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Les clés

Attention au présentéisme

Les clés | publié le : 02.02.2016 | Nicolas Lagrange

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Attention au présentéisme

Crédit photo Nicolas Lagrange

Gestion d’équipe. Souvent attentifs à l’absentéisme de leurs collaborateurs, les managers délaissent davantage les signaux du présentéisme : une présence excessive au travail. Or le sujet est tout aussi préoccupant pour les salariés concernés comme pour l’équipe. Il nécessite une réelle prise de conscience et une exemplarité managériale.

« Lorsqu’un salarié termine souvent tard, il faut se demander quelles sont ses motivations », assure Sandra Robaire, chef de marché revendeurs et coordinatrice administration des ventes et SAV chez Maviflex (fabricant de portes souples industrielles). « Cherche-t-il à montrer son implication ? Y a-t-il un vrai problème d’organisation du travail ? J’ai eu une discussion avec une assistante commerciale qui terminait toujours après les autres, relate la manager, à la tête d’une équipe de 21 collaborateurs. Elle se noyait dans certaines tâches administratives, qu’elle jugeait urgentes. Je l’ai sensibilisée à l’importance de prendre du temps pour sa famille et nous avons revu ses missions et son organisation, pour lui permettre de partir plus tôt. »

À ce jour, peu d’entreprises se sont saisies de la question de la surprésence au travail. En 2012, dans son accord sur l’égalité professionnelle, la SNCF s’est « engagée à lutter contre le culte du présentéisme », via une analyse approfondie des données de l’absentéisme. Travail tardif ou intense à intervalles réguliers, présence professionnelle en dépit d’un mauvais état de santé, travail en dehors de l’entreprise… « Les formes varient, tout comme les motivations, affirme Florence Marache, animatrice de l’Observatoire de la qualité de vie au travail (QVT) de la compagnie ferroviaire. Nous donnons des repères pour les identifier. Il peut s’agir d’une impossibilité de s’absenter pour des raisons financières, d’un contexte familial difficile, d’une surcharge de travail après une absence – avec la crainte d’avoir du mal à se remettre à jour ou d’être mal jugé – ou encore d’une démarche de valorisation personnelle (pour un poste à fort enjeu ou par peur de perdre son emploi). »

Cette présence intempestive peut « arranger l’entreprise à court terme mais, à moyen terme, la facture va se présenter, avertit Sébastien Richard, spécialiste analytique RH chez Havasu*. Car le présentéisme répété favorise l’émergence de phénomènes dépressifs, de maladies cardiovasculaires, selon plusieurs études. Préfigurant des absences nettement plus longues et très coûteuses ». Sur la base d’un outil de modélisation statistique appliqué à l’entreprise, l’analyste dresse par ailleurs deux constats majeurs : d’abord, les absences régulières au sein de certains services conduisent souvent d’autres salariés à une surprésence, occasionnant un transfert de charges ; ensuite, les managers présentéistes incitent leur équipe à l’être aussi. « Ils sont à la fois le problème et la solution », résume Sébastien Richard.

« J’ai l’habitude de dire à mes équipes que ce n’est pas la quantité de travail qui fait la qualité et que l’on ne peut pas rester concentré dix heures durant de la même manière, raconte Sandra Robaire. Mais, pour crédibiliser mon discours, je m’astreins à quitter Maviflex vers 18 heures. Cela déculpabilise les assistantes commerciales de mon service. » Une démarche facilitée par la culture d’entreprise de cette PME du Rhône, qui compte près de 100 salariés : la prise de poste varie entre 8 heures et 9 h 15, la pause méridienne entre 45 et 120 minutes et la fin de poste entre 17 h 30 et 18 h 30. En outre, les salariés peuvent s’absenter une ou deux heures sans forcément poser de demi-journée en compensant ultérieurement, et les aménagements horaires permanents sont possibles (voir Entreprise & Carrières n° 1234).

Plan d’action à la SNCF

« La sensibilisation des managers est primordiale, abonde Daniel Solard, DRH de la SNCF pour la Bretagne. Notre logiciel RH leur permet de disposer de chiffres clés en matière d’absentéisme et de présentéisme. Nous avons mené une grande enquête en août dernier auprès des managers de plusieurs niveaux, en impliquant la ligne métiers RH, la médecine du travail et l’action sociale. Privilégiant une démarche pluridisciplinaire, nous allons mettre en place un plan d’action, en informant les IRP, notamment pour capitaliser sur les bonnes pratiques et créer des fiches guides de situation pour les managers. »

Confronter les objectifs au réel

Pour prévenir les phénomènes de présentéisme, le manager doit être bienveillant, se montrer à l’écoute, mais aussi être très vigilant sur les horaires et la charge de travail, ce qui n’est pas toujours évident s’agissant de salariés itinérants. « Je vérifie leurs horaires de début et de fin de poste sur le système informatique en ligne et je les appelle régulièrement au téléphone, explique Sandra Robaire, qui encadre 10 techniciens SAV en forfait-jours. Et lorsque la charge de travail implique des dépassements, on organise des récupérations les jours suivants ou la semaine d’après et je fais un bilan mensuel du temps de travail. » Ce qui permet aussi de confronter les objectifs au réel…

* Éditeur de services et logiciels RH analytics.

Les conseils du coach

Thierry Rousseau

Chargé de mission au département études, capitalisation et prospective à l’Anact

1

Repérer les signaux de présentéisme

L’absentéisme se voit, le présentéisme beaucoup moins, mais plusieurs indices peuvent le révéler : congés ou RTT non pris, multiples dépassements horaires, forte propension à venir travailler en étant malade, réponses aux e-mails à toute heure… Le manager doit savoir repérer le surengagement, qui est fréquent et généralement valorisé en France, notamment chez les cadres. Or la surprésence n’est pas synonyme de performance et peut dégrader à terme l’état de santé, engendrer des burn out, susciter des décompensations brutales. Des conséquences graves pour le salarié et pour l’entreprise.

2

Questionner l’organisation et la charge de travail

Certains modes d’organisation sont propices au présentéisme, comme le fonctionnement en mode projet, qui peut masquer la charge de travail réelle d’un salarié impliqué dans plusieurs projets. Le manager doit pouvoir saisir le rapport au travail de ses collaborateurs et définir ce qui se passe pendant le travail : quelles sont les contraintes ? Comment la charge de travail est-elle ressentie ? Quels moyens les salariés mettent-ils en œuvre pour atteindre leurs objectifs ? Bref, il faut partir du travail réel pour voir comment adapter au mieux l’organisation du travail.

3

Être clair sur les attentes managériales

Le manager a tout intérêt à « encadrer » l’engagement, à être explicite sur les limites à ne pas franchir. Sinon, les salariés peuvent présupposer qu’il attend d’eux une forte implication en nombre d’heures de présence. D’ailleurs, les individus livrés à eux-mêmes en font souvent trop, même si personne ne le leur demande. Il est essentiel d’avoir des temps d’écoute individuels, mais aussi des temps d’échanges collectifs sur l’organisation du service, la meilleure manière de produire et de valoriser l’activité concrète, les conditions d’une bonne coopération.

Auteur

  • Nicolas Lagrange