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Sur le terrain

Cuba : Révolution RH dans les bus de La Havane

Sur le terrain | International | publié le : 02.02.2016 | Hector Lemieux

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Cuba : Révolution RH dans les bus de La Havane

Crédit photo Hector Lemieux

Un parfum de révolution flotte sur les pratiques de travail à Cuba. Au gré des nouvelles résolutions capitalistes du président Raúl Castro – qui était attendu en France cette semaine –, des entreprises d’État longtemps déficitaires, comme la compagnie d’autobus de La Havane, changent de pratiques RH.

La Guagua (le bus) avale les faubourgs de La Havane, il dépasse le mythique Hotel Nacional – où la mafia américaine avait ses habitudes – puis dépose une cohorte de passagers devant le glacier Coppelia, au cœur du quartier artistique du Vedado, où les Havanais dégustent une glace à la vanille pour quelques pesos cubanos (CUP, centimes d’euros) après des heures d’attente. « Je n’y vais plus. J’emmène ma famille à la piscine une fois par mois manger des glaces Nestlé », confie Orlando, chauffeur de bus de la Empresa Provincial de Transporte de La Habana (EPTH). Il baisse la voix : « Nous avons eu des augmentations. Je gagne près de 2 500 CUP [100 euros] contre 315 CUP [12,50 euros] il y a un an », se réjouit-il.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a presque dix ans, Raúl Castro a fait de l’économie une priorité nationale, non sans succès. « Nous travaillons sur deux scénarios : l’idéologique et l’économique », a déclaré, le 20 mars 2015, le numéro deux du régime, Miguel Dìaz-Canel.

Transformation des entreprises d’État

À partir de la fin de l’année 2010, Raul Castro et son équipe de ministres quadragénaires se sont attaqués à l’amélioration des relations de travail. En promouvant la création de très petites sociétés privées (plus d’un demi-million contre 150 000 en 2010), mais aussi en transformant les structures bureaucratiques des entreprises d’État (qui représentent encore plus de deux tiers des sociétés cubaines). Tel a été le cas pour l’EPTH. Le transport public est l’une des principales causes de grogne des Cubains : retards, bus surchargés, pannes… Le parc de bus s’est beaucoup réduit et, jusqu’en 2014, les sureffectifs étaient légions. « Nous ne pouvons pas hausser la productivité si 30 personnes travaillent là où 4 suffiraient », notait le ministère des Transports en 2013. Raúl Castro s’était engagé en 2010 à se séparer d’un million de travailleurs du public et les entreprises d’État ont fortement licencié. S’il n’existe pas de données sur les licenciements pour l’EPTH, les hausses de productivité sont perceptibles. Entre 2012 et 2015, le nombre de passagers transportés a augmenté de 40 %. « Nous avons accru nos revenus, diminué les dépenses, réduit le nombre de travailleurs dédiés aux tâches administratives, que ce soit dans les RH, les magasins ou les ateliers », a déclaré en juillet dernier, dans l’hebdomadaire Trabajadores, le directeur du terminal de bus de Guanabo, l’un des plus gros terminus de la banlieue de la capitale.

Rénovation du parc de bus

L’EPTH s’est aussi attachée au confort de ses chauffeurs. Avec un credo : rénover un parc constitué de 40 marques de vieux bus sans direction assistée et à la conduite difficile. Les dirigeants de l’EPTH changent peu à peu ces bus pour des Yutong chinois neufs, à la direction assistée. La stimulation salariale a été accordée aux chauffeurs, mais aussi aux autres personnels : techniciens, mécaniciens…

Pour y parvenir, la direction de l’EPTH a forcé la main de ses employés en les obligeant à respecter le règlement. Des GPS et des mouchards ont été installés sur les bus, afin de s’assurer que ceux-ci ne servent pas, comme par le passé, à effectuer d’autres trajets. La consommation de carburant est vérifiée. Surtout, les dirigeants ont mis en place un nouveau système prévisionnel de collecte des recettes des bus. Chaque chauffeur doit rapporter 615 CUP (24,50 euros) de recettes par jour, soit l’équivalent de 1 550 passagers transportés. S’il ne respecte pas cet objectif journalier, son salaire baisse progressivement. Il peut se limiter à une base de 315 CUP mensuels… ou grimper jusqu’à 2 500 CUP.

Le sous-directeur du développement de l’ETPH, Carlos Alberto Gonzalez, conclut dans le journal Juventud Rebelde : « Lors des entretiens de suivi, les travailleurs expriment leur satisfaction pour l’amélioration des conditions de travail, la diminution des dépenses et l’augmentation des salaires moyens. »

Dans les médias

TRABAJADORES. Rénovation d’un géant de la boulangerie

Augmentation de la productivité et de la production : Empresa Provincial de la Industria Alimentaria (l’Entreprise provinciale de l’industrie alimentaire) a amélioré son efficacité. Et cela sans augmentation du prix du pain pour les Cubains. L’entreprise d’État chargée d’alimenter les Havanais en pain a investi pour rénover ses installations, améliorer l’efficacité des chaînes de production et traquer la fraude (le vol de pain). 25 janvier 2016, Trabajadores, journal de la Centrale des travailleurs cubains.

LA TRIBUNA DE LA HABANA. Hausse du secteur privé

La part du secteur privé a augmenté notablement en 2015 dans la capitale. Les petits patrons havanais à leur compte (cuentapropistas) représentent désormais 25 % des petits entrepreneurs privés du pays. 24 janvier 2016, La Tribuna de La Habana, hebdomadaire généraliste.

Auteur

  • Hector Lemieux