Le salaire représente un enjeu économique, le pouvoir d’achat, mais également un enjeu social. Chacun réfère sa paye à une échelle de salaires qui, pour lui, correspond à une stratification sociale des emplois. Les différents groupes de salariés ne recourent pourtant pas aux mêmes critères pour évaluer leur salaire. Quand les dirigeants se réfèrent aux lois du marché, c’est-à-dire évaluent leur rétribution comme un cours, un niveau d’équilibre entre l’offre et la demande, les plus diplômés comparent leurs revenus en fonction des niveaux de formation ; les salariés les moins payés se réfèrent plutôt à la satisfaction de leurs besoins.

Au-delà de cette division par classes, une fracture peut être observée entre les salariés du public et ceux du privé. Quel que soit leur niveau hiérarchique, les fonctionnaires tendent à être moins satisfaits de leurs revenus que les salariés du privé (49 % de satisfaits contre 55 %), ce qui représente une inversion de la situation des années 1990, quand les salariés de la fonction publique se jugeaient plutôt mieux lotis. Ce sentiment d’équité ou d’iniquité et la satisfaction ou l’insatisfaction qui en découlent ne correspondent pas forcément à la réalité des chiffres.

Derrière les réalités objectives couve donc tout un monde de représentations susceptibles d’affecter la motivation au travail et de constituer des facteurs de déséquilibre pour la gestion des ressources humaines. Décryptant la première enquête publique Salsa (Les salaires vus par les salariés), des statisticiens, des économistes et des sociologues alertent sur les frustrations qui peuvent naître de ces comparaisons.