Chaque année depuis trois ans, les services RH et achats d’Airbus France organisent un forum de rencontre de leurs équipes avec des structures du secteur du travail protégé et adapté (STPA). En juin, 300 employés d’Airbus, acheteurs ou clients finaux, ont pu discuter avec 33 EA (entreprises adaptées) et Esat (établissements et services d’aide par le travail). Deux tiers de ces structures étaient déjà sous-traitantes d’Airbus et un tiers sont susceptibles de le devenir, dans des domaines traditionnels (gestion documentaire, gestion des espaces verts, nettoyage…) et dans d’autres plus industriels. Airbus a aussi invité les responsables des missions handicap de ses sous-traitants, qu’elle incite depuis deux ans à suivre sa voie en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Airbus a signé son deuxième plan triennal en faveur de l’insertion et de l’emploi des personnes handicapées en 2014, « parce que l’entreprise est convaincue que de la diversité naît l’innovation et la créativité », indique l’introduction du texte paraphé par toutes les organisations syndicales. « Un très bon accord dans sa globalité, avec une politique volontariste à tous les niveaux, un engagement de la hiérarchie et un travail remarquable avec les achats, pas seulement pour arriver aux 6 % obligatoires », applaudit Marie-Line Brugidou, secrétaire adjointe du CE d’Airbus France Opérations, qui a négocié l’accord pour la CFE-CGC.

Si Airbus France a dépassé ses objectifs en termes de recrutements de personnes handicapées en direct (260 entre 2011 et 2013, 95 en 2014), avec une montée en compétences, le groupe agit sur deux autres piliers : l’emploi indirect en sous-traitance et la lutte contre les stéréotypes à travers la sensibilisation des équipes.

« Quand nous avons voulu faire appel à des personnes handicapées pour de l’emploi direct comme pour de la sous-traitance, nous avons pu constater qu’il y avait des stéréotypes présents dans les esprits, explique Marie-Stéphane Pefferkorn, responsable diversité et engagement à Airbus en France. Certains pensaient que ces personnes étaient trop lentes ou ne pouvaient pas réaliser de tâches dans le domaine industriel… Pour faire évoluer les mentalités, nous nous sommes dit qu’il fallait faire se rencontrer les entreprises du secteur adapté et protégé, les acheteurs et les clients finaux au sein de l’entreprise. » D’où l’idée d’un forum annuel permettant à des petites structures du STPA, dépourvues de service communication ou de direction marketing, de faire connaître leurs compétences et leur potentiel.

« Pour faire travailler des entreprises du STPA, nous devons d’abord expliquer à nos acheteurs internes l’intérêt d’avoir une vision sociétale de la gestion des achats et les convaincre que le handicap n’est pas synonyme de mauvaise qualité », souligne Patrick Fanget, directeur des achats généraux au sein d’Airbus Group, initiateur en 2011 d’un projet handicap sous-traitance au sein de sa direction, qui gère 8,5 milliards d’euros et assure les relations avec 17 000 fournisseurs. Le projet a d’abord été lancé au sein d’Airbus France, et une clause sociale a ensuite été ajoutée dans tous les contrats d’achats en 2013. Pour amplifier ce choix, Airbus a demandé à ses sous-traitants de rang 1 de confier 3 % à 5 % du chiffre d’affaires qu’elle leur attribue à des entreprises du STPA.

Patrick Fanget se félicite que ce projet ait contribué à la création de 250 équivalents temps plein en quatre ans au sein d’une trentaine d’entreprises adaptées à Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire, comme Gestform, GSI, Saprena ou Hightekway (lire l’encadré). Le chiffre d’affaires confié au STPA en direct ou via des sous-traitants a été multiplié par quatre entre 2011 et 2015, passant de 5 à 20 millions d’euros. « Le projet s’adapte à la montée progressive des compétences, explique Patrick Fanget. Nous avons commencé par la reprographie et le jardinage, puis nous avons ajouté, après formation, la passation de commandes, la sous-traitance d’achats, le nettoyage d’outils et de vêtements industriels. Nous pourrons l’étendre ensuite à de la hotline technique, un domaine plus complexe en termes d’activité. »

En janvier 2015, cette politique a été étendue à l’ensemble des achats d’Airbus Group en Allemagne, en Espagne et en Grande-Bretagne. Elle devrait intégrer prochainement Airbus Helicopters et Airbus Defence and Space.

Hightekway est une jeune entreprise adaptée toulousaine, créée en 2008 par Catherine Huard-Lefin, une ancienne cadre de l’aéronautique soucieuse de faire travailler des personnes en difficulté. Après un démarrage dans les services administratifs (saisie, impression, routage pour Pierre Fabre, BVA ou Carrère), elle s’intéresse au secteur aéronautique à partir de 2013, encouragée par Airbus, alors à la recherche de compétences de salariés en situation de handicap. Avec 14 employés, Hightekway est la première entreprise adaptée à œuvrer pour les grands donneurs d’ordre de l’aéronautique, sous-traitants d’Airbus (Safran, Sogeti High Tech, Akka…). Ses salariés sont recrutés sur des projets d’ingénierie, de mécanique avion ou des logiciels d’essais en vol. Son enjeu aujourd’hui est la formation d’un personnel qualifié : « J’avais identifié que la difficulté ne serait pas de trouver des commandes mais des compétences, explique la chef d’entreprise. Aujourd’hui, nous fondons notre stratégie sur la montée en compétences de nos salariés, en leur proposant de la formation, en lien avec nos cotraitants. C’est notre mission sociale. »