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QUELS ENJEUX RH DANS LES VILLES ?

Enquête | publié le : 25.03.2014 | ÉLODIE SARFATI

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QUELS ENJEUX RH DANS LES VILLES ?

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Des budgets contraints, des agents vieillissants, des changements permanents : tels sont les défis que les villes doivent de plus en plus souvent relever dans la gestion de leurs ressources humaines. À l’heure des élections municipales, Entreprise & Carrières fait le point.

Elles vont devoir se serrer encore la ceinture : après une dotation de fonctionnement en baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014 (dont 840 millions pour les communes), c’est un effort global de 10 milliards d’euros d’économie d’ici à 2017 que l’État pourrait demander aux collectivités locales. Quelle que soit l’issue des élections municipales, la contrainte financière n’a donc pas fini de peser sur la gestion de nombreuses villes, déjà touchées par la réforme de la taxe professionnelle. Et plus particulièrement sur leur GRH, puisque, selon la Cour des comptes, la rémunération du personnel correspond à 52 % de leurs dépenses de fonctionnement.

D’ores et déjà, « les villes nous sollicitent de plus en plus sur des missions d’optimisation des effectifs et de la masse salariale », constate Yvan Matraire, senior manager chez Kurt Salmon. Et la raréfaction des ressources rend encore plus prégnants les autres défis que doivent relever la plupart d’entre elles. À savoir, d’une part, l’allongement des carrières et le vieillissement de la population : un tiers des agents des communes ont plus de 50 ans. Une évolution démographique qui risque de peser sur un absentéisme déjà élevé (21,7 jours d’arrêts maladie par an, en moyenne, par agent de la fonction publique territoriale en 2011). D’autre part, l’accompagnement des changements induits, notamment par le développement des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) et les mutualisations de services entre communes et intercommunalités.

Remises à plat de la réglementation sociale et de l’organisation

En 2012 et 2013, 430 EPCI ont été créés, étendus ou fusionnés, impliquant de remettre à plat réglementations sociales et organisations du travail, comme à Valence Romans Sud Rhône-Alpes (lire p. 26). « Ces situations génèrent de l’inquiétude : les agents s’interrogent sur leur place dans la future organisation, leur lieu de travail, le maintien d’un service de proximité…, résume Cédric Bolliet, manager chez Algoe Consultants. À Lyon et Grenoble, par exemple, la création des métropoles en janvier 2015 vont se traduire par un doublement des effectifs, l’intégration de cultures et de compétences très différentes. »

Dans ce contexte, comment les RH des communes s’adaptent-elles ? À Mulhouse, la collectivité mise sur un outil de pilotage de la performance (lire p. 22). Dans les Bouches-du-Rhône, le syndicat d’agglomération Ouest Provence a mis en place une prime de présentéisme. « Certaines villes sont dans la logique de ne pas revaloriser les régimes indemnitaires et préfèrent jouer sur des leviers indirects, en investissant dans la formation ou la protection sociale complémentaire », complète Sophie Loiselet, présidente de l’ANDRH des Territoires. Yvan Matraire, quant à lui, les incite à « mettre en place des entretiens d’évaluation pour pouvoir jouer sur les délais d’avancement. Mais les villes sont prudentes, car c’est à double tranchant sur la motivation des agents, la plupart du temps en catégorie C ».

Stabiliser les effectifs

Parallèlement, les collectivités serrent la vis de l’emploi. Dans son baromètre RH des collectivités locales publié en septembre 2013, Randstad notait ainsi que la stabilisation – voir la diminution – des effectifs devenait une « tendance de fond ». Seules 43 % des collectivités comptaient remplacer tous les départs à la retraite (50 % en 2012). Dès lors, les démarches de GPEC – trop peu mises en œuvre dans les collectivités locales selon la Cour des comptes en 2012 – devraient devenir des axes stratégiques. En Seine-Maritime, la communauté de communes de Caux Vallée de Seine (CVS) copilote depuis 2012 un programme de GPEC territoriale intersectorielle dans lequel elle s’est inscrite en tant qu’employeur : « Cela nous permet de travailler sur les passerelles entre public et privé, d’anticiper les besoins nouveaux, de cartographier les métiers », précise Marie-Annick Leroy directrice du pôle accompagnement de CVS.

Des villes s’attachent aussi à renforcer la mobilité interne (lire p. 22). À la fois pour adapter les compétences et pour prévenir l’absentéisme le plus en amont possible. « Les villes sont encore dans une approche réactive de la mobilité, qui accompagne les reclassements une fois que l’inaptitude est constatée, relève Sophie Loiselet. Elles vont devoir mettre en place une gestion proactive des parcours professionnels pour permettre le maintien dans l’emploi des agents exerçant des métiers usants. »

Les municipalités, il est vrai, en concentrent un certain nombre : restauration collective, collecte des déchets, petite enfance, intervention sociale, sécurité, espaces verts… Mérignac, où la moyenne d’âge des agents est de 50 ans, a commencé à prendre ce tournant. « Comme il n’est plus possible de reclasser dans des services en sureffectif mais seulement sur des postes vacants, nous essayons de travailler préventivement sur les inaptitudes en devenir, en collaboration avec la médecine du travail », confie Lionel Cenet, responsable RH. La commune girondine a mis en place des bilans professionnels de façon à « identifier les compétences acquises et les aptitudes transférables. Nous proposons aux agents des périodes d’immersion et des formations d’adaptation à un nouveau métier. Nous commençons même, sur certains métiers à plus forte pénibilité, à anticiper les reclassements dès le recrutement, en regardant les parcours professionnels antérieurs ».

Ces actions s’inscrivent dans une démarche plus vaste, autour du “bien-être au travail”, menée en concertation avec les partenaires sociaux (lire aussi le cas d’Alès, p. 25). Celle-ci a abouti à un plan d’action 2013-2015 décliné en soixante-six engagements portant sur la communication et la valorisation des agents, la pénibilité, la santé et la sécurité, la mobilité, ou encore le management de la reconnaissance.

Rôle des managers

Un certain nombre de villes étant de plus en plus engagées dans des actions de qualité de vie au travail ou de prévention des risques psychosociaux, la question du rôle des managers émerge. À Nantes, la ville et l’agglomération travaillent à la création d’une culture managériale commune (lire p. 24). Caux Vallée de Seine a mis en place un cycle de formation pour les managers, notamment pour développer la transversalité entre les services. « Les changements d’organisation issus notamment des mutualisations et des transferts de compétences entre les communes et l’EPCI exacerbent les problèmes de management », ajoute Nathalie Moniot, DRH de CVS.

À Mérignac, la concertation fait désormais partie des habitudes : « Aucun projet de modification de service n’est présenté aux organisations syndicales sans avoir été préalablement discuté avec les agents », se félicite Lionel Cenet. Ces bonnes pratiques pourraient encore se diffuser : interrogés en 2013 par l’observatoire social de la MNT (Mutuelle nationale territoriale), les DRH des collectivités plaçaient le développement des compétences managériales en deuxième place des enjeux stratégiques de la fonction RH. Juste après la maîtrise de la masse salariale.

L’ESSENTIEL

1 Confrontées à des contraintes financières de plus en plus fortes, les communes cherchent à optimiser leur masse salariale et leur gestion des effectifs.

2 Des démarches de mobilité qui anticipent davantage sont mises en place ; elles permettent aussi de gérer en amont les inaptitudes, alors que la pyramide des âges est vieillissante.

3 Dans un contexte de changements et d’incertitude pour les agents, des villes se penchent sur le bien-être au travail et le développement des compétences managériales.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI