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Sur le terrain

Rémunération globale : Tournus équipement OUVRE SON CAPITAL À SES SALARIÉS

Sur le terrain | publié le : 25.11.2014 | Séverine Charon

Un plan d’actionnariat salarié a été mis en place six mois après le LBO qui a permis aux quinze cadres de l’entreprise d’acquérir la majorité du capital. Une opération complexe.

Depuis le mois de juillet dernier, une centaine de salariés de Tournus équipement (sur 230) sont actionnaires de leur entreprise, aux côtés des quinze cadres et de trois fonds d’investissement. L’histoire commence en 2010, quand cette PME spécialisée dans la fabrication d’équipements de cuisine en inox est cédée à Qualium, un fonds d’investissement de la Caisse des dépôts et consignations, par la famille qui en était actionnaire. Dans la même opération, sept cadres emmenés par Pierre Marcel, alors directeur général salarié, achètent 15 % des parts.

Un élément de motivation

Trois ans plus tard, quand les quinze cadres de la PME s’unissent pour racheter Tournus au fonds Qualium et monter à 63 % du capital, Pierre Marcel prend l’engagement que tous les salariés pourront devenir actionnaires. « C’est un élément de motivation réel, explique l’actuel président de Tournus. Les représentants syndicaux ont tous voté favorablement l’opération de rachat par les cadres, notamment parce que nous nous étions engagés à ouvrir le capital. »

Pour le dirigeant, il était par ailleurs souhaitable de déconnecter l’opération d’ouverture du capital de celle du rachat, « pour bien démontrer que les fonds apportés par les salariés n’étaient pas nécessaires pour le bouclage du tour de table » avance-t-il. Promesse tenue six mois plus tard : fin 2013, l’entreprise lance une augmentation de capital réservée aux salariés.

Pour rendre l’opération possible dans cette entreprise non cotée, il a fallu entre-temps créer un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) investi en titres Tournus, qui fait partie des supports du plan d’épargne entreprise (PEE). Les dirigeants de Tournus se sont fait accompagner par la société de gestion Equalis Capital, tant pour les démarches que pour la conception du fonds et jusqu’aux réunions d’information auprès des salariés, majoritairement des ouvriers peu accoutumés à ces sujets. Une prestation facturée « environ 50 000 euros », indique la PME.

Profil d’intéressement cohérent

Car la création d’un tel FCPE est un projet complexe, qui nécessite d’obtenir un agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). « Le fonds est investi à 40 % en actions Tournus, à 40 % en obligations convertibles en actions Tournus – des titres moins risqués que les actions – et à 20 % en liquidités, soit des placements monétaires, explique Jean-Philippe Debas, président d’Equalis Capital. Il faut que l’investissement des salariés ait un profil cohérent avec celui des autres investisseurs. La poche de liquidités permet de racheter les titres détenus par les salariés sans passer par une transaction effective sur les titres, donc sans devoir vendre les actions et obligations. »

Les salariés ne peuvent souscrire qu’au moment de l’augmentation de capital, dès lors qu’ils ont au moins trois mois d’ancienneté, mais ils doivent céder leurs parts s’ils démissionnent. Et peuvent demander un déblocage des fonds dans les cas prévus par la loi. La valeur des titres est calculée chaque année sur la base d’un multiple de l’Ebitda, minoré des intérêts de la dette.

Pour Jean-Philippe Debas, « cette ouverture du capital aux salariés se fait dans un processus de maturation du marché des LBO [de l’anglais leveraged buy-out : rachat d’entreprise par effet de levier, donc financé par une large part d’endettement, NDLR]. Au départ, seuls les investisseurs tiraient profit des opérations. Ensuite, ce sont les dirigeants qui en ont bénéficié. Aujourd’hui, les salariés sont plus souvent impliqués », remarque-t-il. José Jimenez, élu CGT, favorable à la démarche qui vise à faire profiter tous les salariés de la réussite de l’entreprise, critique toutefois le niveau beaucoup trop faible de l’abondement versé par l’entreprise, fixé à 10 % des sommes investies par le salarié.

Reste qu’une nouvelle augmentation de capital réservée aux salariés a été lancée en 2014 au moment du versement des primes d’intéressement et de participation. Une opération qu’il est prévu de renouveler chaque année.

Auteur

  • Séverine Charon