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3 questions à… Johan Theuret

Acteurs | publié le : 19.01.2016 | Élodie Sarfati

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3 questions à… Johan Theuret

Crédit photo Élodie Sarfati

Le président de l’association des DRH des grandes collectivités territoriales fait le point sur l’audition de celle-ci, en novembre dernier, par la mission d’évaluation du temps de travail dans la Fonction publique. Johan Theuret est également directeur général adjoint en charge des RH et du dialogue social de la ville de Clermont-Ferrand.

Quel diagnostic faites-vous sur le temps de travail dans les collectivités territoriales ?

Signalons d’abord qu’aucune étude n’a été menée à ce sujet depuis la mise en œuvre des 35 heures. Il n’existe donc aucune donnée objective ni d’information consolidée au plan national.

Néanmoins, il est vrai que, dans de nombreuses collectivités, la durée du travail annuelle est inférieure à 1 607 heures, qui correspondent aux 35 heures hebdomadaires. Mais cela s’explique par plusieurs facteurs. Par exemple, les politiques de relance dans les années 1980 ont conduit des collectivités à réduire le temps de travail dans le cadre des contrats de solidarité, et ces organisations n’ont jamais été remises en cause. Par ailleurs, de nombreux métiers entraînent des sujétions particulières – travail dangereux, de nuit, le dimanche… – donnant lieu à des récupérations horaires. Ce qui est justifié ; mais, faute d’harmonisation, les disparités sont importantes entre collectivités. De même, les autorisations d’absence, par exemple pour événements familiaux, sont très différentes selon les territoires. Il est important aussi de rappeler qu’en parallèle, beaucoup d’agents ne comptent pas leurs heures. Les cadres, notamment, travaillent largement plus de 1 607 heures par an.

Pensez-vous alors qu’il soit nécessaire d’augmenter le temps de travail des agents ?

Ce n’est pas, selon nous, la question essentielle. Il faut relativiser le phénomène : augmenter le temps de travail de 30 heures par an ne générera pas d’économies ni de gains de productivité significatifs. Et attention aux externalités négatives : rehausser le temps de travail sans compensation salariale – car nous n’en avons pas les moyens budgétaires – comporte des risques pour les collectivités vis-à-vis des personnes exerçant des métiers en tension – métiers techniques, petite enfance, médico-social… Ce sont souvent des contractuels, qui pourraient alors choisir de partir dans le secteur privé, avec lequel il existe déjà d’importants écarts de salaire.

Ce qu’il faut en revanche, c’est, d’une part, mieux encadrer les avantages et les dérogations pour éviter les inégalités, et d’autre part, engager une réflexion sur les organisations de travail.

Quelles évolutions préconisez-vous en la matière ?

Il est nécessaire de développer les systèmes d’annualisation du temps de travail et les horaires multiples permettant d’élargir les plages d’ouverture des services et d’accueil du public. Nous devons trouver des souplesses qui n’existent pas aujourd’hui. Par exemple, un régisseur de plateau intervenant sur un spectacle le soir est actuellement payé en heures supplémentaires, car on est en dehors des horaires de travail. De la même façon que la loi incite les collectivités territoriales à travailler sur les risques psychosociaux ou l’égalité hommes-femmes, elle doit nous aider à ouvrir le débat sur les organisations de travail, en définissant un cadre et des compensations communs.

Enfin, n’oublions pas que le véritable sujet de fond, c’est celui de l’absentéisme, qui, avec une moyenne de vingt jours d’absence par an et par agent, représente un enjeu financier bien plus important que la durée du travail. Nous sommes d’ailleurs en train de mener une étude sur ce sujet avec l’Inet*, afin de disposer d’outils de diagnostic et de diffuser les bonnes pratiques en matière de prévention.

* Institut national des études territoriales.

Auteur

  • Élodie Sarfati