logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 19.01.2016 | Denis Monneuse

Image

Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Insultez-vous vous-même !

En début d’année, une des activités les plus partagées consiste à prendre de bonnes résolutions. Je me suis donc creusé la tête pour en trouver une pertinente à vous conseiller. Afin que la paix prévale dans le monde, la première étape est que chacun respecte son voisin. Et par quoi le respect passe-t-il ? Tout d’abord par le langage employé. Ne pas insulter autrui devrait ainsi être le premier commandement de toute religion ou morale laïque qui se respecte.

Force est pourtant de constater, à la lecture de la revue Aggression and Violent Behavior, que cette règle est (encore) peu respectée. Je vous déconseille d’ailleurs cette revue si vous avez des tendances dépressives : lire uniquement des articles sur des comportements agressifs et violents donne une vision guère réjouissante de la nature humaine.

Parmi les dernières publications de cette revue, Teresa Stone et deux de ses collègues se sont intéressés aux insultes auxquelles ont droit les professionnels de santé (aides-soignants, infirmiers, médecins…) ; 7 % d’entre eux se plaignent d’en être victimes continuellement. Sans surprise, les plus touchés sont ceux qui œuvrent dans les services psychiatriques et aux urgences. Les patients qui n’ont plus toute leur tête ainsi que ceux qui viennent de subir un accident sont en effet ceux qui se défoulent le plus sur le personnel soignant.

Le problème est que ces insultes sont loin d’être sans conséquences. Elles sont d’autant plus douloureuses à vivre par les professionnels de santé qu’ils sont les derniers à les mériter. Alors qu’ils viennent en aide aux patients, ceux-ci les remercient par des jurons et autres incivilités verbales. Avouez que le sentiment d’ingratitude qui en résulte est justifié !

L’article de Teresa Stone montre que se faire insulter au travail augmente la probabilité de souffrir d’insomnies et d’épisodes dépressifs. D’ailleurs, les agressions verbales génèrent davantage de sentiments négatifs parmi le personnel soignant que les agressions physiques dont il peut éventuellement aussi faire l’objet. La seule bonne nouvelle est que, lorsque les insultes ne sont pas intentionnelles (quand il s’agit d’un patient atteint du syndrome de la Tourette qui ne se rend pas compte de ses actes, par exemple), elles sont moins douloureuses que la moyenne.

Malheureusement, il serait trop simpliste d’en conclure que la résolution de l’année devrait être d’arrêter toute insulte. Car l’article cité rappelle que proférer des insultes est bon pour la santé ; du moins, dans certaines conditions. Par exemple, proférer des jurons au lieu de rester silencieux permet de mieux résister à la douleur.

D’ailleurs, l’étude note que le personnel soignant use parfois lui-même de grossièretés pour mieux se mettre au niveau des patients avec des phrases comme « On va t’aide à te débarrasser de cette p… de douleur ! » Car, apparemment, une grossièreté vaut mieux parfois qu’un long discours.

Si l’insulte fait du bien en cas de douleur, mais nuit à ceux qui en sont injustement victimes, la solution est toute trouvée : la prochaine fois que vous souffrez, insultez-vous vous-même ! Il ne s’agit pas ici d’une invitation à des pratiques sadomasochistes, mais tout simplement à mieux extérioriser vos soucis sans mettre pour autant la santé mentale d’autrui en danger. C’est une belle et originale résolution de début d’année !

Auteur

  • Denis Monneuse