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Les clés

La mindfulness, est-ce pour moi et mon équipe ?

Les clés | publié le : 19.01.2016 | Christel Jacson

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La mindfulness, est-ce pour moi et mon équipe ?

Crédit photo Christel Jacson

Bien-être au travail. La mindfulness, ou “pleine conscience”, à la fois concept et posture en vogue, permet aux managers d’accompagner leurs équipes en tenant compte de leurs émotions et de celles des autres. À la clé, par exemple, des prises de décisions facilitées.

Chaque matin, Maud Cudraz, directrice qualité de la PME Guichon Valves (Chambéry, 73), demande à ses collaborateurs de représenter leur “météo émotionnelle” par un smiley : « Nous avons aussi médité en codir et nous justifions souvent nos choix par nos ressentis, précise-t-elle. En 2016, nous aurons une salle de méditation. » Comme une douzaine d’autres entreprises de toutes tailles, Guichon Valves soutient la chaire “Mindfulness, bien-être au travail et paix économique” de Grenoble École de management. « La mindfulness (pleine conscience, NDLR) est la capacité d’observer, instant après instant, ce qui se déroule à l’intérieur et à l’extérieur de soi, explique le Pr Dominique Steiler, son titulaire. Le but est d’agir le plus justement possible et sans jugement. »

« La plupart du temps, notre esprit divague. En cessant de s’identifier à ses pensées et à ses émotions, le manager agit plus efficacement », commente Dominique Retoux, instructeur Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Validé par de nombreuses études scientifiques, ce protocole thérapeutique vise à réduire le stress par la méditation et l’acceptation des ressentis.

L’établissement savoyard du groupe Böllhoff (350 salariés) teste ces techniques à titre expérimental, comme l’explique son DRH, Sébastien Berteloodt : « En 2014, les salariés ont exprimé un mal-être général, et la direction a décidé de faire évoluer son management. Nous avons travaillé avec la chaire de Grenoble EM pour monter un programme de rencontres, d’ateliers pratiques, de conférences que nos managers pourront suivre dès 2016. Le but est d’améliorer leur posture. » Au lieu de se placer en dehors des problèmes et de chercher des coupables, le manager prend en effet conscience, par ce type de formation, de la situation globale et de sa propre implication.

De son côté, le groupe mutualiste Maif a initié à la pleine conscience 80 de ses salariés (direction, siège et centres d’appels) dans le cadre de son plan stratégique d’entreprise “L’audace de la confiance” (2015-2018). Christine Decker est chargée de projet au sein de la cellule stratégique du plan. Ancienne manager du centre d’appels Maif de Nancy, elle confie que ce concept a fait évoluer sa pratique et sa conception du management : « Je me comporte davantage en adulte, témoigne-t-elle. Dans un conflit, on est toujours responsable à 50 %. Donc j’agis sur mes 50 % en acceptant mes émotions, en dépassant mes jugements et en développant de la bienveillance. Je ne cherche plus à l’extérieur les ressources que je peux trouver en moi. » Sa pratique consiste à se recentrer plusieurs fois par jour sur sa respiration et sur ses sensations, sans suivre le fil de ses pensées. « Sans me forcer, j’essaie de faire des séances courtes mais régulières, précise-t-elle. Je me focalise sur une intention positive. Par exemple, avant une réunion, je visualise qu’elle va bien se passer. »

Regard intérieur

À force de pratiquer, le manager « écoute l’autre par les émotions que celui-ci déclenche en lui, et cela le rend plus disponible à la réalité, assure le Pr Steiler. En retardant l’action, ce temps de regard intérieur rend les décisions plus efficaces ». Selon Geneviève Ardon, instructrice MBSR, « nombre de managers pratiquant la pleine conscience disent qu’ils gagnent du temps en réunion, car ils répondent de manière moins réactionnelle ». Selon Christine Decker, la dynamique de groupe s’améliore : « Je suis plus ouverte aux besoins et aux potentiels de mon équipe. Je cultive les forces de mes collaborateurs au lieu de rester focalisée sur mes objectifs. Récemment, avant de choisir entre deux prestataires, j’ai proposé à mes collègues de pratiquer la pleine conscience pour compléter la réflexion en ayant recours à notre intelligence intuitive. » Après avoir médité sur leurs sensations, les intentions ont convergé, et la majorité des participants ont opté pour un prestataire paraissant rassurant. « Pratiquer ensemble motive et décuple les effets », ajoute-t-elle.

Plus qu’un outil de réduction du stress, la pleine conscience induit un changement de culture : en modifiant son attitude, le manager libère la parole et la créativité des salariés. « Cependant, certains collaborateurs attendent un management pyramidal directif et il ne faut pas bousculer trop vite les habitudes », prévient Laurent Monge, directeur général du site isérois de l’entreprise anglaise E2v Semiconductors, qui forme petit à petit tous ses salariés à la pleine conscience.

Les conseils du coach

Dominique Steiler

Professeur à Grenoble EM

1

Augmenter sa capacité d’observation

Il faut d’abord apprendre à se détacher de ses croyances issues de l’éducation et de ses projections, qui mettent un filtre sur la réalité des choses. Elles nous amènent à réagir par automatisme et non en fonction de soi, des autres et de la situation.

2

Accepter ses émotions et la situation

Il faut accepter ses émotions quand elles arrivent et ne surtout pas les fuir. On s’abandonne à la réalité. Il est vrai qu’à force de regarder à l’intérieur de soi, on voit des sentiments qui ne sont pas toujours agréables mais qu’il faut assumer… Par exemple, en réunion, je peux me rendre compte qu’un propos m’a mis en colère. En pleine conscience, je reconnais ce ressenti et je distingue mes émotions des propos qui ont été dits. On se rend présent à notre état en observant les mouvements du corps avec bienveillance. C’est une attitude très active et cruciale pour le monde de l’entreprise : la mindfulness ne règle pas les problèmes à notre place, mais nous fait prendre conscience de notre entière responsabilité dans la situation présente.

3

Ne pas juger

Enfin, on ne juge ni la situation ni son propre ressenti. On intègre notre jugement comme une nouvelle donnée objective de la situation. Une fois qu’on a réalisé ces trois étapes (dans la réalité, les étapes s’imbriquent et les choses ne sont pas linéaires), on pourra choisir le comportement le plus adapté vis-à-vis de soi-même puis du monde extérieur.

Auteur

  • Christel Jacson