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Quand l’entreprise aide ses salariés à voler de leurs propres ailes

Pratiques | publié le : 08.07.2014 | SABINE GERMAIN

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Quand l’entreprise aide ses salariés à voler de leurs propres ailes

Crédit photo SABINE GERMAIN

Certains grands groupes, tels Schneider Electric, accompagnent leurs collaborateurs dans leur projet de création d’entreprise. Une démarche motivante pour tous ceux qui en expriment le désir. Et qui permet de créer des emplois bien au-delà des murs de l’établissement.

Les partenaires sociaux y ont longtemps vu une forme de départ volontaire déguisé. Et les managers se sont toujours demandés quel intérêt pouvait avoir une organisation à accompagner ses meilleurs éléments vers la sortie. L’essaimage suscite bien des interrogations : l’entreprise est-elle réellement dans son rôle en soutenant les salariés qui décident de prendre leur envol et de créer leur propre société ?

« Oui ! », répond sans hésiter Pierre Dubar, président de Diese (Développement de l’initiative et de l’entrepreneuriat chez les salariés des entreprises), une « association de compétences au service de la création d’entreprise » dont les 15 sociétés membres* accompagnent, chaque année, un millier de créateurs. « Je suis convaincu que tout le monde y trouve aussi leur compte », estime-t-il. Les salariés candidats à la création, bien sûr : leur employeur les accompagne pas à pas tout au long de leur projet, et même dans les trois ans qui suivent. Moyennant quoi, 85 % de ces jeunes pousses sont encore en activité au bout de trois ans, alors que l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) évalue le taux de pérennité à trois ans des entreprises françaises à 66 %.

Les entreprises membres du réseau Diese y gagnent aussi : « Certes, elles voient partir des collaborateurs de grande valeur, admet Pierre Dubar, qui est également directeur régional de Schneider Initiatives Entrepreneurs (SIE), la cellule d’essaimage du groupe industriel. Mais à quoi bon les retenir. Les meilleurs le sont-ils encore s’ils ne sont plus motivés ? » Mieux vaut donc faire en sorte que leur projet se développe dans les meilleures conditions possibles. D’autant plus que ce qui est bon pour l’économie locale est bon pour l’entreprise.

De belles réussites

En vingt ans, Schneider Electric a accompagné environ 1 000 créateurs d’entreprise… qui ont créé 3 000 emplois. Cela va de la boulangerie de quartier à la PME de taille honorable, avec, en toute logique, une surreprésentation des métiers de l’électricité. C’est ainsi que l’une des plus belles réussites de l’essaimage chez Schneider Electric s’appelle Helbul : un spécialiste des courants forts et faibles, qui travaille pour tous les géants du BTP en Ile-de-France et compte une centaine de salariés.

Camille Lambrecq n’en est pas encore là : Someone Shoes, la marque de chaussures qu’il a lancée en juillet 2012, est encore confidentielle. Mais elle est dans l’air du temps, avec ses modèles artisanaux « imaginés pour voyager dans le monde avec style, authenticité et qualité », explique le jeune fondateur, qui a toujours voulu créer son entreprise. « J’ai lancé une petite marque de vêtement quand j’étais encore étudiant. Puis j’ai rejoint l’équipe de SIE dans le cadre de ma formation en alternance. »

Il a ainsi découvert les deux côtés de l’essaimage. D’abord en tant qu’accompagnateur « chargé de fiabiliser le business model, le business plan et le financement des porteurs de projets ». Puis en tant qu’accompagné : « J’ai commencé par créer une agence de communication. Les 7 000 euros de subvention qui m’ont été accordés par Schneider Electric m’ont donné un sérieux coup de pouce. J’ai en effet créé une SAS avec cet apport et j’ai obtenu un prêt bancaire de 20 000 euros. Le soutien financier et technique de Schneider Electric a donné davantage de crédibilité à mon projet de financement. »

Un regard global sur le projet

Pour Pierre Dubar, la subvention versée par l’employeur ne doit être qu’un coup de pouce : « Le projet doit tenir la route sans cet apport. » Sa pertinence est validée une première fois par la cellule essaimage de l’entreprise. « Ce dossier doit permettre d’aller voir un banquier, commente Pierre Dubar. Nous accompagnons les porteurs de projet, mais nous ne leur tenons pas la main : s’ils veulent créer une entreprise, ils doivent être autonomes. Nous sommes donc davantage dans le “faire faire” que dans le “faire”. » Une fois ce dossier validé, il est présenté devant le jury de l’association Diese, composé de représentants des différentes entreprises : cela permet d’avoir un regard global sur le projet et de déterminer, le cas échéant, le montant de la subvention qui lui est attribuée. Elle peut aller de 5 000 à 25 000 euros, mais tourne, le plus souvent, autour de 15 000 euros.

Depuis des années, Scheider Electric soutient entre 30 et 50 projets chaque année. Un tiers d’entre eux sont portés par des opérateurs, un autre tiers par des cadres, le reste par des ingénieurs. « Nous avons trois types de candidats : des personnes qui ont toujours eu, dans un coin de leur tête, le désir de créer leur propre entreprise; des salariés qui ont envie d’évoluer mais ne se projettent plus dans l’entreprise – notamment quand ils n’ont plus envie de jouer le jeu de la mobilité géographique ; et enfin, des quinquagénaires qui, après avoir élevé leurs enfants et remboursé leur crédit immobilier, ont envie de se faire plaisir durant leur dernière partie de carrière », détaille Pierre Dubar.

Mais à l’arrivée, la motivation du porteur de projet fait la différence. « Parce qu’on n’abandonne pas le relatif confort d’un poste salarié dans une grande entreprise sans une réelle motivation », commente Camille Lambrecq. D’autant que, contrairement à certaines entreprises du réseau Diese, Schneider Electric ne prévoit pas de réintégration du collaborateur en cas d’échec.

À ce petit jeu, les opérateurs se retrouvent au même niveau que les cadres et les ingénieurs. « Ces trois populations ont, grosso modo, le même taux de réussite. » Un taux qui, aussi surprenant que cela paraisse, tend à augmenter avec la crise : « Le nombre de projets qui se concrétisent reste stable, observe Pierre Dubar. En revanche, le volume de dossiers qui nous sont présentés baisse d’année en année. Avant la crise, nous en recevions environ une centaine et seulement un sur trois se concrétisait. Les dossiers sont tombés à 75 en 2012, puis à 50 en 2013. Nous continuons à accompagner entre 30 et 40 projets par an. Nous n’avons pas réduit nos critères d’exigence. Mais les dossiers sont nettement plus aboutis. »

Dans la GPEC

Dans toutes les entreprises du réseau Diese, les équipes en charge de l’essaimage sont conscientes de leurs responsabilités : « Nous sommes obligés d’être formidables », sourit Pierre Dubar, qui s’interdit d’envoyer des salariés au casse-pipe. Il a longtemps travaillé sous l’œil vigilant – voire suspicieux – des partenaires sociaux. « Au fil des années, ils ont compris que l’essaimage repose sur une logique gagnant-gagnant. » C’est ainsi qu’à leur demande, l’accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) de Schneider Electric comporte un article consacré à l’essaimage. Une forme de consécration.

Dont Air France, Areva, EDF, Orange, Saint-Gobain, Sanofi, Schneider Electric, SNCF, Total…

L’ESSENTIEL

1 Les jeunes pousses issues de l’essaimage affichent un taux de pérennité plus élevé que la moyenne et sont créatrices d’emploi.

2 Les entreprises qui appuient cette démarche savent qu’il vaut mieux accompagner les salariés porteurs de projet que les retenir.

3 Exemple chez Schneider Electric qui, en vingt ans, à soutenu quelque 1 000 créateurs d’entreprise dans une logique gagnant-gagnant.

Auteur

  • SABINE GERMAIN