Axa a inventé, expérimenté, utilisé, promu le CV anonyme pendant sept ans, de 2005 à fin 2013, avant de remiser cet outil au placard. L’idée avait été préconisée en 2004 par Claude Bébéar, alors ancien président de l’assureur, puis appliquée dans l’entreprise l’année suivante. Axa et son ancien président ont ensuite fait la promotion et pris la défense de cet outil, notamment en 2011, lorsque son efficacité a été mise en cause par l’étude du Centre de recherche en économie et statistique (Crest).

L’assureur veut aujourd’hui tourner la page malgré un bilan positif. Le CV anonyme a d’abord été réservé aux seuls candidats à un poste commercial postulant par Internet. À partir de 2009, la procédure a été généralisée à toutes les candidatures sur le Web, soit 50 000 par an. Le nom, l’âge et le sexe des candidats étaient invisibles aux recruteurs. Seuls la formation, l’expérience et les deux premiers chiffres du code postal leur apparaissaient. Par ailleurs, Axa a mis en place un vaste plan de formation des managers sur la question des discriminations.

Ni les difficultés de mise en œuvre, ni l’efficacité du CV anonyme ne sont en cause dans le choix d’arrêter de l’utiliser : « Techniquement, ce n’est pas compliqué, ni en investissement, ni en temps, déclare Nicolas Rolland, directeur culture et innovation à Axa France. Il a suffi de quelques semaines pour le mettre en place. »

Quant à l’efficacité de l’outil, elle n’a jamais été objectivée, selon lui : « Nous n’avons jamais chiffré l’impact du CV anonyme, car nous n’étions pas dans une logique défensive », explique le directeur culture et innovation, un poste créé il y a six mois. Les candidats issus de l’immigration parvenaient-ils davantage à décrocher un entretien d’embauche ? L’initiative de l’assureur, largement médiatisée, a-t-elle provoqué un afflux de candidats ? Les femmes, les seniors ont-ils, plus qu’avant, tenté leur chance ? Axa laisse aujourd’hui ces questions sans réponse.

Pourtant, l’entreprise n’a pas toujours été avare d’explications sur les effets positifs du CV anonyme. Interrogée par Entreprise & Carrière en 2011, la directrice des enquêtes internes à l’époque, Antoinette Prost, déclarait : « Nous avons constaté qu’il y a davantage de candidats d’origines diverses – nationalité des ascendants – qui postulent par CV anonyme que par CV classique, et que cet écart se retrouve ensuite dans les recrutements. »

Axa a même ouvert ses portes, dans le cadre de protocoles encadrés, à des chercheurs de l’Ined et à des instituts de sondage, afin d’interroger ses commerciaux sur leur nationalité et sur celle de leurs parents et grands-parents, ainsi que sur leur ressenti d’appartenance (se sentaient-ils d’une minorité visible ?).

L’assureur a alors communiqué quelques résultats chiffrés. Interrogés au moment de la mise en place du CV anonyme, 83 % des commerciaux déclaraient y être favorables. Surtout, Axa pouvait mettre en avant, quoique avec précautions compte tenu de la petite taille de son échantillon, que 26 % des commerciaux recrutés par CV anonyme étaient issus de la diversité, vérifiée par leur nationalité et celle de leurs parents. Seuls 21 % des commerciaux recrutés de manière classique étaient issus de la diversité.

« Les postulants veulent maintenant se mettre en avant grâce aux réseaux sociaux ou aux CV vidéos, explique Nicolas Rolland. Une part croissante des candidatures nous arrive maintenant par les réseaux sociaux. Le CV anonyme ne convient plus à notre entreprise. Nous voulons toujours favoriser l’égalité des chances, mais en nous ouvrant à de nouvelles pratiques plus adaptées. »

Activité

Assurance.

Effectif

33 000 salariés.

Chiffre d’affaires

21,2 milliards d’euros en 2012.