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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’accord qualité de vie au travail de Groupama

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 17.02.2015 | Laurent Poillot

Signé le 28 février 2011, l’accord QVT vient d’être modifié par un avenant. Selon les syndicats, qui ont relevé une dizaine de suicides et de tentatives de suicide en lien avec le travail au cours des deux dernières années, le dispositif n’a pas permis de prévenir la souffrance au travail.

Février 2011. Groupama s’embourbe dans la crise financière. Le groupe mutualiste va vivre une année rude, marquée par une perte nette de 1,8 milliard d’euros. La surexposition de ses investissements dans la dette souveraine grecque et les actions des grandes entreprises malmenées en Bourse inquiète en interne. Le groupe se prépare à des réorganisations pour préserver sa marge de solvabilité, tout près des 100 %, le seuil plancher autorisé.

Direction et syndicats signent à cette époque un accord sur la qualité de vie au travail destiné à envoyer un signal positif aux 30 000 salariés de l’entreprise. L’accord pose « un cadre commun aux entreprises du groupe pour prévenir, traiter et […] éliminer les éventuels problèmes liés aux risques psychosociaux tels que […] le stress, le harcèlement au travail et les incivilités, internes ou externes ».

Yves Bonniau, le directeur des relations sociales du groupe Groupama, qui a mené les négociations, parle d’« un accord dont le socle a pris toute sa force au fur et à mesure des discussions » : « Nous avions engagé des négociations dès 2008 avec déjà la mise en place d’un centre d’écoute psychologique. » Ce processus a été confié au cabinet Psya, « qui est susceptible d’intervenir dans le cadre de la prévention individuelle, ou de la gestion de crise en cas de problème avéré. Nous avons maintenu et même développé nos liens avec cet organisme », indique le directeur.

Trois textes de référence

Signé par l’ensemble des syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, Unsa 2A et Sneema – Syndicat des employés et cadres de la Mutualité agricole), le texte de 16 pages se réfère à trois grands textes : l’accord national interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail, ainsi que l’accord cadre européen et l’ANI sur le harcèlement et la violence au travail des 26 avril 2007 et 26 mars 2010. L’accord définit les domaines de prévention et énumère les procédures et les modes d’intervention des parties prenantes.

Le texte demande aux entreprises de désigner un référent qualité de vie au travail, de communiquer sur les risques psychosociaux et de sensibiliser les salariés à des mesures de prévention telles que la relaxation et la nutrition. Il prévoit de former les salariés à la gestion du public, et les managers à la prévention des RPS et des incivilités. Et promet la protection des personnes harcelées ou victimes d’incivilités.

Son point fort est surtout la création d’une commission “qualité de vie au travail”, instance de dialogue social qui aura pour mission de suivre le déploiement de l’accord, à partir d’une trentaine d’indicateurs issus du bilan formation, du bilan social et du rapport CHSCT des entreprises du groupe, et d’examiner l’impact de tout projet de réorganisation interne sur le bien-être au travail des salariés.

Quatre ans plus tard, Yves Bonniau reste satisfait de cet accord, qu’un avenant est venu compléter, en janvier, pour renforcer sa mise en œuvre. « Il s’agit d’un accord d’impulsion que les entreprises du groupe ont décliné et développé par leurs propres actions ». Mais, dans le détail, la direction ne dit rien du suivi effectif de l’accord par la commission QVT. Les syndicats sont très critiques. Trois d’entre eux font état d’une dizaine de suicides et de tentatives de suicide en lien avec le travail au cours des deux dernières années. Tous, cependant, à l’exception de FO, ont signé l’avenant de janvier 2014.

Manque de moyens

Rémy Bruneteau, le délégué syndical central FO, affirme : « Le directeur des relations sociales a reconnu qu’il lui était très difficile de collecter toutes les informations auprès des DRH des entreprises et qu’il n’avait aucun pouvoir pour les contraindre à mettre en place l’accord signé en 2011. » Or, selon lui, « les dégradations sur la santé sont en progression. L’accord de 2011, pas plus que son avenant, ne donne aux CHSCT les moyens d’agir. Or ce sont eux qui doivent déterminer, au plus près des situations, quels sont les salariés en souffrance, et pourquoi ».

Pour Henry Rouch, délégué central CFE-CGC, l’accord a le mérite de « tracer une voie. Mais on en est toujours resté à un effet d’affichage, dit-il. L’accord n’a pas été décliné dans toutes les filiales du groupe. Dans certaines d’entre elles, les risques psychosociaux se sont transformés en troubles psychosociaux ».

Nadia Masson, représentante nationale de la CGT Groupama, évoque des difficultés fortes dans certaines caisses régionales : « Le groupe n’arrête pas de se réorganiser depuis 2003. Les actes de management pathogènes s’expliquent par la façon dont on fait travailler les gens. » Elle suggère que les TMS deviennent, comme dans l’industrie, un indicateur avancé des conditions de travail. Elle a pourtant signé l’avenant : « La commission QVT accorde un mandat de trois ans aux organisations syndicales participantes et examinera tous les projets structurants du groupe avant qu’ils ne soient déployés. »

Yves Bonniau en est sûr : « Nous entrons dans une phase opérationnelle. Nous travaillons avec les DRH pour harmoniser les modules de formation destinés aux salariés et aux managers de proximité. Nous travaillons également à définir des indicateurs pertinents de bien-être au travail. Enfin, nous venons de modifier la composition de la commission QVT groupe en renforçant la représentation des DRH des entreprises. » Les DRH de trois caisses régionales et de trois filiales ont rejoint la DRH du groupe et les représentants de cinq syndicats dans l’instance de suivi. Réunie début février, son premier acte fort devait être de discuter des effets des technologies de l’information et de la communication sur la vie des salariés.

Auteur

  • Laurent Poillot