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Quelques loupés et beaucoup d’excédents

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 18.02.2014 | SÉVERINE CHARON

Le régime de frais de santé des salariés de la branche hôtels-cafés-restaurants avait défini un niveau de prestations comparable au panier minimal institué deux ans plus tard dans le cadre de l’ANI. Avec une cotisation de 32 euros par mois, il est aujourd’hui très largement excédentaire.

Le 6 octobre 2010, les partenaires sociaux des hôtels-café-restaurants (HCR) signent un accord sur la mise en place d’un régime frais de santé obligatoire pour tous les salariés de la branche. Dans ce secteur d’activité, où les très petites entreprises côtoient les grands groupes, les partenaires sociaux codésignent trois institutions de prévoyance, issues des groupes Malakoff-Médéric, Klesia et Audiens. Les deux premiers sont déjà désignés dans l’accord sur la prévoyance et, comme pour celle-ci, le dispositif désigne un gestionnaire unique, GPS. Ce partenaire historique du groupe Accor est chargé des affiliations des salariés et du versement des prestations.

Une cotisation individuelle de 32 euros par tête, financée à parts égales entre l’employeur et le bénéficiaire, doit permettre à tous les salariés d’accéder à une couverture santé. L’adhésion est obligatoire, sauf pour les entreprises qui avaient mis en place une couverture obligatoire plus généreuse.

Au bout de trois ans, où en est la généralisation de la complémentaire santé ? À fin 2013, la population totale des affiliés est de 370 000 salariés. En l’absence d’un observatoire, et en raison du nombre important de saisonniers, impossible de connaître précisément les effectifs de la branche. L’accord sur la prévoyance, plus ancien, obligatoire pour toutes les entreprises, constitue donc la référence : 600 000 salariés y étaient affiliés à fin 2013.

Jean-Luc Giraudon, secrétaire fédéral FGTA-FO et président de la commission paritaire santé, estime que l’accord pourrait atteindre 450 000 personnes au maximum. L’explication de l’écart entre l’effectif en santé et en prévoyance tient en partie aux grands groupes et aux chaînes, déjà dotés de leur accord santé avant la signature du texte, et qui veulent garder la main sur leur politique sociale.

De nombreuses petites entreprises

Par ailleurs, dans une branche où il existe de nombreuses petites entreprises, dont le patron, au statut de travailleur non salarié (TNS), ne bénéficiera pas de la couverture, il y a toujours des entreprises qui refusent d’adhérer, même si les assureurs désignés ont eu mandat des ­partenaires sociaux pour aller chercher les supposés resquilleurs. Et puis, il y a aussi eu des ratés. « Grâce à notre partenariat avec les experts-comptables, les adhésions des entreprises ont été facilitées, mais certaines ont parfois négligé le processus d’affiliation des salariés », indique Pierre Lecacheur, directeur des branches chez Klesia. Ces loupés se seraient réduits au cours du temps.

Aussi, assureurs et partenaires sociaux estiment que les objectifs de couverture des saisonniers, une population estimée à 50 000 par Jean-Luc Giraudon, ne sont pas atteints. Jean-Marie Attard, du syndicat patronal de l’Umih, a eu connaissance de nombreux exemples de dysfonctionnements dans la réouverture des droits des saisonniers. Il regrette la lourdeur du dispositif qui exige qu’à chaque changement de situation, plusieurs fois par an, un saisonnier doive procéder à une nouvelle affiliation auprès du tiers gestionnaire. De plus, même si la portabilité des droits existe, elle nécessite une inscription à Pôle emploi et reste limitée à la durée du dernier contrat. « Il faut que la mutualisation mise en place puisse garantir une couverture santé pour tous les salariés, y compris si ceux-ci enchaînent plusieurs CDD. Aujourd’hui, pour les saisonniers, cette mutuelle n’est pas suffisamment opérationnelle », insiste Jean-Marie Attard.

Et à l’avenir, va se poser un autre problème : le devenir des réserves constituées par ce régime très excédentaire alors que les règles de choix des organismes assureurs ont changé (lire l’encadré).

QUE VONT DEVENIR LES RÉSERVES ?

Le régime de frais de santé des HCR a la particularité de générer des excédents élevés, avec un ratio sinistre à primes (le rapport entre les prestations versées et les cotisations encaissées) à 55 %.

« Quand on fixe une cotisation, on fait toujours un pari. À raison de 32 euros par tête, le régime est largement équilibré, ce qui a permis de ne pas augmenter la cotisation », explique Pierre Lecacheur.

Mais en fait d’équilibre, le régime largement excédentaire a généré plus d’une centaine de millions d’euros de réserves soit près d’un an de cotisations.

Les procédures de désignation et de codésignation étant désormais interdites, le dispositif ne pourra être reconduit à l’identique et avec les mêmes assureurs, qui détiennent aujourd’hui ces réserves.

La gestion sur le plus long terme devient délicate, dans la mesure où l’accord arrive à échéance fin 2015. Les partenaires sociaux, désireux de baisser le niveau d’appel des cotisations et de relever le niveau des prestations en puisant sur les réserves constituées, devaient se prononcer fin janvier sur le sujet. Ils ont finalement reporté leur décision à la fin mars, en espérant que, d’ici là, les conditions de la mise en place d’une recommandation d’organismes assureurs soient éclaircies.

La même question se pose pour l’accord prévoyance, qui arrive à échéance en 2015.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON