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« DES BAISSES DE BUDGET DURANT DEUX OU TROIS ANS SONT POSSIBLES »

Enquête | publié le : 03.06.2014 | L. G.

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« DES BAISSES DE BUDGET DURANT DEUX OU TROIS ANS SONT POSSIBLES »

Crédit photo L. G.

Le directeur adjoint éducation formation au Medef prévoit une baisse des budgets de formation, mais estime qu’une prise de conscience et qu’une montée en technicité finiront par conduire à une augmentation des moyens accordés par les entreprises.

E. & C : Les prévisions de réduction de l’effort formation se multiplient. Qu’en dit le Medef ?

A. D. : Il n’est pas impossible qu’il y ait des baisses de budget pendant les deux ou trois premières années. Cela était déjà constaté et est inhérent à toute réforme – le temps précisément d’intégrer certains changements –, mais aussi à la conjoncture économique. Le sujet n’est d’ailleurs pas tant le montant de la dépense, que la qualité des formations et des apports en compétences, tant pour les salariés que les entreprises. Ensuite, avec la prise de conscience et la montée en technicité et professionnalisation, les budgets pourraient même être plus élevés qu’aujourd’hui.

E. & C : Quelle est la réaction des entreprises une fois la réforme comprise ?

A. D. : Les entreprises s’imprègnent doucement de cette nouvelle loi. Elles en arrivent souvent à deux réflexions. Premièrement: professionnaliser l’entretien individuel en formant massivement l’encadrement à cet entretien devient vraiment nécessaire. Deuxièmement: la nature et la place des certifications de branche doivent faire l’objet d’un débat plus poussé.

E. & C : Rien n’empêchait les entreprises d’avoir ce genre de réflexion avec l’obligation légale.

A. D. : Oui, c’était faisable, mais le 0,9 % avait de fait un effet d’endormissement sur les pratiques. La fin du 0,9 % et la mise en œuvre du CPF réveillent les réflexions.

E. & C : Certains plaidaient pour une suppression en douceur du 0,9 %. Pourquoi le Medef a-t-il opté pour une stratégie radicale ?

A. D. : Parce qu’une suppression en douceur aurait organisé une décélération des budgets formation sur plusieurs années. On aurait eu les inconvénients de l’imputabilité sans les avantages de la fluidité. Il fallait donc un changement rapide pour changer de culture. La loi débouche sur une réduction de charges, au sens d’une obligation de dépenses pour les PME: à elles d’avoir une réflexion sur son usage, dont la formation professionnelle. Le plan de formation demeure, et d’une manière générale, l’investissement en matière de formation est un facteur de compétitivité pour l’entreprise et ses salariés, a fortiori si cette dernière est plus soucieuse encore que par le passé de faire en sorte que les formations soient de qualité et que les compétences acquises soient réellement utilisées en situation professionnelle. Enfin, n’oublions pas l’existence de garde-fous: l’entretien professionnel tous les deux ans, l’entretien de bilan de six ans, les obligations de financement du CPF, le contrôle social par les IRP…

E. & C : Quelle place le Medef accordera-t-il à la logique d’accord de financement conventionnel de branche ?

A. D. : Le conventionnel sera à apprécier branche par branche, et peut être mis en relation avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs formation issus du pacte de compétitivité, si les branches le veulent. Cela dit, les marges des entreprises françaises sont parmi les plus basses d’Europe: plus les marges sont basses, plus les capacités d’investissements s’en trouvent affectées.

La mutualisation ne doit plus apparaître, même si c’est parfois le cas à tort, ni comme une usine à gaz, ni comme une redistribution contestable. La mutualisation, au-delà de l’obligation légale – 1 % ou 0,8 % s’il y a un accord d’entreprise sur le compte personnel de formation –, pourrait aussi reposer sur un acte de mutualisation volontaire sur la base de services proposés. D’une manière générale, la réforme impose à chaque Opca de redéfinir son offre de services. Des précautions seront cependant à prendre sur la question de la concurrence vis-à-vis du marché et entre Opca.

E. & C : Nombreux sont ceux qui estiment qu’il manque à la réforme d’être allée au bout d’une logique d’investissement-amortissement-provisions. Où en est la réflexion sur cette question ?

A. D. : Prochainement commenceront les travaux sur les questions d’amortissement et de provisions avec un groupe animé par la FFP en présence de la DGCIS et des institutions représentantes des normes comptables. Ce travail, qui a donc l’aval de Bercy, doit préciser finement la nature et les modalités de l’amortissement comptable des actions de formation.

E. & C : Qui dit investissement dit évaluation. Quel est le point de vue du Medef sur ce sujet ?

A. D. : Un groupe de travail du Medef s’attelle à l’évaluation des effets de la formation, avec des acteurs de toute la chaîne de décision et de réalisation de l’action de formation. Nous sommes prudents sur la notion de “retour sur investissement” ; celle de “retour sur les attentes” nous paraît plus accessible. Dans cet esprit, le développement de pratiques d’évaluation sur la base du troisième niveau d’évaluation de Kirkpatrick nous semble être une des voies à creuser. Ce niveau est celui où l’on vérifie que l’apprenant déclare appliquer dans son quotidien de travail ce qu’il a appris. La France est en retard sur ce type d’évaluation. Par rapport au Portugal, par exemple, la France décroche de 20 points en termes de pratique d’évaluation à ce troisième niveau. Ce constat interroge toute la chaîne de décision, de choix et de valorisation de la formation.

E. & C : Les organismes de formation doivent-ils s’attendre à une nouvelle pression sur la qualité de leurs prestations ?

A. D. : Cette pression est pro­bable. La formation va devoir prouver sa valeur ajoutée sans aller forcément jusqu’à l’idée de retour sur investissement qui me semble difficile à objectiver, au moins systématiquement. Les organismes de formation doivent y voir surtout une opportunité, même si nous comprenons certaines inquiétudes, notamment sur le caractère certifiant du compte personnel de formation.

E. & C : Une des autres grandes nouveautés est la collecte des fonds CIF par les Opca, qui les reverseront au FPSPP, qui lui-même reversera aux Fongecif. Qu’est-ce qui est visé au travers de la mise en place de ce circuit ?

A. D. : Nous pensons vraiment que ce système va améliorer la collecte CIF de l’ordre de + 10 % ou 15 %. La méthode de répartition des fonds aux Fongecif sera définie prochainement, il faut un mécanisme simple et lisible.

E. &C : Le 0,2 % CPF peut être géré en interne ou via un versement à l’Opca. De quelle option le Medef se veut-il le promoteur ?

A. D. : L’important est que les salaires supportés durant la formation en CPF puissent être pris en charge sur ce 0,2 %. Sinon, 0,2 % de coûts pédagogiques implique un coût supplémentaire de 0,4 % de coût salarial, ce qui découragera tous les employeurs. L’ANI prévoit que tous les frais y compris le salaire sont pris sur le 0,2 %. Cela dit, il ne faut pas uniquement penser financement mais aussi objectifs, et rechercher un système qui encourage les vertus et l’exemplarité. Le CPF peut favoriser une négociation interne sur les objectifs et le sens: tout le monde doit désormais s’interroger sur ce que doit être la politique compétences.

Auteur

  • L. G.