.

Son employeur, comme nombre d’autres, fait alors la découverte de cette Bildungskarenz, dispositif un peu confidentiel introduit à la fin des années 1990. Détournée quelque peu de son objectif initial (prévenir le chômage des moins qualifiés grâce à la formation professionnelle), la mesure offre un superbe instrument pour surmonter une conjoncture délicate. Ou donner du temps à ses collaborateurs pour se retourner avec un “plus” sur le CV.

Un nombre de bénéficiaires en hausse

Le salarié volontaire peut partir de deux à douze mois, et l’AMS (équivalent de Pôle emploi) lui verse entre 450 et 1 400 euros net mensuels*. Il bénéficie d’une couverture sociale, et la période de formation compte pour la retraite. Le prérequis est une inscription à une formation d’au moins 20 heures par semaine. L’entreprise fait l’économie de son salaire, et sa participation aux frais de formation est optionnelle. L’engouement pour la Bildungskarenz ne s’est pas tari depuis la fin de la crise. Le nombre de bénéficiaires est en hausse constante et approche les 17 000. Il comble un vide, selon Johannes Kopf, membre du directoire de l’AMS : « Les autres dispositifs concernent des formations très courtes : cours d’anglais, d’informatique, de comptabilité. » Et alors que l’employeur augmente les qualifications de son salarié, l’AMS améliore souvent ses statistiques, déjà les plus faibles en Europe, avec l’embauche d’un remplaçant.

Le départ doit néanmoins être soigneusement préparé par l’employeur. Si elle ne compte pas simplement embaucher, « l’entreprise doit considérer les ressources mobilisables. Quel collègue à temps partiel pourrait faire des heures en plus, quel collaborateur revient de congé parental ? », explique Anja Lasofsky-Blahut, spécialiste de RH à l’université des sciences appliquées de Vienne. Fixer les conditions du retour « évite les mauvaises surprises », poursuit-elle, citant des cas de résiliation de contrat de travail.

Problème : les PME, qui constituent le maillage économique de la petite république alpine, n’ont souvent pas la flexibilité requise. Consultant spécialisé en formation professionnelle dans la région de Salzbourg, Manfred Schmidbauer a cependant trouvé une ligne d’attaque. Il cible les épouses et les enfants d’entrepreneurs à la tête de petites structures familiales : « Nous proposons avec ce congé une formation en management dans l’optique du développement ou de la transmission de l’entreprise », indique-t-il.

Garder de bons collaborateurs

Mais le dispositif est majoritairement appliqué dans de grandes organisations. Des poids lourds comme Siemens ou IBM l’ont intégré à leur politique RH. Ils prennent en compte les attentes d’une nouvelle génération soucieuse de l’équilibre vie privée-vie professionnelle. « Le congé formation ou l’année sabbatique sont des instruments importants pour garder de bons collaborateurs », reconnaît Gerhard Zakrajsek, DRH d’IBM en Autriche.

Contrairement aux objectifs initiaux, ce sont des jeunes bien qualifiés qui profitent de cette offre. « Dans mon domaine, elle a du sens, insiste le juriste Johannes Müller. Après deux à trois ans d’exercice, beaucoup veulent faire une autre spécialisation, tandis que de jeunes diplômés cherchent une première expérience. » Pour se tourner vers le public cible initial (les moins qualifiés), l’AMS a mis en place un congé de formation à temps partiel depuis juillet 2013. Permettant le cumul de salaires et d’allocations, il est peu pénalisant sur le plan financier et particulièrement incitatif pour les bas salaires, à la différence de la Bildungskarenz.

* Soit l’équivalent de l’allocation-chômage, dont le montant est plafonné à 1 400 euros en Autriche.

Auteur

  • LUC ANDRÉ