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L’interview : Françoise Milewski Économiste à l’OFCE

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 07.10.2014 | É. S.

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L’interview : Françoise Milewski Économiste à l’OFCE

Crédit photo É. S.

« Le temps partiel ne se résume pas à la question des seuils »

Les pouvoirs publics ont longtemps mené des politiques d’incitation au développement du temps partiel pour lutter contre le chômage. La réforme de 2013 marque-t-elle une rupture ?

Elle montre que l’on a pris conscience du fait que l’extension des temps partiels est source de précarité et de sous-emploi. Cette extension est surtout due au poids croissant du secteur tertiaire. Et le temps partiel “choisi” est souvent contraint par des conditions sociales liées à l’insuffisance des modes de garde des enfants, à l’inégal partage des tâches familiales, etc. Mais les moyens d’y remédier restent modestes, car les multiples possibilités de dérogation au seuil des 24 heures hebdomadaires risquent de limiter les effets de la loi.

Dans un contexte de sous-emploi, les demandes individuelles pour déroger aux 24 heures seront pour une part du volontariat “forcé” : cela serait une dérive. La loi marque un changement, mais elle n’entraînera pas forcément une rupture : tout dépend de sa mise en œuvre concrète et des dérogations actuellement négociées. Elle va cependant à l’inverse de choix opérés par d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni, avec le développement des contrats “zéro heure”.

Néanmoins, le principe d’un seuil minimal du nombre d’heures de travail est-il une réponse pertinente à la précarité liée au temps partiel ?

C’est une réponse à l’une des composantes de la précarité, à savoir les faibles quotités de travail. Depuis dix ans, le temps partiel très court de moins de 15 heures par semaine s’est fortement développé, alimentant la pauvreté en emploi. Définir un seuil peut au moins permettre de limiter ces faibles volumes horaires. Toutefois, la précarité des salariés à temps partiel subi tient aussi à d’autres facteurs : la dispersion et l’imprévisibilité des horaires, les fortes amplitudes quotidiennes, les temps de coupure et de déplacements importants, les faibles rémunérations – les salariés à temps partiel sont surreprésentés parmi les salariés au smic…

Or la loi, en étendant par exemple les compléments d’heures par avenants temporaires, ouvre la voie à une plus grande fluctuation du temps de travail et au renforcement de l’insécurité liée à la non-maîtrise de son temps. C’est une flexibilisation supplémentaire.

Comment prendre en compte les spécificités de certains métiers, par exemple dans les secteurs des services à la personne ou de la propreté ?

Tous les emplois ne peuvent pas être, par nature, à temps plein. Des dérogations sont nécessaires, mais elles auraient dû être mieux encadrées. Et les cas de figure spécifiques ne doivent pas être systématiquement mis en avant pour justifier qu’on ne fasse rien évoluer. Il y a des réponses à apporter en termes de conditions de travail, à la fois par la loi et par les négociations de branche.

Les branches et les entreprises peuvent limiter les coupures, circonscrire les secteurs géographiques d’intervention, réduire l’instabilité des horaires, améliorer l’accès à la formation… Le temps partiel ne se résume pas à la question des seuils hebdomadaires, mais doit être traité aussi à travers celle de la pénibilité. Dans beaucoup de secteurs, le passage à temps plein des salariés à temps partiel n’est pas tenable sans une réduction de l’intensité du travail.

Auteur

  • É. S.